Le recoupement du droit autochtone et du droit administratif: Quand une décision règlementaire constitue-t-elle une « mesure envisagée de la Couronne »?

Dans un article publié en mai 20121, nous avions avancé l’opinion optimiste voulant que la décision alors récente de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rio Tinto Alcan inc c Conseil tribal Carrier Sekani2 (RTA) et Beckman c Première nation de Little Salmon/Carmacks3 (Beckman) pouvait mener à une compréhension généralement acceptée de la source, du déclencheur, de l’objet et des limites de l’obligation de la Couronne de consulter les peuples autochtones. Comme on peut s’y attendre, la trajectoire menant à cette compréhension ne s’est pas avérée aussi simple que nous l’avions espéré.

L’arrêt RTA était important à l’égard de deux aspects fondamentaux. Premièrement, il a ventilé le critère pour déterminer s’il existe une obligation de consulter, comme il a été indiqué pour la première fois dans l’arrêt Haida Nation v British Columbia (Ministry of Forests)4 (Haida Nation), en trois composantes. Deuxièmement, il précisait comment les tribunaux devraient déterminer le rôle que doit jouer un décideur créé par la loi lorsque les trois éléments donnant lieu à une obligation de consulter sont tous réunis.

À notre avis, ces deux aspects de l’arrêt RTA doivent demeurer distincts. En effet, l’existence d’une obligation de consulter n’indique en rien si un organisme de règlementation en particulier doit jouer un rôle à ce chapitre. Le rôle de l’organisme de règlementation doit être déterminé par son mandat législatif, et l’organisme de règlementation et les tribunaux doivent comprendre ce rôle par des voies conventionnelles d’interprétation des lois.

Réciproquement, les pouvoirs conférés à un tribunal ne précisent aucunement si une obligation de consulter est déclenchée dans une situation donnée. Le fait qu’un tribunal ait l’obligation expresse de déterminer la pertinence de mener des consultations ou de les mener lui-même n’indique pas si les trois éléments nécessaires à l’application du critère de l’arrêt Haïda Nation sont présents. Cette décision doit être fondée sur une preuve qui démontre la présence des trois éléments dans tout cas particulier.

Nous sommes d’avis que les cas postérieurs à l’arrêt RTA ont eu tendance à confondre ces deux aspects distincts de l’arrêt RTA5. Il s’en est suivi un traitement non convergent des responsabilités des décideurs créés par la loi dans les situations où le comportement qui entraîne prétendument les effets préjudiciables sur les revendications autochtones ou les droits ancestraux est examiné par les intervenants du secteur privé. Dans le présent article, nous proposons d’examiner ces situations et de décrire la façon dont les organismes de règlementation et les tribunaux examinant leurs décisions doivent procéder à l’analyse afin de déterminer si une consultation est requise avant de prendre une décision touchant une activité du secteur privé.

Nous commençons en observant que les activités du secteur privé touchant l’utilisation des terres sont distinctes des situations décrites dans les arrêts Nation Haida et RTA. Dans ces deux cas, la mesure envisagée de la Couronne était active et directe. Dans l’arrêt Nation Haida, la province de la Colombie-Britannique envisageait de délivrer un permis de coupe sur des terres de la Couronne en contrepartie du paiement de droits de coupe à l’État. Dans l’arrêt RTA, la Couronne, par l’entremise de son représentant, BC Hydro, envisageait l’achat d’énergie. Ces cas portent sur une mesure envisagée de la Couronne ou de ses représentants qui aurait entraîné des effets physiques sur des ressources ou des terres visées par des revendications autochtones ou des droits ancestraux.  Ces faits sont distincts des cas où l’intervenant du secteur privé envisage de mener des activités qui sont assujetties à une certaine forme de règlementation, mais ne comportent aucune autre participation active ou directe de la Couronne, ni n’exigent une cession des ressources de l’État. Dans ces cas, la question qui se pose est de déterminer si la règlementation gouvernementale de ces activités privées constitue une « mesure envisagée de la Couronne » qui peut déclencher l’obligation de consulter.

Il s’agit d’une question complexe qui, à notre avis, soulève des questions distinctes qui exigent une analyse supplémentaire de l’obligation établie dans l’arrêt Nation Haida et précisée dans l’arrêt RTA. L’arrêt RTA indique que l’obligation de consulter est déclenchée lorsque les trois éléments suivants sont réunis :

  1. La connaissance par la Couronne, réelle ou imputée, de l’existence possible d’une revendication autochtone ou d’un droit ancestral.
  2. La mesure envisagée de la Couronne.
  3. La possibilité que cette mesure ait un effet préjudiciable sur une revendication autochtone ou un droit ancestral6.

Dans le présent article, nous utiliserons le terme « déclencheur » pour indiquer la présence de ces trois éléments, parce que lorsqu’ils sont présents dans une situation donnée, ils déclenchent l’obligation de consulter les peuples autochtones éventuellement touchés.

Dans l’arrêt RTA, les parties ont reconnu que la Couronne répondait aux critères relatifs à la connaissance et à la mesure envisagée. La question était de savoir si le troisième élément du déclencheur s’appliquait à cette mesure, à savoir, si elle présentait le risque d’entraîner directement « un effet préjudiciable » sur une revendication autochtone ou un droit ancestral. Lorsqu’un promoteur privé est concerné et qu’un décideur créé par la loi joue uniquement un rôle de règlementation, il est plus difficile de déterminer si le deuxième élément du déclencheur, une « mesure envisagée de la Couronne » est présent. Une opportunité de jeter un nouvel éclairage sur cette question s’est récemment présenté dans deux cas entendus par la Cour suprême du Canada7. Dans ces deux cas, le deuxième élément du déclencheur est directement en cause.

Nous avançons ci-dessous que l’examen du deuxième élément du déclencheur exige l’utilisation rigoureuse des mêmes outils que la Cour a utilisés dans l’arrêt RTA lorsqu’elle a analysé le troisième élément. Pour que le deuxième élément du déclencheur soit présent, nous estimons (1) qu’il doit y avoir une mesure envisagée et (2) que l’acteur de la mesure envisagée doit être la Couronne ou son représentant. Par conséquent, lorsqu’un acteur privé propose une mesure qui exige un certain degré d’approbation règlementaire, mais aucune autre mesure de la Couronne, le deuxième élément du déclencheur ne sera considéré comme présent que si l’acte d’approbation lui-même peut être considéré comme une mesure de la Couronne ou de son représentant. Cette question sera au cœur des discussions qui suivent.

Nous avons analysé cette question parce que, à notre humble avis, certaines décisions8 portant sur des projets de développement du secteur privé n’ont pas su faire un examen critique de l’essence du deuxième élément du déclencheur. En effet, on semble avoir eu tendance à l’éviter entièrement ou à traiter superficiellement la question de la « mesure envisagée de la Couronne », pour déterminer que les critères du déclencheur avaient été satisfaits et passer immédiatement à l’analyse de l’arrêt RTA sur les rôles, le cas échéant, conférés à l’organisme de règlementation par la loi à jouer dans les consultations. À quelques exceptions près, même les cas qui traitent de cette question9 ont tendance à limiter leur analyse à savoir si le décideur est « la Couronne » au lieu de déterminer s’il y a existence d’une « mesure envisagée de la Couronne ». À notre avis, cette analyse limitée ne satisfait pas à la tâche, parce qu’elle est axée à tort sur les caractéristiques du décideur par opposition à la décision précise qu’il envisage de prendre.

