Les énergies renouvelables et les marchés de l’électricité de l’Alberta : leçons à tirer de l’Europe

Les mandats relatifs à l’énergie renouvelable sont souvent accompagnés de politiques de décarbonisation ambitieuses comme le Climate Leadership Plan (plan de lutte contre les changements climatiques axé sur le leadership) de l’Alberta. L’expérience européenne montre que de tels mandats, qui incluent généralement des subventions accordées aux énergies renouvelables (avec des coûts marginaux à court terme presque nuls), peuvent réduire les taux d’utilisation d’installations classiques de production d’énergie thermique. Ce faisant, lorsque les taux d’utilisation chutent, cela réduit leur viabilité économique et les mesures visant à stimuler l’investissement en capacité thermale conventionnelle. Ces mesures réduites d’incitation à l’investissement cohabitent mal avec le fait qu’une certaine capacité (peut-être considérable) de production thermique sera toujours nécessaire pour répondre à la demande : le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas toujours. Les prix et les profits réduits à l’aube de l’introduction d’énergies renouvelables pourraient éliminer une partie de cette capacité thermique du marché. Si, par conséquent, la demande devient supérieure à l’offre, la théorie économique suggère que les prix devraient augmenter de nouveau, entraînant ainsi l’entrée de la production thermique afin de répondre à la demande. Toutefois, les ouvrages économiques ont relevé de nombreux facteurs – surtout sous la forme d’interventions règlementaires et de restrictions technologiques – indiquant que les prix de gros dans nombre de marchés de l’électricité n’enverraient pas toujours le signal adéquat concernant la rareté du produit. Les données probantes disponibles laissent entendre que les énergies renouvelables subventionnées exacerberaient ce problème. La capacité ne pourrait pas toujours être créée au moment où l’on en a besoin.

Dans certains marchés de l’électricité en Europe et aux États-Unis, les organismes de règlementation ont institué des marchés de capacité ou d’autres mécanismes (y compris des mécanismes d’injonction et de contrôle) qui paient explicitement les producteurs qui donnent accès à la capacité, ce qui tranche avec le marché strictement énergétique de l’Alberta où les producteurs ne sont payés que pour la vente d’électricité. L’impact des énergies renouvelables a contribué à l’inquiétude croissante de l’Europe concernant l’investissement à long terme dans la capacité. L’intérêt dans les mécanismes relatifs à la capacité a augmenté de façon correspondante. Toutefois, les données probantes selon quoi les mécanismes relatifs à la capacité atteignent les résultats escomptés ne sont pas claires.

La nécessité d’offrir aux investisseurs dans la production thermique des prix plus élevés et plus sûrs en vue de compenser une utilisation réduite et moins certaine (causée par les énergies renouvelables) suscite davantage l’intérêt dans les mécanismes relatifs à la capacité. Mais les données probantes concernant le pays ayant le problème le plus marquant en matière de capacité – le Royaume-Uni – indiquent que les organismes de règlementation continuent de trouver les prix élevés difficiles à accepter et à sanctionner. La réticence des organismes de règlementation signifie que les mécanismes en matière de capacité pourraient ne pas atteindre les résultats escomptés. Les investisseurs aux prises avec les bas prix actuels de l’électricité et le long passé d’interventions règlementaires visant à protéger les consommateurs contre les flambées des prix – même lorsque ces flambées ne sont pas attribuables à l’exercice d’un pouvoir de marché mais à une rareté authentique des ressources de production – pourraient bien se distancer de l’investissement en production thermique additionnelle.

Les énergies renouvelables créeront-elles des problèmes similaires dans les marchés de l’électricité de l’Alberta? Le fait de s’assurer d’une offre continue d’électricité même lorsque la production éolienne (la source prédominante d’énergie renouvelable en Alberta) n’est pas disponible signifie qu’il faudra, à l’avenir, une aussi grande capacité thermique que celle d’aujourd’hui pour assurer la pérennité du réseau3. Le retrait des centrales au charbon signifie qu’un important volume de la production au gaz (les turbines à gaz à cycle combiné [TGCC] et installations de pointe) sera nécessaire pour remplacer le charbon. Mais ces installations devront probablement recouvrer leurs coûts – y compris les énormes frais fixes – sur des heures moins nombreuses et plus incertaines d’exploitation afin d’en assurer la construction. Selon les plans actuels de l’Alberta, il y aura une grande période au cours de laquelle les volumes grandissants d’énergies renouvelables devront cohabiter avec une capacité résiduelle considérable de production au charbon. Bien qu’il ne semble pas y avoir de problème immédiat d’adéquation, il y a toutefois un risque que les prix en baisse à court terme compliquent l’investissement dans la capacité requise à moyen et à long terme. Les investisseurs dans la production thermique devront être confiants dans la remontée des prix lorsque la nouvelle capacité qu’ils créent arrivera sur le marché, et de façon suffisante pour compenser les heures moins nombreuses et plus incertaines d’exploitation. Cette confiance est particulièrement importante étant donné que la passation de marchés à terme n’offre pas encore une protection suffisante contre les risques à moyen et à long terme liés aux prix.

