Energy Statutes Amendment Act – Le nouveau régime réglementaire de la Colombie-Britannique et les nouvelles responsabilités de l’industrie de l’énergie1

Introduction

Le 24 novembre 2022, l’Energy Statutes Amendment Act de la Colombie-Britannique (l’ESAA) a reçu la sanction royale. L’ESAA apporte des changements radicaux à la réglementation de l’énergie dans cette province et renomme l’ « Oil and Gas Activities Act » par l’ « Energy Resource Activities Act » [2]. De même, elle remplace l’ « Oil and Gas Commission » par le « British Columbia Energy Regulator » (le régulateur)[3]. Les modifications apportées par l’ESAA élargiront la portée du régime réglementaire au-delà du pétrole et du gaz pour englober les « ressources énergétiques », qui comprennent l’hydrogène, le pétrole, le gaz naturel, le méthanol et l’ammoniac[4]. En outre, la l’Energy Resource Activities Act révisée élargira les responsabilités potentielles pour les activités pétrolières et gazières ou de stockage et pour les activités liées aux ressources énergétiques prescrites au-delà du seul détenteur du permis applicable[5]. Chacune de ces catégories de changements sera examinée à tour de rôle, ainsi que les défis et défenses potentiels de la Cour liés à l’extension de la responsabilité dans le cadre de ce nouveau régime réglementaire.

Partie I – Le nouveau régime réglementaire

En élargissant le champ d’application de la l’Energy Resource Activities Act pour y inclure d’autres ressources énergétiques, le gouvernement provincial mettra en place un régime réglementaire complet avec un régulateur unique dans toute la Colombie-Britannique. Pour ce faire, l’ESAA abroge la définition et les références aux « activités pétrolières et gazières » et les remplace par les « activités liées aux ressources énergétiques », qui comprennent explicitement « la construction ou l’exploitation d’une installation de fabrication d’hydrogène, d’ammoniac ou de méthanol à partir de pétrole, de gaz naturel, d’eau ou d’une autre substance » [traduction][6].

En vertu de ces modifications, une personne doit obtenir un permis avant de construire ou d’exploiter une installation de fabrication d’hydrogène[7]. Pour obtenir un permis, une personne doit en faire la demande auprès du régulateur et fournir, entre autres, une description du site proposé pour l’activité et un rapport écrit concernant les consultations avec le propriétaire du terrain sur lequel la personne a l’intention d’exercer l’activité[8]. En outre, l’Energy Resource Activities Act définit également la procédure de transfert d’un permis lié à un projet d’hydrogène, les mesures environnementales à respecter, les mesures à prendre en cas de déversement et les cas dans lesquels un fonctionnaire peut pénétrer sur un terrain ou dans un local utilisé comme installation d’hydrogène[9]. En ce qui concerne la protection de l’environnement, l’interaction entre les dispositions de l’Energy Resource Activities Act et celles de l’Environmental Activites Act et de ses règlements d’application reste floue.

Autres modifications

Outre l’élargissement de la portée du régime réglementaire et de la responsabilité potentielle des mandants et des personnes responsables, d’autres modifications notables sont à signaler :

  • L’objet de l’Energy Resource Activities Act sera révisé afin d’élargir le mandat du régulateur pour « réglementer les activités liées aux ressources énergétiques de manière à protéger la sécurité publique et l’environnement; à soutenir la réconciliation avec les peuples autochtones et la transition vers une énergie à faible teneur en carbone; à conserver les ressources énergétiques et à favoriser une économie saine et le bien-être social » [traduction][10].
  • Le conseil d’administration du régulateur de l’énergie de la Colombie-Britannique, rebaptisé, doit désormais être composé de cinq à sept administrateurs (au lieu de trois), dont au moins un vice-ministre et une personne autochtone[11].
  • L’Energy Resource Activities Act révisée prévoit que le régulateur devra publier une liste des sites orphelins et que s’il cède des biens abandonnés sur un site orphelin, le produit de la cession doit être versé au fonds utilisé pour aider à payer le coût de la restauration des sites orphelins et à des fins connexes[12].