Une exception partielle pourrait être la décision de la Cour d’appel du Yukon dans l’arrêt Ross River. Ici, la Cour a expressément tenu compte du deuxième élément du déclencheur et a conclu que la décision du conservateur des registres miniers d’enregistrer un claim en vertu de la Loi sur l’extraction du quartz dans le Yukon10 constituait une « mesure envisagée de la Couronne ». La Cour a établi que même si la loi habilitante ne conférait aucune compétence au conservateur des registres miniers pour refuser d’enregistrer le claim, le gouvernement du Yukon ne pouvait octroyer de droits miniers sans d’abord mener des consultations.

À notre humble avis, il n’est pas possible de rapprocher les motifs de l’arrêt Ross River avec la décision rendue dans l’arrêt RTA. Dans l’obiter dictum11, la Cour d’appel dans Ross River a réfuté l’argument voulant que la Couronne n’ait conféré aucun pouvoir discrétionnaire au conservateur des registres miniers, le soustrayant à l’obligation de consulter par l’énoncé général suivant :

[traduction] Les régimes législatifs qui ne prévoient pas la tenue de consultations et omettent de proposer d’autres mécanismes tout aussi efficaces de reconnaître les revendications autochtones et de les régler sont défaillants et ne devraient pouvoir subsister »12.

Sur ce motif, la Cour a conclu qu’en dépit de la loi, le conservateur des registres miniers ne pouvait enregistrer de claim sans mener une consultation préalable parce que la loi habilitante était déficiente. Comme nous en discutons davantage ci-dessous, en agissant de la sorte, la Cour a inféré des obligations découlant de la Loi sur l’extraction du quartz incombant au conservateur des registres miniers qui, de toute évidence, n’avaient pas été prévues par le législateur ou franchi le pas que la Cour suprême s’était gardée de franchir dans l’arrêt RTA13 où elle avait supposé les limites au régime législatif que le législateur était susceptible d’édicter.

Nous croyons qu’en agissant de la sorte, elle a agi de façon incompatible avec l’orientation expresse fournie dans l’arrêt RTA. L’arrêt RTA établit clairement ce qui suit :

  • Il incombe à la Couronne, et non à la Cour, de déterminer comment satisfaire à l’obligation.
  • L’obligation doit être remplie et lorsque le régime établi par la loi ne le permet pas, les tribunaux offriront un recours, qui variera d’une injonction à l’octroi d’indemnités en passant par un bref de mandamus exigeant des consultations14.
  • L’objet de tout recours doit être la mesure contemplée, et non la mesure future qui n’est pas elle-même la cause d’une éventuelle violation des revendications autochtones ou des droits ancestraux en cause.

Nous estimons qu’en exigeant que le conservateur des registres miniers prenne des mesures que le législateur s’était gardé de prendre, la Cour a offert un recours qui a imposé des conditions préalables inappropriées aux mesures futures du conservateur des registres miniers, au lieu de proposer un recours pour compenser pour la décision antérieure de la Couronne de permettre aux mineurs de jalonner un claim, de droit, sans consultation.

Dans la mesure où la Cour a pris cette mesure censément pour déclarer la loi invalide parce qu’un organisme de règlementation particulier n’avait pas été soustrait à l’obligation de consulter, elle est allée plus loin que la mesure contemplée dans l’arrêt RTA, et a agi de façon contraire à cette décision. Nous ne connaissons aucune autorité appuyant la conclusion voulant que la législation [traduction] « ne puisse être autorisé à subsister »15 parce qu’on a omis de prévoir le rôle que la Cour désirait voir attribuer au conservateur des registres miniers. Si, comme la Cour conclut, [traduction] « l’omission de la Couronne de prévoir un pouvoir discrétionnaire pour l’enregistrement des concessions minières en vertu du régime de la Loi sur l’extraction du quartz peut être considéré comme la source du problème »16, alors, le recours ne consiste pas à inférer ou à soustraire des éléments des pouvoirs des conservateurs des registres miniers, mais plutôt à offrir un recours contre la Couronne, tout en gardant à l’esprit des limites éventuelles rattachées à des recours astreignant la souveraineté législative de la Couronne. La réticence de la Cour de répondre à la question de savoir si elle peut être tenue de consulter des Premières Nations en particulier avant d’envisager adopter certaines lois précises susceptibles de les affecter est compréhensible dans un cas qui ne soulève pas directement la question17 compte tenu de l’immensité des répercussions qui s’ensuivraient si l’on déclarait invalide une loi historique qui ne prévoit pas de consultation. Beaucoup de lois au Canada ont aliéné la maîtrise de la Couronne sur ses terres et ses ressources au profit du secteur privé, sans consultation; si celle-ci devait être considérée comme déficiente, les conséquences pour les régimes canadiens de propriété et de tenure pourraient être énormes. En revanche, cette difficulté ne peut être invoquée pour inférer des lois des éléments que ses rédacteurs ne voulaient clairement pas inclure.

Nous espérons démontrer que lorsque le seul rôle de la Couronne en lien avec une activité proposée est celui d’exercer une surveillance règlementaire, le deuxième élément du déclencheur exige de déterminer si une décision précise requise en lien avec cette activité comporte une « mesure envisagée de la Couronne ». Le reste de l’analyse effectuée dans l’arrêt RTA au sujet du rôle de l’organisme de règlementation au chapitre des consultations et de son adjudication est uniquement requis une fois qu’il a été déterminé que tous les éléments du déclencheur, y compris la « mesure envisagée de la Couronne », sont réunis. Ainsi, avant que les enquêtes prescrites par l’arrêt RTA relativement aux rôles des tribunaux au chapitre des consultations ne deviennent nécessaires, la Cour doit déterminer le caractère suffisant de la présence d’une « mesure envisagée de la Couronne » pour autoriser le déclenchement de l’obligation de consulter en premier lieu. Cela dit, l’affirmation, par la Cour, du droit administratif et des principes établis de l’interprétation législative et de leur rôle pour déterminer l’attribution des rôles relativement aux obligations de la Couronne en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle présentée dans l’arrêt RTA offre une orientation valable sur laquelle on peut se fonder lorsqu’on détermine si le deuxième élément du déclencheur est présent.

Nous estimons que les difficultés qu’ont eues les tribunaux pour évaluer les obligations en matière de consultation rattachées à des projets de développement du secteur privé sont le fruit des difficultés inhérentes à la compréhension du recoupement entre les principes d’interprétation des lois avancés lors de l’élaboration du droit administratif au Canada et des principes constitutionnels élaborés, particulièrement dans le contexte de l’article 35 de la Loi constitutionnelle18. La notion voulant qu’un processus établi par le gouvernement puisse autoriser un promoteur du secteur privé à prendre des mesures susceptibles d’avoir une influence sur une revendication autochtone ou un droit ancestral, sans que la Couronne ne mène de consultations relativement à ces mesures, crée une situation inconfortable. Cet inconfort était au cœur des préoccupations de la Cour dans l’arrêt Ross River. Cependant, à notre avis, l’arrêt RTA nous indique que la solution ne consiste pas à supposer le résultat et à attribuer les tâches en conséquence, mais plutôt à s’en remettre aux principes du droit administratif et de l’interprétation des lois, et à déterminer la véritable nature du rôle de l’organisme de règlementation dans un cas particulier pour déterminer si ces mesures constituent une « mesure envisagée de la Couronne ». Dans les cas où le législateur, à défaut d’une consultation adéquate, a conçu le régime de sorte qu’il permette à un projet d’entraîner des répercussions éventuelles sur des revendications et des droits ancestraux sans autre consultation, l’arrêt RTA vient préciser que les Autochtones ne se retrouvent pas sans recours et peuvent obtenir une indemnisation de la Couronne19.