Cette confiance pourrait s’estomper s’il y a de l’incertitude quant à l’échéancier de retrait de la capacité relative au charbon ou s’il y a de l’incertitude quant au volume d’énergie renouvelable offert à l’avenir. Les mandats en matière d’énergie renouvelable ont parfois été révisés et élargis en Europe; l’anticipation de mesures similaires en Alberta pourrait envoyer le mauvais signal aux investisseurs concernant d’éventuels investissements. Une plus grande certitude à l’égard du charbon et des volumes d’énergies renouvelables ultérieurement aidera probablement l’investissement dans la production thermique. L’abandon du plafond tarifaire actuel afin que les prix puissent augmenter à des niveaux compatibles aux estimations économiques de valeur de rareté aux heures de pointe extrême pourrait également aider. Bien sûr, l’Alberta pourrait instituer des enchères de capacité ou d’autres mécanismes faisant office de contrats effectifs entre l’administrateur du réseau et les producteurs, exclusivement pour la capacité. Mais ces mécanismes nécessiteront probablement d’importants investissements institutionnels dans leur conception, exigeant une discipline et des engagements institutionnels considérables pour en assurer le bon fonctionnement; ce qui peut représenter un accroissement substantiel de la mesure dans laquelle les effets du marché ne sont plus dictés par le marché, mais par un ensemble d’interventions administratives disparates.

La vague initiale de restructuration de l’électricité à la fin des années 1990 et 2000 en Alberta et ailleurs a mis l’accent sur les marchés et les incitations liées aux marchés afin de faciliter le choix des consommateurs, l’innovation et l’efficacité par rapport au coût. Les prix du marché avaient pour but de donner le signal concernant la capacité ayant été créée, et quand. Les politiques relatives aux changements climatiques ne doivent pas modifier cela de façon fondamentale : bon nombre d’économistes préféreraient laisser la tarification du carbone et l’échange d’émissions à eux seuls mener aux niveaux de réduction de carbone souhaités. Mais les politiques en matière d’énergie renouvelable, compatibles avec la réduction du carbone mais avec des objectifs socioéconomiques de plus grande envergure4, sont ici pour y rester. Étant donné qu’elles sont axées sur l’atteinte d’une cible de pénétration arbitraire pour les énergies renouvelables et les subventions connexes, ces politiques ne sont donc pas intrinsèquement compatibles avec le marché. Le marché ne choisit plus ce qui se crée et quand. Il peut être possible de concevoir des interventions menant à des investissements adéquats, mais il est peu probable que le marché strictement énergétique continue d’être essentiel à l’atteinte de ces investissements. En effet, si le processus est mal géré, les énergies renouvelables pourraient mettre en pièces le marché et, tout comme Humpty-Dumpty, il pourrait être impossible de recoller les morceaux du marché.

Un examen précoce et détaillé de l’impact des énergies renouvelables sur l’adéquation et sur les incitations à l’investissement devrait être un élément important dans les efforts de l’Alberta pour adapter son secteur de l’électricité au Climate Leadership Plan. Nous espérons que la mise en évidence de l’expérience européenne facilitera ce processus.

Argent manquant et tarification de la rareté

Dans les marchés uniquement énergétiques, comme celui de l’Alberta5, les fournisseurs doivent faire suffisamment de profits pour couvrir les coûts fixes associés à l’offre d’une capacité de production au moyen des prix auxquels ils font face dans le bassin de fournisseurs d’électricité6. Les marchés en temps réel types utilisent un mélange relativement homogène de ressources de production, avec des différences importantes dans les coûts marginaux d’expédition entre, disons, une centrale au charbon et une installation de pointe au gaz à cycle unique. Cette homogénéité des ressources génère une courbe d’offre à pente positive pour l’électricité, le prix d’équilibre établi par le coût marginal de la dernière unité expédié lorsque la capacité est équivalente ou supérieure à la demande. Certains producteurs infra-marginaux gagnent des « quasi-rentes »7 simplement parce qu’ils reçoivent un prix d’équilibre qui dépasse leur propre coût marginal. Au cours des heures de pointe, lorsque la demande se heurte aux contraintes de la capacité, les prix devraient monter en flèche. Comme la demande des marchés de l’électricité est ou a été jusqu’ici relativement souple (comme les consommateurs finaux ne réagissent pas ou ne peuvent pas réagir aux prix en temps réel), les prix devraient augmenter vers la « valeur de la charge perdue » (ce que les consommateurs voudraient payer pour éviter une compression des services). Bien que les profits des producteurs augmentent rapidement dans ces circonstances, les profits tirés de ces « heures de rareté » peuvent être essentiels à la capacité des producteurs de recouvrer leurs coûts fixes et de s’assurer un bon rendement du capital investi8, ce qui est probablement plus vrai pour les installations de production à coût élevé et intermédiaire qui ne sont en service que pour quelques heures chaque année. Les économistes et d’autres croient que des signaux robustes de tarification de la rareté sont essentiels pour assurer un investissement à long terme et, par conséquent, une adéquation de la production à long terme.

Toutefois, bon nombre de marchés de l’électricité en Amérique du Nord n’ont pas laissé les forces du marché entièrement déterminer le prix, aux heures de pointe. Par exemple, Hogan déclare :

« Le problème de l’argent manquant survient lorsque les hausses occasionnelles du prix du marché sont limitées par des mesures administratives comme des plafonds d’offre, des appels hors du marché et d’autres mesures non chiffrées. En empêchant les prix d’atteindre des niveaux élevés au cours de périodes de rareté relative, ces mesures administratives réduisent les paiements qui pourraient être appliqués aux coûts fixes de fonctionnement des centrales de production existantes et aux coûts d’investissement de nouvelles centrales9 ».