Partie II – Responsabilités et défis

Extension des responsabilités potentielles

En vertu de l’Energy Resource Activities Act révisée, les « mandants » et les « personnes responsables », en  plus du titulaire du permis applicable, peuvent être jugés responsables des activités liées au pétrole et au gaz ou au stockage, ainsi que des activités liées aux ressources énergétiques prescrites[13]. L’Energy Resource Activities Act définira le terme « mandant » comme incluant les administrateurs et les dirigeants d’une société ainsi que les personnes qui contrôlent, directement ou indirectement, la société[14].

Le terme « personne responsable » sera défini de manière exceptionnellement large pour inclure les personnes qui (i) détiennent ou ont un intérêt légal ou bénéficiaire dans les droits pétroliers ou gaziers, ou dans l’emplacement du permis applicable ou qui (ii) ont un intérêt légal ou bénéficiaire dans la production ou les profits résultant d’une activité de ressource énergétique autorisée par le permis applicable[15]. En outre, si une personne a cessé d’être une personne responsable pour un permis, l’Energy Resource Activities Act donnera au régulateur le pouvoir de désigner la personne comme étant toujours une personne responsable s’il est convaincu que la personne avait l’intention de se soustraire à ses responsabilités[16].

En outre, le régulateur pourra établir un registre des personnes responsables et toute personne figurant dans ce registre sera « réputée irréfutablement » une personne responsable[17]. Si une personne responsable est inscrite dans le registre de l’organisme de contrôle et qu’elle souhaite en être retirée, elle devra le convaincre qu’elle n’est pas une personne responsable, et elle peut également être tenue de fournir à celui-ci des renseignements ou des dossiers pour l’aider à identifier d’autres personnes responsables pour le permis[18]. Les motifs pour lesquels les personnes seront inscrites sur le registre restent flous et pourraient bien être contestés s’ils ne sont pas suffisamment liés à l’objectif fondamental de la législation. On peut également s’inquiéter de l’inversion de la charge de la preuve qui incombe à un individu cherchant à contester son inscription dans le registre, car elle va résolument à l’encontre d’une jurisprudence bien établie qui place la charge de la preuve sur l’acteur étatique cherchant à contester l’inscription dans le registre : (i) imposer des obligations légales à une personne ou à une entité ou (ii) circonscrire la portée de l’activité autorisée.

Suite à la promulgation de l’ESAA, le régulateur disposera de pouvoirs accrus et sera habilité à prendre des mesures dans divers cas, y compris, mais sans s’y limiter, dans les cas suivants :

  • si le titulaire ou l’ancien titulaire de l’autorisation a cessé d’exister ou ne se conforme pas à une disposition spécifique, le régulateur peut rendre une ordonnance obligeant une personne responsable ou un mandant à (i) fournir une garantie au régulateur pour assurer l’exécution d’une obligation, (ii) mener des actions pour le rétablissement ou la protection de la sécurité publique et (iii) rembourser le régulateur pour les coûts et les dépenses encourus dans certaines circonstances[19];
  • en ce qui concerne un site orphelin dont le permis a été annulé ou a expiré, le régulateur peut prendre une ordonnance exigeant qu’un mandant ou une personne responsable (i) s’acquitte de chaque obligation imposée en vertu de l’Energy Resource Activities Act ou du permis applicable (ii) se conforme aux exigences prescrites et (iii) prenne des mesures pour la restauration ou la protection de la sécurité publique[20];
  • l’autorité de régulation peut transférer un permis relatif à un site orphelin à une personne responsable ou à un mandant du titulaire actuel ou ancien du permis[21]; et
  • dans certains cas, le régulateur peut transférer une autorisation d’exercer des activités liées à une ressource énergétique à une tierce personne, y compris un mandant ou une personne liée[22].