À cet égard, nous nous en remettons à la formulation particulière utilisée par la juge en chef du Canada dans l’arrêt RTA, où elle précise :

« Les décisions des tribunaux inférieurs et les prétentions formulées devant notre Cour paraissent parfois amalgamer les différentes obligations en ce qui concerne la consultation et le contrôle de leur exécution. On prétend plus particulièrement que tout tribunal administratif compétent pour examiner une question de droit a l’obligation constitutionnelle de s’assurer qu’il y a eu consultation adéquate et, s’il n’y a pas eu de consultation, de consulter lui-même les intéressés, que sa loi constitutive le prévoie ou non20 ».

Elle enchaîne en précisant :

« À mon avis, on ne peut faire droit à cette thèse. Un tribunal administratif n’a que les pouvoirs qui lui sont expressément ou implicitement conférés par la loi. Pour qu’il puisse consulter une Première Nation au sujet d’une ressource avant le règlement définitif de revendications, il doit y être expressément ou implicitement autorisé. Le pouvoir de consulter, qui est distinct du pouvoir de déterminer s’il existe une obligation de consulter, ne peut être inféré du simple pouvoir d’examiner une question de droit21 ».

Nous sommes d’avis que l’intention de ces passages de l’arrêt RTA était de contenir les arguments voulant que l’obligation de consulter découlant de l’honneur de la Couronne et garantie par l’article 35 confère des pouvoirs ou impose des obligations aux décideurs créés par la loi lorsqu’une loi ne le fait pas. Nous sommes d’avis que les mêmes limites s’appliquent au pouvoir de déterminer si les mesures d’un décideur créé par la loi constituent une « mesure envisagée de la Couronne ». L’arrêt RTA nous rappelle que peu importe si les pouvoirs sont exercés ou non par un décideur dans une situation donnée, ils représentent une « mesure envisagée de la Couronne » et ouvrent droit au régime établi par la loi conférant compétence pour ce qui est de cette décision précise. À notre avis, l’admonestation de la juge en chef voulant que l’intention du législateur, une question qui relèverait par tradition du droit administratif, demeure primordiale et ne devrait pas être compromise22. En d’autres termes, il conviendrait de résister à la tentation de conférer compétence et obligations aux décideurs dans les situations où il y a peu de preuve étayant une intention de le faire de la part du législateur, et ce, nonobstant l’importance constitutionnelle de la question des consultations.

Dans le présent article, nous proposons d’examiner la question de ce qui constitue une « mesure envisagée de la Couronne » en mettant l’accent sur la nature de la décision, comme l’y invite la formulation de la loi. Dans l’esprit de l’orientation donnée par la Cour dans l’arrêt RTA, nous proposons d’examiner chaque composante des caractéristiques du décideur dans le contexte de la décision précise qui est envisagée pour déterminer si, par rapport à son mandat, sa structure et sa fonction, la Couronne a délégué à ce décideur l’obligation de déterminer s’il est honorable d’autoriser des empiètements sur les revendications des Autochtones ou les droits ancestraux susceptibles de résulter de l’activité privée proposée. Nous concluons que si la loi habilitante délègue au décideur cette lourde responsabilité, cette dévolution doit présenter l’avantage de constituer une consultation appropriée au sens de l’arrêt Nation haïda avant que la décision ne soit rendue. Si cette responsabilité n’est pas échue au décideur par la loi, sa décision ne constitue pas une « mesure envisagée de la Couronne » au sens du deuxième élément du déclencheur et, à moins que la Couronne n’envisage d’autres mesures, l’obligation de consulter ne s’applique pas.

1. L’arrêt RTA sur l’échafaud du droit administratif

Dans l’arrêt RTA, la Cour a d’abord élaboré des principes encadrant les trois éléments du déclencheur puis a examiné les rôles éventuels d’un organisme de règlementation dans le contexte de l’obligation de consulter. La première étape exigeait que la Cour examine en détail les principes du droit autochtone toujours en cours d’élaboration. La deuxième étape exigeait simplement qu’elle applique les principes bien établis du droit administratif.

La Cour a établi que les principes du droit administratif étaient des éléments clés pour déterminer le rôle que la Commission devait jouer pour s’assurer que les consultations ont été menées avant la prise de la mesure envisagée par la Couronne. Pour établir le rôle de la Commission, l’analyse de la juge en chef, étayée au paragraphe 58 de l’arrêt RTA, prenait appui sur la décision de la Cour dans l’arrêt Conway23, une contestation en vertu de la Charte, qui ne comportait pas de questions relevant du droit autochtone. Dans l’arrêt Conway, la Cour a soutenu que « Les éléments pertinents à considérer pour déterminer l’intention du législateur englobent ceux retenus par les tribunaux dans le passé, dont le mandat légal, la structure et la fonction du tribunal administratif »24.

En appliquant la logique de l’arrêt Conway, l’arrêt RTA a confirmé que lorsque l’activité de la Couronne est assujettie à une surveillance règlementaire, le rôle de tout organisme de règlementation en particulier peut être celui que détermine sa loi habilitante. L’organisme de règlementation peut être tenu de mener les consultations requises par l’activité envisagée et il peut être tenu de déterminer si la Couronne, en tant qu’acteur, s’est elle-même conformée à l’obligation ou il peut être tenu de prendre ces deux mesures ou ni l’une ni l’autre25. Son rôle sera défini par sa loi habilitante. La définition du rôle d’un organisme de règlementation par l’application des règles d’interprétation des lois ne s’applique pas de façon différente dans un contexte administratif mettant en cause des questions de droit autochtone que dans d’autres contextes relevant du droit administratif.

Nous sommes d’avis que l’approche analytique fondée sur les principes du droit administratif utilisée par la Cour dans l’arrêt RTA représente la démarche analytique appropriée pour la question très singulière que nous examinons dans le présent article, c’est-à-dire : Quand la décision d’un organisme de règlementation prévu par la loi peut-elle devenir une « mesure envisagée de la Couronne » aux fins de la détermination du deuxième élément du déclencheur?

2. Les outils issus du droit administratif pour déterminer si une décision constitue une « mesure envisagée de la Couronne »

Lorsqu’un acteur du secteur privé, par opposition à la Couronne, sollicite une approbation règlementaire pour entreprendre une activité susceptible de porter atteinte à des revendications ou à des droits ancestraux, il est clair que l’activité privée ellemême ne constitue pas une « mesure envisagée de la Couronne ». En tenant pour acquis que la Couronne ne participe pas autrement, la seule mesure candidate est la décision de l’organisme de règlementation d’autoriser l’activité. Nous sommes d’avis que l’arrêt RTA indique que pour déterminer si cette décision peut être considérée comme une mesure de la Couronne au sens du deuxième élément du déclencheur, la loi habilitante de l’organisme de règlementation doit être examinée. L’objet de l’analyse doit donc être de déterminer si le législateur voulait que l’organisme de règlementation concilie les droits ancestraux ou les revendications autochtones protégés par la Constitution susceptibles de subir un effet préjudiciable avec tout autre facteur à considérer pertinent par rapport à son mandat prévu par la loi lorsqu’il prend la décision en cause.