L’Alberta impose un plafond tarifaire pour les offres de 999,99 $ par MWh10, tout comme bon nombre d’autres régions de l’Amérique du Nord. Joskow décrit le plafond tarifaire type de 1000 $ par MWh utilisé par bon nombre de régions des États-Unis comme étant « clairement en dessous de ce que serait le prix d’équilibre concurrentiel dans la majorité des conditions de rareté11 ». Il décrit également d’autres aspects des marchés de l’électricité qui créent le problème d’« argent manquant » – ce qu’il décrit comme des marchés de gros produisant des recettes totales qui sont trop basses pour soutenir l’investissement dans un portefeuille efficace (du moindre coût) de capacité de production : par exemple, la demande qui ne répond pas aux prix en temps réel, résultant de mesures prises par des organismes de règlementation comme des obligations d’« offre obligatoire » pour contrôler les flambées de prix12; des appels « hors du marché » et des réductions de tension afin d’éviter les pannes tournantes en période de rareté13.

De plus, en période de demande de pointe du réseau, avec peu de réponse sur le prix en temps réel, les prix ne peuvent augmenter – comme l’efficience économique le suggère – afin de refléter la volonté des consommateurs de payer pour éviter une compression plutôt que le coût marginal de la dernière expédition du producteur14. Hogan décrit cette facette des marchés classiques explicitement énergétiques comme un plafond tarifaire de facto15.

Énergies renouvelables : Effets d’ordre de mérite et de pouvoir de marché

Les ouvrages économiques relèvent deux effets théoriques et mutuellement compensateurs de l’introduction de grands volumes d’énergies renouvelables dans le mélange de production :

Un effet d’ordre de mérite qui fait baisser les prix. Cet effet se produit lorsqu’un grand volume d’énergies renouvelables à coûts marginaux nuls est ajouté aux sources d’énergie de base à coûts marginaux faibles et à coûts marginaux plus élevés, comme les TGCC et les installations de pointe à cycle unique, ce qui a pour effet de décaler la courbe d’offre vers la droite et, ce faisant, de provoquer une baisse du prix d’équilibre pour tout niveau de demande que ce soit. En termes économiques, les énergies renouvelables (sans le retrait d’une autre capacité du marché) peuvent réduire de façon considérable les quasi-rentes qui s’offrent aux installations conventionnelles existantes. Cela risque d’exacerber les problèmes probablement inhérents de tarification de la rareté associés aux marchés actuels de l’électricité16.

Un effet de pouvoir de marché qui fait augmenter les prix. Bon nombre de marchés de production sont, à tout le moins, relativement concentrés. Dans ces marchés concentrés, si les propriétaires de productions thermiques classiques sont également diversifiés en énergies renouvelables, ceux-ci peuvent être d’autant plus motivés à retenir l’offre du marché si ces énergies renouvelables reçoivent des prix du marché17. Chaque producteur est un monopoleur de sa propre courbe de demande « résiduelle » et échangera des profits à la hausse sur des unités infra-marginales contre des pertes de ventes d’unités marginales. La rétention (économique ou physique) de l’offre d’installations autrement « légitimes » mène à une hausse du prix d’équilibre et, par conséquent, à des rentes plus élevées sur les installations infra-marginales, plus particulièrement en ce qui concerne les énergies renouvelables. Bien que les énergies renouvelables aient des problèmes d’intermittence bien connus et que les marchés à terme atténuent théoriquement les incitations à exercer un pouvoir de marché, les ouvrages économiques montrent que les firmes diversifiées sont encore plus motivées à exercer un pouvoir de marché lorsque des énergies renouvelables sont introduites sur le marché18.

Dans le contexte européen, la documentation empirique fait état sans ambiguïté d’un effet d’ordre de mérite dominant (ce que nous abordons dans la prochaine section). Cela peut être lié aux choix de bon nombre de pays (plus particulièrement l’Allemagne) d’utiliser des tarifs de rachat garanti, où les paiements aux énergies renouvelables ne sont pas liés au prix du marché pour l’électricité. L’expérience de l’Europe avec le retrait prématuré et de mise sous cocon des actifs soutient également l’idée d’un problème d’actifs délaissés causé par la politique sur les énergies renouvelables. L’introduction d’un grand volume d’énergies renouvelables a rendu certaines installations de production thermique existantes et même toutes nouvelles non rentables.

Même si l’effet de pouvoir de marché annule entièrement l’effet d’ordre de mérite, l’incitation accrue à exercer un pouvoir de marché n’a pas un bon effet sur le marché. La tarification de la rareté dans un marché concurrentiel permet aux producteurs de gagner des quasi-rentes, mais d’une manière compatible avec l’allocation efficiente des ressources et l’efficience dynamique. L’exercice du pouvoir de marché préserve les profits des producteurs, mais seulement aux dépens de l’allocation efficiente des ressources – un trop petit volume de production est fourni au marché. Qui plus est, il est susceptible de produire des inefficiences dynamiques. L’« équivalent à long terme » de la retenue consiste tout simplement à ne pas investir dans les types les plus souvent retenus de capacités de production (en supposant qu’il y ait des obstacles importants à une nouvelle entrée dans la production). Il pourrait s’agir de sources de production à mérite moyen, comme les TGCC.