Toutefois, l’Energy Resource Activities Act révisée prévoit des garanties minimales pour les mandants et les personnes responsables. Par exemple, le régulateur devra donner à un mandant la possibilité d’être entendu avant de prendre une ordonnance à son encontre et, à la demande d’une personne responsable qui a restauré un site orphelin, le régulateur peut indemniser celle-ci pour une partie de ses coûts[23]. Il convient toutefois de noter que le législateur s’est efforcé de protéger les ordonnances rendues par le régulateur à l’encontre de personnes autres que les mandants, même lorsque la charge imposée est disproportionnée par rapport à l’intérêt, au contrôle ou au bénéfice que cette personne tire de l’activité liée aux ressources énergétiques en question, en prévoyant une protection législative afin que ces ordonnances ne soient pas considérées comme déraisonnables et donc susceptibles d’être contestées devant les tribunaux[24]. En tant que tentative audacieuse de la part du législateur de limiter le rôle traditionnel de contrôle des tribunaux en ce qui concerne l’exercice d’un pouvoir légal, nous nous attendons à ce que cette disposition soit testée sur des bases constitutionnelles dans le cas approprié.

L’Energy Resource Activities Act est également remarquable pour sa référence au soutien de la réconciliation avec les peuples autochtones dans la disposition relative à l’objet de l’autorité de régulation[25]. Tout exercice d’un pouvoir légal susceptible d’avoir une incidence sur les intérêts autochtones doit tenir compte de ces intérêts, conformément à l’obligation constitutionnelle de consulter et, le cas échéant, d’accommoder les intérêts autochtones. L’inclusion de cette référence dans le contexte de la fonction du régulateur représente un autre aspect de l’approche élargie de la réconciliation avec les peuples autochtones, qui exige que ces intérêts soient pris en compte dans le cadre de la fonction de régulation des activités liées aux ressources énergétiques. Il faut se demander quel serait le recours dans le cas où le régulateur, dans l’exercice de ses pouvoirs statutaires, agirait ou déciderait d’une manière qui n’irait pas dans le sens de la réconciliation.

Le non-respect de ces règles peut entraîner des poursuites à l’encontre de la société, de ses administrateurs ou de ses dirigeants, avec des sanctions potentiellement quasi criminelles. Comme auparavant, l’Energy Resource Activities Act sera appliquée par l’imposition de sanctions administratives ou de poursuites quasi criminelles pour les infractions les plus graves[26]. Dans ce dernier cas, une amende maximale de 1 500 000 $ ou une peine d’emprisonnement maximale de 3 ans, ou les deux peuvent être imposées en cas de condamnation. Dans le cadre d’une poursuite pour infraction, il suffit d’établir que l’infraction a été commise par l’entrepreneur, l’employé ou l’agent du défendeur même si aucun d’eux n’a été identifié ni poursuivi.

De même, si une société commet une infraction, un administrateur ou un dirigeant de la société qui a autorisé, permis ou acquiescé à l’infraction commet également l’infraction, de même que toute autre personne qui : (a) est directement ou indirectement responsable de l’acte ou de l’omission qui constitue l’infraction, et (b) est un entrepreneur, un employé ou un agent de la personne ou d’une autre personne visée au point (a), que la société soit également poursuivie ou non.

Toute personne confrontée à une enquête ou à une allégation de non-respect de l’Energy Resource Activities Act devra s’assurer dès le départ que la panoplie complète des droits procéduraux accordés aux cibles d’une enquête réglementaire en vertu de la Charte des droits et de la common law (tels que le droit à un avocat, le droit au silence, le droit de connaître les allégations formulées) est correctement évaluée et, le cas échéant, revendiquée. Si l’enquête aboutit à une inculpation, il existe des moyens de défense substantiels qui peuvent être invoqués pour ce type d’infraction, tels que la défense fondée sur la diligence voulue, l’erreur de fait ou de droit, l’erreur imputable à l’autorité compétente et la défense de nécessité.