À cet égard, l’objet de l’analyse devrait porter sur les responsabilités de l’organisme de règlementation relativement à la question en cause, et non chercher à déterminer si l’organisme de règlementation lui même est la Couronne ou son représentant. Comme il est précisé cidessous, un décideur peut avoir une panoplie d’obligations dont seulement certaines d’entre elles peuvent lui permettre d’empiéter éventuellement sur des droits ancestraux protégés par la Constitution. Une analyse axée exclusivement sur le statut de la Couronne ou d’organismes autres que la Couronne du décideur ne permettrait pas de cerner le rôle que joue le décideur dans un contexte donné. Si ce rôle prévoit l’exercice de pouvoirs décisionnels délégués pour autoriser des activités susceptibles d’être préjudiciables à des droits ancestraux protégés par la Constitution, l’exercice de ces pouvoirs devrait nécessairement attirer les mêmes obligations constitutionnelles que s’il était exercé par la Couronne. Réciproquement, lorsque des intérêts autochtones protégés par la Constitution ont déjà été compromis par une mesure de la Couronne qui autorise expressément ou implicitement des activités privées assujetties uniquement à l’obligation de démontrer qu’elles répondent à d’autres intérêts publics, ces mêmes obligations peuvent ne pas être présentes parce que la décision d’abroger les droits ancestraux a déjà été prise.

Ainsi, nous soutenons que la détermination qui doit être effectuée dans le contexte de toute décision règlementaire consiste à établir si la décision d’envisager l’activité privée susceptible d’être préjudiciable à des droits ou à des revendications autochtones a déjà été prise, sera prise par la suite ou a été dévolue à l’organisme de règlementation26. Par exemple, si la décision d’autoriser un usage privé de ressources publiques (terre, ressources minières, etc.) a déjà été prise, alors la mesure de la Couronne entraînant des effets éventuels sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux peut aussi être considérée comme ayant été prise. À l’opposé, si l’on a demandé à l’organisme de règlementation de déterminer si l’exécution d’une activité privée peut être réconciliée avec des impératifs de respect de droits ancestraux éventuellement touchés, alors la Couronne a essentiellement délégué cette décision, et la décision de l’organisme de règlementation peut, en ce sens, constituer une « mesure envisagée de la Couronne ».

On peut parfois intuitivement déterminer s’il incombe à un organisme de règlementation de tenir compte des répercussions de sa décision sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux protégés par la Constitution. Par exemple, un organisme statutaire autorisé à permettre l’enlèvement de terre d’une réserve de terre agricole ne porterait vraisemblablement pas le fardeau de cette obligation si l’activité de la Couronne entraînant des effets préjudiciables sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux était la décision de convertir l’utilisation de la terre à des fins agricoles non autochtones en premier lieu. Étant donné que le mal est déjà fait, il serait étonnant de trouver une loi exigeant que le décideur mène des consultations avant de préférer un usage non autochtone à un autre. Ainsi, compte tenu de son mandat et de l’absence d’indication expresse à l’effet contraire, sa décision ne serait vraisemblablement pas perçue comme une « mesure envisagée de la Couronne » au sens du deuxième élément du déclencheur qui exigerait la tenue de consultations.

Bien souvent, il sera difficile de distinguer clairement le rôle de l’organisme de règlementation dans les situations en cause. Ainsi, la formulation de sa loi habilitante devra être examinée attentivement pour savoir s’il lui incombe de déterminer si une activité privée proposée est susceptible d’entraîner des effets préjudiciables sur des droits ancestraux ou des revendications autochtones protégés par la Constitution. Les principes d’interprétation précisés en droit administratif et dont il est question dans les arrêts Conway et RTA pour faciliter cet examen exigent d’analyser le mandat, la structure et la fonction du décideur dans ce cas particulier pour orienter l’exercice d’interprétation que nous avons décrit27. Nous discutons dans les paragraphes ci-dessous de l’utilité de chacun de ces attributs pour déterminer la nature précise du rôle de l’organisme de règlementation dans un cas donné.

Mandat

Le mandat statutaire de tout décideur, tel qu’il est défini par sa loi habilitante, est assurément le premier élément à examiner pour déterminer si la responsabilité de trancher à savoir si l’activité proposée pouvait être préjudiciable à des droits ancestraux ou à des revendications autochtones lui échoit. Dans son expression la plus simple, la décision d’un organisme de règlementation, en application d’une loi qui stipule qu’il lui incombe de délivrer un permis pour certaines activités précises uniquement si elles n’entraînent pas d’effets préjudiciables inacceptables sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux serait vraisemblablement considérée comme une « mesure envisagée de la Couronne » parce que celle-ci n’aurait pas autorisé expressément au préalable une interférence inacceptable avec les droits ancestraux ou les revendications autochtones éventuellement touchés. Le mandat du décideur d’examiner précisément cette question deviendrait une preuve péremptoire que le législateur prévoyait reporter l’examen de la question, et incidemment, l’obligation de consulter. Si les outils permettant de mener une consultation appropriée n’ont pas été donnés au décideur, ou s’il y a eu d’autres interventions de la Couronne, il pourrait être allégué que celle-ci a manqué à son obligation de mettre en place un processus facilitant des consultations, car on ne peut ignorer l’obligation de consulter, il faut la respecter28.

Structure

Lorsque le mandat de l’organisme de règlementation est moins clair, on peut examiner sa structure afin de trouver des indices de l’intention du législateur. Est-ce que le décideur a été doté des outils nécessaires pour déterminer la nature des intérêts des Autochtones par le biais des consultations qu’il mène luimême ou en en conférant le mandat à d’autres acteurs de la Couronne? Est-ce que les exigences de la loi relatives aux qualifications attendues des membres de l’organisme de règlementation sont susceptibles de renseigner les individus sur les droits ancestraux et les revendications autochtones? Dans le même ordre d’idées, sontils dans une position de choix leur permettant d’évaluer et de comprendre les effets sur les intérêts autochtones? Est-ce que la conduite normale des affaires de l’organisme de règlementation peut soulever des conflits entre des droits ancestraux et non ancestraux de sorte qu’il développera une connaissance particulière des problèmes qu’il doit régler? Est-ce que les pouvoirs du décideur reflètent un souci du type d’évaluation requise pour déterminer s’il est honorable, pour la Couronne, d’autoriser des usages non autochtones précis de terres ou de ressources, ou sontils davantage compatibles avec d’autres types d’évaluation? Il est peu probable que la réponse à l’une ou l’autre de ces questions ne soit concluante; cependant, la façon dont le décideur est structuré, dans son ensemble, peut donner un indice valable de l’intention du législateur.