L’expérience de l’Europe

La directive de 2008 de l’UE sur l’énergie renouvelable liait les États membres à des cibles nationales en matière d’énergie renouvelable dans le contexte d’un objectif à l’échelle de l’UE d’atteindre une consommation d’énergie finale à partir de sources renouvelables de 20 % d’ici 202019. Des subventions généreuses ont aidé des pays à faire d’énormes progrès vers l’atteinte de ces cibles. Entre 2005  et 2014, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité est passée d’environ 15 % à près de 30 % (à un taux de croissance annuel composé de 7 %). Dans les cinq plus grands marchés de l’électricité en Europe, la part des énergies renouvelables dans l’électricité a augmenté de 10 % par année au cours de la même période20. Bien que les progrès au niveau des pays varient, l’UE devrait atteindre la cible de « 20 % d’ici 2020 ». Une nouvelle cible de 27 % de la consommation d’énergie finale d’ici 2030 a donc été établie21.

Une documentation croissante fait état de deux effets majeurs de la production accrue d’énergie renouvelable sur les producteurs d’électricité dans certains pays :

  1. Les prix de gros de l’électricité sont réduits (mais peuvent être plus volatiles);
  2. Les incitations à investir dans une nouvelle production thermique sont réduites, ce qui aura des incidences sur la fiabilité future du réseau.

En 2014, la Commission européenne a écrit :

« L’augmentation des volumes d’électricité produits à partir d’énergie éolienne et d’énergie solaire a également exercé une pression à la baisse sur les prix de gros, en particulier dans les régions faisant massivement appel à ces sources d’énergie renouvelables…22  ».

Divers auteurs ont analysé les données ex post sur les prix de l’électricité et la capacité d’énergie renouvelable dans divers pays avec des volumes importants
de production d’énergie renouvelable avec des conclusions similaires quant à la direction de l’effet23. Ils ont constaté une corrélation accrue entre la disponibilité de la production éolienne et des prix de l’électricité et ainsi confirmé le premier effet d’ordre de mérite et que cela a (toute autre chose étant égale) réduit les prix de l’électricité. Il est difficile de comparer ces études (en raison de différences dans leurs méthodologies), mais les effets estimés, tels qu’ils ont été mesurés, dans certains marchés (où la pénétration de l’énergie renouvelable est élevée comme en Espagne et en Allemagne) ont été très significatifs24.

L’essor de la production d’énergie renouvelable a délogé la production à combustible fossile. Compte tenu des prix relativement bon marché du charbon (comparativement au gaz naturel) en Europe, la production de gaz naturel a subi le plus important délogement, les producteurs au charbon étant en mesure de protéger leur position dans l’ordre de mérite à court terme. Traber & Kemfert et Van den Bergh & al estiment que le soutien financier pour une production d’énergie renouvelable pourrait également avoir atténué les prix des émissions de l’EU en réduisant la demande pour la production de combustibles fossiles et, par conséquent, réduit la demande de crédits d’émissions25. Comme nous l’avons noté plus tôt, une conséquence indésirable est que des prix d’émissions à la baisse ont également bénéficié de façon disproportionnelle à la production au charbon par rapport à la production au gaz dans l’ordre de mérite. Après une longue période de croissance, la production d’électricité au moyen du gaz naturel a atteint un sommet en 2008 et est en baisse depuis26.

La chute des prix résultant de la production d’énergie renouvelable a contribué, dans certains pays, au déclin des quasi-rentes s’offrant à la production thermique. L’association de l’industrie, Eurelectric, a conclu que l’incorporation d’offres d’énergie renouvelable a réduit les heures d’exploitation et la rentabilité de la production thermique. Elle a également relevé que la tarification de la rareté dans les quelques heures d’exploitation restantes « n’a généralement pas été suffisante pour couvrir les coûts des centrales ‘de pointe’ (comme les TGCC)27». Cela résulte de la marge accrue de l’offre par rapport à la demande qui a découlé d’une augmentation de l’offre d’énergie renouvelable et d’une réduction contemporaine dans la demande par suite de la crise financière et de la récession conséquente. En fait, l’offre d’énergie renouvelable a fait augmenter la part de charge fournie par la centrale de base théorique qui a contribué à l’échange plus concurrentiel des heures de pointe.

Le nombre plus restreint d’heures rentables de production thermique, auquel les énergies renouvelables (dans certains marchés) ont en partie contribué – et plus particulièrement de production au gaz – a mené, il va de soi, à la mise sous cocon et à la fermeture de centrales. Caldecott et McDaniels28 ont fait état de dépréciations pour les actifs de production d’électricité au gaz naturel pour six grandes installations de 6 milliards d’euros. L’IHS a estimé que 21 GW de centrales électriques au gaz naturel avaient cessé d’être produits entre 2008 et 2014.

Ces développements ont renforcé ces préoccupations – aussi soulevées par Eurelectric – concernant les problèmes croissants de capacité à long terme : les inquiétudes de l’UE à savoir que l’économie appauvrie de la production thermique actuelle donne peu d’indication des besoins futurs en matière de capacité (UE 2014). Les longs délais d’exécution d’investissement dans le secteur de l’électricité signifient que l’économie de marché déprimée et incertaine d’aujourd’hui en ce qui concerne la production thermique est en quelque sorte une incitation importante à l’investissement. L’UE a également conclu que les plafonds tarifaires et autres mesures comme les réserves de fonctionnement, la réponse à la demande d’urgence et les réductions de tension atténuent les signaux concernant les prix pour les heures de rareté qui auraient autrement pu signaler un besoin d’investir dans la capacité. La plupart des pays ne font pas face à une pénurie imminente de capacité (Angleterre non comprise). Mais le retrait prochain des installations vieillissantes de production au charbon et au nucléaire pourrait changer la donne29.