Conclusion

L’adoption de l’ESAA entraîne des changements importants dans la réglementation de l’énergie en Colombie-Britannique. En particulier, l’ESAA élargira la portée de l’Energy Resource Activities Act pour englober les ressources naturelles, notamment l’hydrogène, le pétrole, le gaz naturel, le méthanol et l’ammoniac. L’ESAA actualisera également l’objectif de l’Energy Resource Activities Act pour y inclure la préservation de l’environnement et la protection de la sécurité publique, tout en soutenant les efforts de réconciliation avec les populations autochtones afin de favoriser une économie saine et le bien-être social.

L’Energy Resource Activities Act prévoit que certaines personnes, y compris les administrateurs et les dirigeants d’une société, peuvent être tenues responsables des activités menées par le titulaire du permis applicable. En outre, à la suite des modifications, plusieurs aspects de l’Energy Resource Activities Act restent incertains, notamment la manière dont les objectifs de soutien à la réconciliation autochtone et de préservation de l’environnement seront mis en œuvre dans la pratique. Avec l’entrée en vigueur future d’autres articles de l’ESAA, il est important de garder à l’esprit que le non-respect des dispositions de l’Energy Resource Activities Act révisée peut entraîner des sanctions plus ou moins sévères, dont certaines peuvent aller jusqu’à des poursuites quasi criminelles.

 

  1. Cet article est une version actualisée publiée initialement par McMillan (1 février 2023), en ligne : <mcmillan.ca/insights/the-energy-statutes-amendment-act-british-columbia-welcomes-the-hydrogen-industry/>.

* Sasa Jarvis est associée chez McMillan LLP. Elle se concentre principalement sur le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières.

Ralph Cuervo-Lorens est associé chez McMillan LLP. Il est un avocat de premier plan dont la pratique est axée sur le droit de l’environment, la conformité réglementaire et le règlement des différends pour des clients oeuvrant principalement dans les secteurs de la fabrication, des municipalités, de la construction, du transport, de l’énergie
et des mines.

Sean Ralph est associé chez McMillan LLP et avocat chevronné de premier plan dans le domain de l’énergie, Sean Ralph est le coprésident national du groupe Énergie du cabinet. Il possède une expertise exceptionnelle en matière d’opérations nationales et internationales du secteur de l’énergie et en montage de grands projets industriels des
secteurs de l’énergie, de l’énergie renouvelable et des mines.

Jordan Ghag est avocat chez McMillan LLP. Il est un collaborateur principal au sein du groupe des marchés des capitaux du cabinet, développant une pratique axée sur les ressources naturelles et d’autres secteurs fortement réglementés.

  1. Energy Statutes Amendment Act, SBC 2022, ch 42, art 1[ESAA] (le changement de nom interviendra lorsque l’article 1 de l’ESAA entrera en vigueur).
  2. Ibid, art 5.
  3. Ibid, art 2(d) (voir la nouvelle définition du terme « energy resource » [ressource énergétique]).
  4. Ibid, art 14; Oil and Gas Activities Act, SBC 2008, ch 36, art 21, tel que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.01 [OGAA].
  5. ESAA, supra note 2, art 2 (f) (voir la nouvelle définition de l’expression « activité liée aux ressources énergétiques »).
  6. OGAA, supra note 5, art 21, tel que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 64.
  7. Ibid, arts 22, 24, tel que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 64.
  8. Ibid, arts 21, 29, 36, 37, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 57.
  9. ESAA, supra note 2, art 6.
  10. Ibid, art 5.
  11. Ibid, art 19.
  12. Ibid, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.01.
  13. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.01.
  14. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.02.
  15. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.06.
  16. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.05(1).
  17. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.05(2).
  18. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.07.
  19. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.08.
  20. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.09.
  21. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.10.
  22. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, arts 43.11(2), 43.12.
  23. ESAA, supra note 2, art 14; OGAA, supra note 5, art 21, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 43.11(3).
  24. ESAA, supra note 2, art 6; OGAA, supra note 5, art 4, telle que modifiée par l’ESAA, supra note 2, art 6.
  25. OGAA, supra note 5, arts 62, 86.

 

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