Fonction

La fonction d’un décideur peut donner l’indication la plus claire permettant de déterminer si le législateur visait à rendre la décision finale d’autoriser la tenue d’activités privées entraînant des effets préjudiciables sur des droits ancestraux ou des revendications autochtones. D’une façon générale, les fonctions du gouvernement ou de la Couronne sont divisées en trois grandes catégories : les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. La jurisprudence établit clairement que lorsque la Couronne agit en qualité exécutive, elle est tenue de mener des consultations avant de prendre des décisions entraînant un effet préjudiciable sur des droits ancestraux ou des revendications autochtones29. La jurisprudence actuelle établit aussi clairement qu’il reste à déterminer si la Couronne peut être tenue de mener des consultations avant d’adopter une loi30. Enfin, à notre connaissance, il n’existe aucun cas donnant à penser que le bras judiciaire de la Couronne peut déclencher l’obligation de consulter afin de maintenir l’honneur de la Couronne. Les tribunaux doivent exercer leurs fonctions décisionnelles d’une manière qui soit impartiale et indépendante, et traiter tous les participants également. Il est difficile de concilier cette approche avec une présumée responsabilité de mener des consultations directes avec certains participants, et non avec d’autres. La même logique peut être appliquée aux décisions quasi judiciaires des organismes de règlementation; ainsi, nous ne sommes pas d’avis que ces décisions déclencheront, d’une façon générale, une obligation de consulter. Ainsi, le fait de caractériser la fonction d’un décideur peut jeter un éclairage intéressant à savoir si la décision qu’il rend déclenche ou non l’obligation de consulter.

Nous sommes d’avis que le mandat de la plupart des décideurs pourrait être exprimé d’une façon suffisamment claire, bien que ce ne soit habituellement pas le cas, pour que l’examen de son mandat permette de déterminer l’obligation du décideur, et incidemment, si sa décision peut être le déclencheur d’une obligation de consulter. Nous sommes aussi d’avis que même si la structure du décideur peut donner des indices quant à l’intention du législateur, elle sera rarement déterminante. En conséquence, nous estimons que la fonction sera le meilleur indicateur de l’intention du législateur, et c’est sur cet indicateur que nous allons maintenant nous pencher.

Bien que ni l’arrêt Haida ni l’arrêt RTA n’aient exigé que la Cour examine la relation entre l’organisme de règlementation et la Couronne, le besoin de caractériser la fonction d’un organisme a souvent et depuis longtemps été l’objet d’enquête judiciaire. En l’essence, la détermination du rôle d’un organisme de règlementation en fonction des pouvoirs qui lui ont été conférés, et sa relation avec la Couronne, est une question d’interprétation des lois, et non une question qui relève du droit autochtone. Ainsi, les outils que les tribunaux ont utilisés pour régler les questions de nature comparable à celles que nous avons cernées peuvent être trouvés dans les principes généraux du droit constitutionnel et du droit administratif qui s’est développé depuis plusieurs centaines d’années et reconnu pour la première fois de façon officielle dans les travaux d’A.V. Dicey il y a plus de 100 ans. La détermination de l’étendue des pouvoirs du décideur réside au cœur du droit administratif et, à n’en pas douter, de la question de la primauté du droit31. La mise en correspondance du rôle des organismes de règlementation avec l’intention du législateur qui les a créés demeure essentielle à la question de la primauté du droit. Selon Halsbury’s Laws of Canada32, l’ingérence dans le contrôle judiciaire est généralement justifiée par rapport à l’un des trois principes sous-jacents à la primauté du droit :

[traduction] « … que l’action politique devrait être exercée en conformité avec la loi, et ne causer aucun préjudice autrement qu’une infraction à une loi claire; que les mêmes lois s’appliquent de la même façon à tous, y compris à l’État et que le droit ne puisse être appliqué malicieusement ou arbitrairement »33.

La question du seuil pour déterminer les pouvoirs prévus par le législateur pour un décideur créé par la loi consiste à déterminer s’il a [traduction] « exercé le pouvoir de façon contraire au mandat qui lui a été délégué, violant ainsi le principe voulant que l’action administrative soit autorisée par les représentants élus du peuple »34. En pareils cas, le résultat est souvent une constatation selon laquelle l’administrateur a perdu ou dépassé l’exercice de sa compétence.

Il est vrai que de nombreuses décisions récentes ont tenté de déterminer quelles institutions devraient veiller à ce que ces principes soient honorés. On peut l’observer dans le débat continu sur la mesure dans laquelle les tribunaux devraient être capables d’évaluer l’étendue de leur compétence eux-mêmes, pour autant qu’ils agissent de façon raisonnable, ou dans le débat visant à déterminer si les tribunaux doivent jouer un rôle pour s’assurer que ce pouvoir est exercé correctement. Cependant, ce débat ne devrait pas porter ombrage à la question que doit trancher l’organisme de règlementation ou l’instance révisionnelle, soit s’il incombe à l’organisme de règlementation de déterminer si un empiètement éventuel sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux devait être autorisé ou non.

La caractérisation et la distinction entre ces fonctions et leur rapport à la primauté du droit sont depuis toujours une préoccupation qui réside au cœur du droit administratif. L’accessibilité du contrôle judiciaire déclenche souvent des règles impénétrables conçues pour établir une distinction entre les fonctions législatives, exécutives (ou administratives) et quasi judiciaires. Bien que cet effort de caractérisation ne soit plus aussi essentiel au droit administratif qu’il ne l’était, il demeure néanmoins utile dans certains contextes35. Plus précisément, nous sommes d’avis qu’il demeure utile pour discerner l’intention du législateur quant aux responsabilités d’un décideur créé par la loi à l’égard de droits ancestraux ou de revendications autochtones. Nous nous penchons ci-dessous sur les trois fonctions distinctes du gouvernement, traitées en droit administratif.

Pouvoirs législatifs

Les pouvoirs législatifs doivent presque toujours être conférés de façon directe. En effet, le pouvoir d’adopter des règles recouvrables en justice doit être expressément consenti par opposition à implicitement conféré36. Par ailleurs, en règle générale, les pouvoirs législatifs ne sont qu’une partie de l’équation – la plupart des organismes créés par la loi exercent des fonctions autres que celles d’adopter des règlements ou de rendre d’autres règles subordonnées applicables d’une façon générale à des entités qui prennent part aux activités visées. Si l’objectif de l’analyse est de confirmer la nature des pouvoirs particuliers exercés dans un contexte règlementaire donné, le seul fait qu’un décideur créé par la loi exerce des pouvoirs législatifs ne permet pas de disposer de la question. La question est de savoir si le rôle règlementaire qu’il joue dans un cas donné est fondé sur ces pouvoirs.

Si la fonction exercée dans un cas donné est effectivement fondée sur les pouvoirs législatifs de l’organisme de règlementation, il y a une incertitude juridique à savoir si la décision de l’organisme de règlementation constitue une « mesure envisagée de la Couronne ». Dans l’arrêt RTA, la Cour a laissé sans réponse la question de savoir si la mesure envisagée du gouvernement déclenchant l’obligation de consulter comprenait une mesure législative37. Nous faisons de même. Si la réponse est en fin de compte affirmative, il s’ensuit assurément que les actions subdéléguées pourraient aussi représenter une mesure au sens du deuxième élément du déclencheur, où le pouvoir du législateur est utilisé pour éventuellement empiéter sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux sur lesquels on n’empièterait pas autrement.

Pouvoirs quasi judiciaires versus pouvoirs exécutifs

Nous avons examiné les pouvoirs quasi judiciaires et exécutifs en même temps parce que le débat dans ces cas consiste souvent à catégoriser ces deux fonctions au lieu de discuter des caractéristiques de chacune. Le mandat du décideur créé par la loi comporte plusieurs aspects révélateurs pour déterminer si son rôle est en quelque sorte exécutif ou quasi judiciaire. L’aspect probablement le plus important d’entre eux est de déterminer si le décideur a le pouvoir de trancher sur des questions de droit en lien avec la décision qu’il envisage. Si tel est le cas, alors son mandat et sa structure auraient tendance à indiquer qu’il joue un rôle quasi judiciaire suivant l’hypothèse que l’organe exécutif ne peut avoir le pouvoir de déterminer par lui-même son autorité en tranchant sur des questions de droit. Réciproquement, en l’absence de cette autorité, il peut être plus facile de classifier le pouvoir exercé par le tribunal comme étant un pouvoir de nature exécutive.