Réponses stratégiques : Mécanismes de capacité et marchés de capacité

Les préoccupations croissantes concernant l’adéquation mentionnées ci-dessus ont suscité un intérêt accru chez les responsables de l’élaboration de politiques dans des mécanismes visant à assurer une capacité de production adéquate, plus particulièrement en ce qui concerne les « mécanismes de capacité » qui récompensent les producteurs pour la capacité plutôt que pour l’énergie. Ces mécanismes ont d’abord été établis dans plusieurs marchés de l’électricité des États-Unis et de l’Europe en réponse au problème d’« argent manquant ».30  L’arrivée d’une importante capacité subventionnée et hautement intermittente de production a été l’un des facteurs qui a grandement contribué à l’intérêt soutenu et à l’innovation dans les mécanismes de capacité en Europe au cours des dernières années.31 En effet, les mécanismes de capacité suggèrent que les prix du marché de l’électricité ne seraient pas suffisants pour rassurer les investisseurs dans la production thermique, à savoir que les prix de la capacité à venir seront plus élevés afin de compenser l’utilisation réduite et l’incertitude accrue causées par les énergies renouvelables.

L’étude récente des mécanismes de capacité réalisée par la Commission européenne – suscitée par la prépondérance accrue de ces mécanismes32 – a relevé deux grands types de mécanismes de capacité : (a) ciblés et (b) à l’échelle du marché. Dans le premier cas, les administrateurs de réseaux déterminent quel volume de capacité est requis en outre de ce que le marché fournirait. Les exploitants de réseaux paient ensuite pour des types particuliers de capacité (à un prix déterminé au niveau administratif) ou enjoignent les soumissionnaires à trouver la capacité requise. Autrement, les exploitants de réseaux peuvent fournir la capacité au moyen d’une enchère centralisée, ou ils peuvent exiger des fournisseurs ou des vendeurs au détail d’électricité de conclure des contrats avec les producteurs pour combler la capacité. Les exploitants de réseaux peuvent également réaliser des estimations de la capacité qui sera requise à l’avenir et payer des fournisseurs éventuels de capacité en fonction de leurs estimations du coût pour fournir la nouvelle capacité. Ces divers mécanismes diffèrent substantiellement en fait de mesure dans laquelle ils représentent un marché réel pour la capacité – en effet, certains de ceux-ci sont en quelque sorte de simples processus de « commande et contrôle ».

L’expérience du Royaume-Uni constitue peut-être le plus intéressant développement dans les mécanismes de capacité européens et des parallèles peuvent être faits avec la situation de l’Alberta. Le R.-U., peut-être contrairement à l’Europe continentale, a besoin d’une nouvelle capacité, et ce dans le court à moyen terme. Il s’est engagé à éliminer complètement la production au charbon d’ici 2025. Jusqu’à tout récemment, le charbon était responsable d’environ 30 % de la production d’électricité du R.-U. Certaines centrales fermeront au cours des prochaines années. Pour le reste des centrales, cet engagement a été pris sous la condition que de nouvelles centrales au gaz soient construites. Toutefois, le marché strictement énergétique de l’électricité et d’autres mesures à court terme utilisées par les exploitants de réseaux pour assurer la fiabilité de leurs réseaux n’incitent pas suffisamment à l’investissement dans une nouvelle capacité à grande échelle.

Le R.-U. a procédé à deux enchères de capacité à ce jour (en 2014 et en 2015) pour la capacité en 2018 et 2019 respectivement avec des contrats à plus long terme étant offerts pour une nouvelle production. Toutefois, les deux enchères ont fermé à des prix bien en dessous de ce qui est considéré comme étant nécessaire pour construire une nouvelle TGCC. En fait, seulement deux TGCC, dont l’une était déjà en construction, ont obtenu des contrats de capacité à long terme33. Les seules autres centrales ont été des centrales de pointe au diesel, ce qui n’était pas le résultat souhaité lorsque les enchères ont été conçues.

Ce résultat témoigne de l’équilibre qu’a atteint entre le volume de capacité à fournir et les préoccupations dominantes concernant le coût de l’électricité pour les consommateurs. Il illustre également le fait qu’un marché de capacité apporte une autre série d’interventions non liées au marché qui pourraient ne pas offrir la nouvelle capacité requise, sans tenir compte d’un important facteur de conception, au moindre coût pour le consommateur. Si l’introduction d’un grand volume d’énergie renouvelable dans le marché de l’Alberta a le même effet sur les incitations à l’investissement des producteurs thermiques, l’institution d’enchères de capacité ou de marché de capacité ne représente pas une solution facile à concevoir.

L’Alberta a-t-elle des leçons à tirer de l’expérience européenne?

S’il y a des leçons à tirer de l’expérience de l’Europe concernant les énergies renouvelables, quelles sont ces leçons et comment peuvent-elles guider les décideurs dans le développement du réseau électrique de l’Alberta?

De façon générale, les économistes semblent accepter que le choc de l’offre positive d’énergies renouvelables aggrave le « problème de l’argent manquant ». L’expérience européenne démontre effectivement qu’il y a des prix à la baisse et des préoccupations croissantes en ce qui concerne la façon d’assurer de façon efficace l’adéquation et la fiabilité à long terme. Ces préoccupations ont trait aux incitations des producteurs thermiques, peut-être plus particulièrement les centrales au gaz naturel, à ajouter une capacité sur une période pluriannuelle. En Europe, les producteurs ont répondu à un choc d’offre assistée par les énergies renouvelables (créant une offre temporaire excédentaire) en rationnalisant les installations au gaz et des investissements dans le gaz. Mis à part la politique préférant le gaz au charbon, cette rationalisation à court terme ne crée pas de problème d’un point de vue d’adéquation à court terme. Toutefois, l’inquiétude de l’Europe est que les investisseurs pourraient poursuivre la rationalisation tant qu’ils penseront le maintien à la baisse des prix.

Comme le précise le récent Document de travail des services de la Commission européenne, il est difficile de faire correspondre les investissements dans la capacité avec les pénuries ou les surplus réels dans les marchés de l’énergie. Il se peut que les producteurs ne répondent pas aux pénuries jusqu’à ce qu’elles deviennent apparentes, et de manière cruciale, jusqu’à ce qu’elles se reflètent dans les prix réels des marchés de l’énergie34. Aujourd’hui, les prix à la baisse résultant des énergies renouvelables pourraient, par conséquent, comprendre des attentes de prix plus bas pour plus longtemps (que ce qui pourrait être raisonnablement envisagé). Cela pourrait atténuer les intentions d’investissement dans la production thermique, plus particulièrement si les investisseurs sont déjà tourmentés par leur expérience du changement de régime qu’ont provoqué les énergies renouvelables. Les énergies renouvelables ajoutent également une incertitude de plus au processus décisionnel en matière d’investissement, surtout si les cibles et les mécanismes d’acquisition pour l’énergie renouvelable sont constamment révisés. Ces effets sont d’autant plus prononcés parce que les marchés à terme d’électricité sont insuffisamment liquides pour assurer la gestion de contrats pour d’importants volumes de livraison à long terme.

Il y a des différences évidentes entre l’Alberta et l’Europe : une préférence pour les investissements dans le charbon plutôt que le gaz est un problème qui ne surviendra pas en Alberta. Mais il va sans dire que les énergies renouvelables rendront l’investissement dans les ressources thermiques moins attrayant simplement en raison des heures d’exploitation moins nombreuses et plus incertaines pour les producteurs thermiques. Les investissements opportuns et adéquats dans ces installations dépendront de la confiance des investisseurs dans le fait que les prix finiront par monter, et plus important encore qu’on les laissera monter au besoin. La poussée de l’Europe pour les énergies renouvelables a largement été élaborée sans égard aux incitations dans le marché restructuré de l’électricité. Par conséquent, les pays européens ont dû s’adapter et mettre en place ou améliorer des institutions comme des marchés de la capacité en vue de faire face aux conséquences. Les résultats de cette improvisation institutionnelle continue ne sont pas bien connus. Toutefois, l’Alberta a l’occasion d’examiner le rôle des facteurs liés aux politiques qui pourraient faciliter l’investissement dans le contexte du marché strictement énergétique. Nous proposons trois considérations, selon l’expérience de l’Europe et les ouvrages économiques, qui pourraient être pertinentes pour la transition de l’Alberta (que l’AESO a maintenant commencé à préciser). Ces considérations sont formulées dans l’optique d’un marché strictement énergétique. Bien sûr, il y a d’autres réponses stratégiques comme les marchés de capacité et leur conception, mais celles-ci vont bien plus loin que les considérations que nous décrivons ci-dessous.

Considération 1 : Coordination entre les engagements de quantité pour les énergies renouvelables et le charbon

L’absence d’un mécanisme européen capable d’assurer la coordination entre l’introduction des énergies renouvelables et le retrait de certaines charges de base classiques explique en partie la réduction des quasi-rentes disponibles et les incitations d’investissement réduites.

Le retrait de centrales au charbon et leur remplacement (en partie) par la production d’énergie renouvelable que propose l’Alberta pourrait bénéficier d’une coordination consciencieuse. L’Alberta pourrait établir un calendrier décrivant quel volume d’énergies renouvelables sera fourni et quand. Plus les attentes des investisseurs sont stables concernant le volume d’énergies renouvelables et le moment où il sera fourni, plus il est facile de prévoir les prix à venir et d’adapter les décisions d’investissement en conséquence. Bien sûr, pour être efficaces, de tels engagements devraient être crédibles. Par exemple, il faudra résister à la tentation de réviser trop souvent les cibles en matière d’énergie renouvelable.35

Un bon niveau de certitude et d’engagement quant au moment où les retraits de la charge de base se feront améliore, dans une certaine mesure, la capacité des joueurs dans le marché à anticiper les prix à venir et la disponibilité de la capacité. L’engagement de retirer la capacité de charbon promptement, mais de façon coordonnée, compensera certains des effets de choc d’approvisionnement possibles de l’introduction d’énergies renouvelables dans le marché de l’Alberta. En termes pratiques, compte tenu de ce qui a déjà été proposé, il faudrait donc s’en tenir à la date limite de 2030 pour l’élimination graduelle du charbon. Un processus imprévisible et chaotique minera la confiance des investisseurs – c’est peut-être le danger auquel l’Alberta fera face si les investisseurs perçoivent le déroulement des AAE courants comme étant chaotiques et sujets à l’incertitude politique.36 Une transition structurée devrait être réalisable à travers le processus périodique de vente aux enchères d’énergies renouvelables tel que l’avait envisagé l’AESO.