Le cas d’espèce traitant de cette question est l’arrêt Ocean Port Hotel Ltd c Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch)38 (Ocean Port). Dans l’arrêt Ocean Port, la Cour a annulé une décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui avait déterminé que le Liquor Licensing Board n’offrait pas la garantie d’indépendance nécessaire attendue des décideurs administratifs lorsque ces décisions entraînaient des répercussions importantes sur les droits personnels. La Cour suprême a affirmé que la détermination du degré d’indépendance requis par les décideurs créés par la loi était une question d’interprétation des lois et que le législateur était libre de prévoir autant ou aussi peu d’indépendance qu’il le désirait. La Cour a affirmé qu’il existait une distinction fondamentale entre les tribunaux administratifs et les cours, car celles-ci doivent, en vertu de la Constitution, demeurer indépendantes alors que les premiers jouissent du degré d’indépendance que leur confère leur loi habilitante. Ceux qui perçoivent qu’un tribunal est le bras exécutif du gouvernement peuvent s’appuyer sur l’observation formulée dans l’arrêt Ocean Port selon lequel les tribunaux sont souvent créés précisément pour les besoins de la mise en œuvre d’une politique gouvernementale39. Cependant, ils accordent moins d’importance à la reconnaissance, du jugement, voulant que « pour remplir cette fonction, ils puissent être appelés à rendre des décisions quasi judiciaires »40.

Ainsi, comme le souligne la juge Smith41, un tribunal précis peut avoir le pouvoir d’accomplir à la fois des tâches exécutives et quasi judiciaires, et même certaines tâches précises peuvent comporter des composantes exécutives et judiciaires. En effet, les tribunaux ont considéré la distinction entre les fonctions exécutives (et nous ajouterions administratives) et les fonctions judiciaires le long d’un spectre42. L’objectif de l’analyse n’est pas de faire entrer une fonction particulière dans une catégorie ou l’autre, mais plutôt de s’assurer que cette fonction s’inscrit quelque part dans le spectre. Les fonctions de nature plus exécutive sont plus susceptibles d’être une « mesure envisagée de la Couronne » que celles de nature plus judiciaire.

Un autre indicateur important du rôle attendu de l’organisme de règlementation, par le législateur, est la mesure dans laquelle la loi prévoit des protections procédurales habituellement associées aux fonctions judiciaires. Bien qu’il ait été établi clairement depuis un certain temps que l’obligation générale d’équité soit associée aux décisions exécutives et quasi judiciaires43, ces dernières entraînent beaucoup plus d’obligations procédurales. Ainsi, lorsqu’une loi confère un droit d’être entendu, exige l’impartialité et peut-être l’indépendance, ou garantit autrement des protections procédurales pour les participants, les activités du décideur acquièrent une apparence plus judiciaire et peuvent être caractérisées de quasi judiciaires. En effet, lorsqu’un décideur touche des droits individuels (par opposition à l’imposition de politiques générales), les tribunaux peuvent rapidement inférer qu’il existe un aspect quasi judiciaire, et incidemment, que les fardeaux quasi judiciaires incombent au décideur. Cette situation est illustrée dans l’arrêt Ocean Point où les droits individuels étaient en cause et où la Cour a affirmé ce qui suit :

« Confrontés à des lois muettes ou ambiguës, les tribunaux infèrent généralement que le Parlement ou le législateur voulait que les procédures du tribunal administratif soient conformes aux principes de justice naturelle… »44

Lorsqu’un décideur créé par la loi est appelé à déterminer les droits individuels d’adopter un comportement particulier ou à imposer des sanctions à des individus, à moins de dispositions claires à l’effet contraire, les tribunaux infèreront que le décideur exerce un pouvoir qui s’inscrit vers la fin du spectre, et octroieront aux parties des protections procédurales et des droits qui sont compatibles avec cette fonction. En revanche, cette inférence donnerait à penser que la décision prise n’est pas une « mesure envisagée de la Couronne » pour les besoins de la discussion aux présentes.

Dans le contexte de l’obligation de consulter, nous sommes d’avis que cette tendance s’est dégagée clairement dans le rejet des arguments, par la Cour suprême du Canada, voulant que l’Office national de l’énergie doive accomplir des tâches distinctives dans l’intérêt des Premières Nations, dans son arrêt Hydro Québec45. La Cour n’a pas pu inférer une intention du législateur d’exiger que l’Office national de l’énergie traite toutes les parties de façon équitable, d’une part, tout en exigeant qu’il confère des droits procéduraux et fondamentaux uniquement à quelques parties, d’autre part46. Cela ne veut pas dire que les parties autochtones devant l’Office ne jouissaient pas de droits fondamentaux et procéduraux uniques – seulement que l’Office national n’avait pas été désigné par le Parlement comme véhicule pour déterminer la mesure dans laquelle ces droits devaient être protégés. Nous estimons qu’aucun élément des arrêts Haida ou RTA ne permet de remettre en cause l’exactitude du raisonnement dans l’arrêt Hydro Québec47.

Pour résumer sur ce point, nous sommes d’avis que plus une loi exige intensément qu’un décideur joue un rôle d’adjudicateur délégué sur la preuve dont il est saisi par opposition à rassemblée par lui, moins il est probable que sa décision déclenche l’obligation de consulter. Comme toujours, le législateur peut en disposer autrement, mais s’il ne le fait pas, un mandat législatif qui exige qu’un décideur règle les différends dont il est saisi par une tierce partie est plus susceptible de déclencher l’obligation de consulter qu’un mandat qui permet au décideur d’amorcer lui-même une action politique ou autrement de supposer un rôle proactif par opposition à réactif en lien avec une activité proposée par un acteur du secteur privé.

Application des outils du droit administratif aux décisions touchant une activité privée

Les observations présentées ci-dessus permettent de formuler certaines conclusions générales sur la question de savoir si la règlementation des activités privées par un décideur créé par la loi constitue une « mesure envisagée de la Couronne » qui pourrait déclencher une obligation de consulter. Premièrement, l’existence du déclencheur activera le rôle du décideur qui ne peut être déterminé qu’en confirmant l’intention du législateur. Cette intention sera manifeste dans le mandat, la structure et la fonction du décideur.

Un mandat clairement énoncé dans les lois peut être concluant quant à l’importance d’une décision rendue en vertu de cette loi. Le législateur est libre de déterminer expressément la mesure dans laquelle il incombe au décideur de déterminer si une activité privée doit être autorisée même si elle entraîne des effets préjudiciables sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux, et quelles limites devraient être imposées à cette activité, si elle est autorisée48. Plus le pouvoir discrétionnaire conféré à ce décideur d’examiner ces questions est explicite, plus il est probable que la décision qu’il prendra représente la reconnaissance de la Couronne qu’une activité non autochtone susceptible d’entraîner un effet préjudiciable sur des revendications ou des droits ancestraux puisse être autorisée en préservant l’honneur de la Couronne. Si tel est le cas, il pourra être défendu que la décision ne peut être prise qu’au terme de consultations justifiées par une certaine forme de reconnaissance de la part de la Couronne.