Considération 2 : Repenser les plafonds tarifaires

Si la question des incitations à l’investissement fait surface, l’Alberta pourrait envisager de revoir le plafond tarifaire actuel vers un niveau qui correspondrait davantage aux estimations de la valeur de charge perdue (VCP). Compte tenu de la possibilité qu’il y ait moins d’heures de rareté en raison d’une production accrue d’énergies renouvelables, il sera plus important de permettre au prix du marché d’effectivement fixer le prix de cette rareté. Même si les prix n’atteindront de tels niveaux que pendant quelques heures à quelques années d’intervalle, les profits de ces heures de rareté pourraient être très importants pour soutenir la capacité de pointe requise au cours d’heures de rareté, tout en augmentant les quasi-rentes pour la capacité à coût faible et intermédiaire.

L’Alberta pourrait aussi permettre à la réponse à la demande de participer à tout mécanisme futur en matière de capacité comme l’a fait le R.-U., mais la capacité de la réponse à la demande d’agir comme participant efficace dépend de progrès techniques grandement déterminés à l’extérieur du contrôle de l’Alberta. De plus, une réponse à la demande qui n’est pas rattachée à des exigences de rendement rigoureuses apportera peu à la fiabilité, tout en atténuant les signaux donnés par les prix pour la production thermique.

Considération 3 : Rôle des prix du marché dans les enchères d’énergies renouvelables

La conception de toute enchère d’énergies renouvelables devrait peut-être également tenir compte de la question à savoir si les paiements aux fournisseurs d’énergies renouvelables doivent ou ne doivent pas être liés au prix du marché. Une pression croissante se fait sentir en Europe pour que la production d’énergie renouvelable soit exposée aux forces du marché afin de réduire le coût des subventions et assurer la transition de ces technologies vers le marché. Toutefois, les ouvrages récents suggèrent la possibilité qu’au cours des heures lorsque les énergies renouvelables produisent, les facteurs qui incitent les différents  producteurs à exercer un pouvoir de marché augmentent. L’incitation à la retenue survient lorsque la capacité des différents producteurs de gagner des marges supérieures sur leur capacité infra-marginale d’énergies renouvelables lorsqu’ils pratiquent la retenue.

Bien que cela mène au rétablissement des prix et à l’atténuation de l’effet d’ordre de mérite, le tout est inefficace et requiert l’utilisation du pouvoir de marché. Si l’ampleur de cette inefficacité est grande relativement aux avantages lorsque les prix des énergies renouvelables sont liés aux prix du marché, la conception de l’enchère peut donc être modifiée de façon à ce que les soumissionnaires se fondent sur leurs coûts et non la différence entre leurs coûts et leurs attentes quant aux prix futurs du marché. En tout état de cause, les attentes de tout participant au marché quant aux prix futurs du marché dépendront de l’ensemble des volumes d’énergies renouvelables qui devraient être fournis dans les années à venir ainsi que de la réponse stratégique des propriétaires de productions thermiques à l’introduction des énergies renouvelables. Il va sans dire que ce calcul est difficile à faire, même si l’engagement à certifier les volumes concernant les énergies renouvelables pouvait le rendre un peu plus facile37. De plus, les attentes de prix toujours à la baisse donneraient lieu à des soumissions de subvention élevées et, par conséquent, annuleraient tout avantage découlant du lien entre les subventions demandées et les prix du marché.

L’Alberta pourrait envisager des modèles comme ceux du R.-U. dans lesquels une enchère est tenue pour déterminer le soutien des prix qui sera garanti aux producteurs retenus sur une période fixe. Cependant ceux-ci sont structurés comme des échanges fixe-variable. Lorsque les prix du marché montent, le niveau de subvention diminue, laissant l’ensemble du soutien au producteur inchangé.

Finalement, les récents développements politiques aux États-Unis créent des doutes sur la capacité des gouvernements fédéral et provinciaux canadiens de respecter les initiatives d’atténuation des changements climatiques déjà annoncées. Cela rend l’approche structurée, exposée ci-haut, plus pertinente au processus de conception.

 