Il est important de signaler que la Constitution ne prévoit aucun rôle pour le décideur. Il est vrai que la Couronne jouit d’obligations protégées par la Constitution de consulter avant d’entreprendre une activité susceptible d’entraîner des effets préjudiciables sur des revendications ou des droits ancestraux. Toutefois, elle peut remplir cette obligation en menant des consultations complètes avant d’autoriser tout effet préjudiciable éventuel sur des revendications autochtones ou des droits ancestraux (dans lequel cas les décisions de régler les différends entre des enjeux concurrents non autochtones ne déclencheraient pas l’obligation de consulter) ou mener des consultations, au cas par cas, à mesure que chacune des décisions est rendue (dans lequel cas chaque décision peut représenter une « mesure envisagée de la Couronne » susceptible de déclencher l’obligation de consulter). De nouveau, comme il est indiqué dans l’arrêt Nation Haïda et affirmé dans l’arrêt RTA, la méthode de consultation doit être déterminée par la Couronne, et cette obligation doit être remplie49.

Étant donné que la plupart des lois ne confèrent aucun mandat explicite aux décideurs dans le contexte des consultations, un moins grand nombre encore expliquent l’importance des décisions qu’ils prennent, de sorte qu’il sera habituellement nécessaire d’examiner la structure et la fonction du décideur pour déterminer l’importance de ses décisions. Comme il est indiqué ci-dessus, la structure d’un décideur peut donner des indices valables sur le rôle de ses décisions, mais elle sera rarement concluante. Ainsi, nous sommes d’avis qu’une analyse fonctionnelle du décideur s’avérera bien souvent l’outil le plus utile pour déterminer si ses décisions liées à une activité privée déclenchent l’obligation de consulter. Nous sommes d’avis que les textes législatifs cherchent uniformément à maintenir les principes fondamentaux sous-jacents à la primauté du droit en reconnaissant le rôle unique de chaque législateur, la fonction exécutive et la fonction judiciaire, tout en veillant à ce que les obligations de la Couronne envers les peuples autochtones aient été remplies en fin de compte. Il s’ensuit que lorsqu’un tribunal élabore, établit ou met en œuvre une politique gouvernementale, il exerce une fonction exécutive susceptible de déclencher l’obligation de consulter. Lorsqu’il interprète une politique existante qui a déjà été élaborée et mise en œuvre par la décision d’un tribunal ayant une compétence précise et limitée, il exerce une fonction assimilable à une fonction judiciaire qui, dans le cours normal des choses, déclencherait l’obligation de consulter. Comme il est indiqué dans l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada, les tribunaux jouent un rôle crucial pour ce qui est de la surveillance des décideurs exerçant des fonctions administratives afin de s’assurer qu’ils ne dépassent pas les limites de leur pouvoir juridique :

« Le contrôle judiciaire permet aux cours de justice de s’assurer que les pouvoirs légaux sont exercés dans les limites fixées par le législateur. Il vise à assurer la légalité, la rationalité et l’équité du processus administratif et de la décision rendue50 ».

Nous observons également que les lois qui confèrent un vaste pouvoir discrétionnaire à l’organisme de règlementation ne sous-entendent pas nécessairement que la décision de cet organisme sera elle-même une « mesure envisagée de la Couronne ». Un organisme de règlementation peut être tenu d’examiner de nombreuses questions avant d’autoriser une mesure en particulier. Ces questions peuvent même inclure l’examen des répercussions sur les collectivités des Premières Nations ou sur les valeurs environnementales importantes pour ces collectivités. Il peut aussi être tenu, par des dispositions générales, d’examiner « l’intérêt public » ou « l’utilité et la nécessité publique ». Toutefois, à notre avis, la question de savoir si la décision rendue constitue une « mesure envisagée de la Couronne » continuera d’exiger l’exercice de l’effort d’interprétation que nous avons décrit parce que le fait de conférer un vaste pouvoir discrétionnaire en soi ne permet pas de trancher quant à savoir s’il incombe au tribunal de s’acquitter de la lourde responsabilité de déterminer si l’autorisation d’une activité proposée par un acteur du secteur privé préserve l’honneur de la Couronne51.

Nous reconnaissons que certains décideurs peuvent exercer des fonctions à facettes multiples, et certaines de leurs activités peuvent être perçues comme des mesures exécutives du gouvernement alors que d’autres peuvent sembler plus assimilables à des fonctions judiciaires traditionnelles52. Quoi qu’il en soit, la distinction de l’une et de l’autre, et la détermination des conséquences ou l’établissement des différentes catégories par rapport à chaque mesure du décideur représentent l’essence même du droit administratif. Nous sommes d’avis que le droit administratif est essentiel pour déterminer la mesure dans laquelle un tribunal en particulier est susceptible de rendre une décision qui pourrait déclencher l’obligation de consulter.

Nous espérons au moins que quelques-unes des questions traitées dans le présent article seront réglées bientôt. À notre avis, la Cour suprême du Canada a offert l’occasion de le faire en se concentrant sur la deuxième exigence énoncée dans l’arrêt Nation Haïda, dans les trois cas qui viennent d’être entendus. L’arrêt Clyde River et l’arrêt Chippewas comportent tous deux des décisions de l’Office national de l’énergie, mais dans des régimes règlementaires différents. Bien qu’il y ait une intervention évidente de la Couronne dans l’arrêt Ktunaxa (c.-à-d. le ministre), ce cas offre néanmoins l’occasion pour la Cour de clarifier si l’objet de l’exigence relative à la « mesure envisagée de la Couronne » dans le deuxième critère de l’arrêt RTA est l’identité du décideur (c.-à-d. entité représentant la Couronne ou non) ou s’il s’agit d’une fonction qu’il exécute (c.-à-d. « mesure de la Couronne »). En analysant la loi habilitante encadrant chaque décision à l’aide des outils dont nous avons discuté ci-dessus, nous croyons que la Cour pourrait fournir le même degré de clarté relativement à la composante de « mesure envisagée de la Couronne » du déclencheur que ne l’a fait l’arrêt RTA quant à la troisième composante, tout en maintenant les principes du droit administratif qui sont si essentiels à la primauté du droit. Nous espérons qu’elle saisira cette occasion.

    * Chris W. Sanderson, C.R. et Michelle S. Jones exercent chez Lawson Lundell LLP. Les opinions exprimées dans le présent article sont les leurs et ne représentent pas nécessairement le point de vue des autres professionnels ducabinet ou de ses clients. Toutefois, les auteurs ont utilisé les travaux de recherche de Jason Harman, un étudiant d’été affecté au cabinet en 2016 et des commentaires critiques de Keith B. Bergner et de John Olynyk, avec qui ils ont partagé les ébauches du présent article. Ils ont aussi profité d’échanges enrichissants avec David J. Mullan. Les auteurs sont les seuls responsables de toute erreur qui se serait glissée en dépit de ces commentaires judicieux reçus.

  1.   Chris W. Sanderson et al, « The Crown’s Duty to Consult Aboriginal Peoples: Towards an Understanding of the Source, Payers and Limits of the Duty » (2012) 490:4 Alberta Law Review 821.
  2.   Rio Tinto Alcan Inc c Conseil Tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43 [RTA].
  3.   Beckman c Première nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53 [Beckman].
  4.   Nation Haida c Colombie-Britannique (Ministre des forêts), 2004 CSC 73 [Nation Haida].
  5.   Voir par exemple les situations contextuelles décrites dans l’arrêt Ross River Dena Council v Government of Yukon, 2012 YKCA 14, 358 DLR (4th) 100, autorisation d’en interjeter appel rejetée dans en 2013 [Ross River], Neskonlith Indian Band v Salmon Arm (City), et dans 2012 BCCA 379 (CanLII), 327 BCAC 273 [Neskonlith].
  6.   RTA, supra note 2 au para 31.
  7.   Hameau de Clyde River, et al c Petroleum Geo-Services Inc (PGS), et al, numéro de dossier de la Cour suprême 36692 [Clyde River] et Chippewas of the Thames First Nation v Enbridge Pipelines Inc, et al, numéro de dossier de la Cour suprême 36776 [Chippewas] ont été entendus par la Cour suprême du Canada le 30 novembre 2016. Un troisième cas, Ktunaxa Nation Council v Minister of Forests, Lands and Natural Resource Operations, et al, numéro de dossier de la Cour suprême 36664 [Ktunaxa], qui porte aussi sur la pertinence de l’obligation de consulter de la Couronne a été entendu le jour suivant.
  8.   Par exemple, dans l’arrêt Neskonlith, la Cour d’appel n’a pas analysé de façon tangible si la délivrance, par la ville de Salmon Arm, d’un permis de développement constituait une « mesure envisagée de la Couronne ». La Cour a plutôt tenté de déterminer si la Ville avait le pouvoir, prévu par la loi, de mener ou de mandater des consultations. Ayant constaté que la Ville n’avait pas été investie du pouvoir de mener ou de mandater des consultations, elle a rejeté l’appel. Toutefois, ce faisant, elle n’a pas examiné attentivement la question préliminaire de déterminer si une obligation de consulter avait effectivement été déclenchée par la décision envisagée.
  9.   Par exemple, dans l’arrêt Première nation dakota de Standing Buffalo c Enbridge Pipelines Inc, 2009 CAF 308, la Cour d’appel fédérale a étudié la question de savoir si la règlementation des activités privées par l’Office national de l’énergie exigeait qu’il se prononce sur la pertinence de la consultation avant de délivrer les permis demandés. En examinant la question en cause, la Cour a soulevé le fait que la situation présentée dans l’arrêt Carrier Sekani Tribual Council v British Columbia (Utilities Commission), 2009 BCCA 67 se distinguait parce que dans ce cas, le demandeur était la Couronne. La Cour a en outre précisé [traduction] « Finalement, j’ajouterais que l’ONE lui-même n’est pas assujetti à une obligation découlant de l’arrêt Haida, et que, en effet, les appelants n’ont pas réussi à en démontrer autrement. L’ONE est un organe quasi judiciaire […] et, à mon avis, en cette qualité, il ne constitue pas la Couronne ou son représentant » (para 34).
  10.    Quartz Mining Act, SY 2003, c14.
  11.   La Cour n’a pas reconnu que le conservateur des registres miniers n’avait pas le pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser d’enregistrer un claim en vertu de la loi pertinente. Ainsi, sa réflexion sur la déficience de la loi était fondée sur une hypothèse pour laquelle elle n’a pas trouvé justification dans le cas dont elle est saisie. Voir Ross River, supra note 5 aux para 36, 52-53.
  12.   Ibid au para 32.
  13.   RTA, supra note 2 au para 44.
  14.   Ibid au para 37.
  15.   Ibid.
  16.   Ibid au para 38.
  17.   Supra note 11.
  18.   Loi constitutionnelle de 1982, art 35, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.
  19.   RTA, supra note 2 au para 37.
  20.   Ibid au para 59.
  21.   Ibid au para 60.
  22.   Ibid au para 49.
  23.   R Conway, 2010 CSC 22 [Conway].
  24.   Ibid au para 82 faisant référence à Dunedin.
  25.   RTA, supra note 2 au para 58.
  26.   Pour une discussion exhaustive sur les situations où l’obligation de consulter peut ne pas être déclenchée dans le contexte d’une décision hâtive de la Couronne, voir Buffalo River Dene Nation v Saskatchewan (Energy and Resources), 2015 SKCA 31.
  27.   Conway, supra note 23 au para 82.
  28.   RTA, supra note 2 au para 63.
  29.   Ibid au para 44.
  30.   Ibid.
  31.   Voir Albert Venn Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 8e édition, Londres, Macmillan, 1915, par exemple, Introduction, para 43; Partie II, chapitre IV et en particulier le chapitre 11 où Dicey formule la conclusion suivante :
    « [traduction] Il est maintenant largement reconnu que la Couronne ne peut agir que par l’entremise des ministres, et selon certaines formes prescrites qui exigent de façon absolue la collaboration de certains ministres, comme le secrétaire d’État ou le Grand Chancelier, qui deviennent ainsi non seulement moralement, mais aussi légalement responsables de la légalité de la mesure à laquelle il prend part. Ainsi, indirectement, mais assurément, l’action de chaque fonctionnaire de la Couronne, et par voie de conséquence, de la Couronne elle-même, est assujettie à la primauté du droit régissant les terres. La responsabilité judiciaire réside au-delà de la responsabilité parlementaire, et les actions des ministres tout autant que les actions des subordonnés sont assujetties à la primauté du droit. »
  32.   Halsbury’s Laws of Canada, Administrative Law (réédition de 2013), “Standards of Review: General: Judicial Intervention” (V.1.(3), à HAD 105) [Halsbury].
  33.   Ibid.
  34.   Ibid.
  35.   Voir David Phillip Jones and Anne De Villars, Principle of Administrative Law, 6e édition, Toronto, Carswell, 2014 à la p 97 pour une discussion sur l’état actuel du besoin de caractériser les fonctions comme législatives, judiciaires ou exécutives.
  36.   Robert W. Macaulay & James L.H. Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, Toronto, Thomson Reuters, 2016, au c 6.8, para 7.
  37.   RTA, supra note 2 au para 44.
  38.   Ocean Port Hotel Ltd v British Columbia (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2001 CSC 52. [Ocean Port]
  39.   Ibid au para 24.
  40.   Ibid.
  41.   L’Honorable juge Lynn Smith, « Administrative Tribunals as Constitutional Decision-Makers » (2004), 17:2 Can J of Administrative and Practice 113, à 16.
  42.   Voir Idziak c Canada (ministre de la Justice), [1992] 3 RCS 631, 97 DLR (4th) 577.
  43.   Nicholson c Haldimand-Norfolk Regional Police Commissioners, [1979] 1 RCS 311, 88 DLR (3d) 671 à 324.
  44.   Ocean Port, supra note 38 au para 21.
  45.   Québec (Procureur général) c Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 RCS 159, 112 DLR (4th) 129. [Hydro Québec].
  46.   Ibid au para 182-185.
  47.   Pour une discussion supplémentaire, voir Sanderson et al, supra note 1 à 850-851.
  48.   Voir par exemple, Administrative Procedures and Jurisdiction Act, RSA 2000, c A-3.
  49.   RTA, supra note 2 au para 63.
  50.   Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 28.
  51.   Nous renvoyons aux commentaires du juge d’Appel Donald, cités par la juge en chef au para 70 de l’arrêt RTA, supra note 2, au sujet de l’examen de l’intérêt public relativement aux activités de la Couronne; toutefois, nous croyons que ces remarques visaient l’évaluation de la Commission de la mesure prise par BC Hydro, et non la décision prise par la Commission elle-même.
  52.   Smith, supra note 41 à 16.

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