  1. Berkeley Research Group LLC.
  2. DeGroote School of Business, McMaster University.  Les opinions exprimées dans le présent ouvrage sont celles des auteurs et non celles du Berkeley Research Group ou de l’Université McMaster ni celles d’autres personnes associées à ces institutions. La responsabilité pour toute erreur ou omission relève strictement des auteurs. Nous sommes redevables à Matthew Barmack pour les commentaires fournis sur le présent ouvrage.
  3. L’Alberta Electricity System Operator assigne une note de zéro à la capacité éolienne pour calculer la disponibilité d’un coussin d’approvisionnement pour répondre aux urgences. Voir Alberta Electric System Operator, « Long-Term Adequacy Metrics », août 2016 à la p 10.
  4. Ces politiques sont souvent décrites comme « complémentaires » à la tarification du carbone et à l’échange d’émissions mais sont mieux comprises comme ayant des objectifs comme l’attrait d’investisseurs, la mise en valeur de l’innovation et la relance du développement économique allant au-delà d’une simple réduction du carbone. Le présent ouvrage n’est pas un commentaire sur la désirabilité générale des énergies renouvelables.
  5. L’Alberta utilise à la fois un marché en temps réel et un marché du jour d’avant (ce dernier pour les services auxiliaires). Il y a une certaine utilisation d’instruments financiers – p. ex. contrats à terme – par les participants au marché, mais nous en comprenons que les volumes du marché à terme sont relativement petits. L’Alberta s’attend à ce que les participants au marché puissent échanger l’électricité dans des conditions non discriminatoires et gérer la volatilité du marché au comptant en utilisant des instruments financiers de façon appropriée. Bien que l’Alberta ait des restrictions ex ante sur le pouvoir de marché des producteurs (p. ex. un plafond de soumission de 999,99 $ par MWh et une limite imposée à toute firme exerçant un contrôle sur plus de 30 % de la capacité de génération), le simple exercice d’un pouvoir de marché (« extraction ») n’est pas censuré.
  6. Le terme « bassin de fournisseurs d’électricité » est utilisé afin de décrire les circonstances particulières de l’Alberta.
  7. Dans ce contexte, les quasi-rentes sont définies comme étant les marges que les firmes ont besoins de gagner afin de rembourser les coûts fixes encourus par l’offre d’une capacité de production.
  8. Si la demande est élastique et influe sur les marchés de gros, la charge marginale souple pourrait donc exiger un paiement près de la VCP qui s’élimine de lui-même. Cette charge marginale établira le prix du marché.
  9. William W. Hogan, « Electricity Scarcity Pricing through Operating Reserve », (2013) 2:2 Economics of Energy and Environmental Policy à la p 1.
  10. Puisque l’Alberta ne censure pas expressément le simple exercice du pouvoir de marché des producteurs, ces derniers peuvent se permettre des rentes de rareté et des rentes de monopole. Les rentes de monopole sont des gains qui dépassent le coût moyen à long terme (c.-à-d. au-delà de ce qui est exigé pour s’assurer un rendement normal du capital) réalisés par les firmes qui sont en mesure d’avoir une influence réelle sur le prix du marché en fonction de leur choix d’extrant (ou dans le contexte du bassin de fournisseurs d’électricité, de leur stratégie de soumission). Par contre, les rentes de rareté sont compatibles avec les marchés concurrentiels, étant donné que la tarification de la rareté signale un coût d’opportunité pour la société lorsque la capacité de production n’est pas offerte en période de rareté. Il est erroné de conclure que la rétention économique – l’exercice du pouvoir de marché qui occasionne habituellement l’offre de trop peu de produits sur le marché – est un moyen de compenser la rareté en période de pointe. De toute façon, les incitations à la rétention sont à leur plus haut point en période de rareté.
  11. Par exemple : London Economics a enquêté sur les VCP dans différents segments de consommateurs pour le compte du Department of Energy and Climate Change du R.-U. et a relevé une moyenne rectifiée de charge de 16 940 £ (environ 29 000 $ aux taux de change actuel) pour les consommateurs domestiques et commerciaux de petite et de moyenne taille au cours des jours d’hiver ouvrables de pointe en Grande-Bretagne. Voir London Economics, The Value of Lost Load (VOLL) for Electricity in Great Britain, Londres, London Economics, 2013 à la p 54.
  12. Ces obligations reflètent les préoccupations des organismes de règlementation à savoir que les conditions de rareté, en présence d’une courbe de demande verticale, présentent des occasions invitantes d’exercer un pouvoir de marché en freinant l’approvisionnement du marché.
  13. Paul L. Joskow, « Capacity Payments in Imperfect Electricity Markets: Need and Design » (2008) 16:3 Utilities Policy aux p 16-18.
  14. Les marchés « classiques » ne présentaient pas l’un des critères souhaités d’un marché strictement énergétique efficace et idéal : la réponse à la demande. Voir Joskow, supra note 13 à la p 161, pour une description des quatre conditions qui caractérisent un marché strictement énergétique qui ne souffre pas d’un problème d’« argent manquant ». L’une de ces conditions est qu’il y a à la fois des consommateurs sensibles au prix et des consommateurs insensibles au prix. Un autre de ces critères est que les vendeurs au détail
    peuvent offrir aux consommateurs des contrats qui précisent les conditions dans lesquelles ils peuvent être rationnés. Dans le passé, du moins, la technologie de comptage en temps réel n’existait pas pour satisfaire à ces conditions.
  15. William W. Hogan, On an ‘Energy-Only’ Electricity Market Design for Resource Adequacy, Cambridge, Université Havard, 2005, en ligne : <https://www.hks.harvard.edu/fs/whogan/Hogan_Energy_Only_092305.pdf >. En théorie, il devrait être possible de créer une courbe de demande appropriée pour les réserves de fonctionnement et ainsi de contrecarrer le problème d’argent manquant en « complétant effectivement le marché ». Hogan écrit : « L’absence d’une courbe de demande de réserve de fonctionnement est l’une des difficultés dans la conception du marché qui résulte en un plafond tarifaire de facto et de l’argent manquant». Toutefois, il ajoute que si la « courbe de demande de réserve ne fait pas monter les prix vers la valeur de charge perdue (VCP) lorsque les réserves de fonctionnement approchent du minimum, la courbe de demande n’est donc pas en mesure de représenter… le coût d’opportunité réel en marge ».
  16. Vu d’un autre œil, les énergies renouvelables réduisent les taux moyens d’utilisation d’installations de production thermique. Théoriquement, les prix pourraient augmenter de façon suffisante au cours des heures où de telles installations sont effectivement en service que ces dernières pourraient compenser les taux inférieurs d’utilisation. Ce scénario nécessiterait probablement un retrait d’une partie considérable de la capacité existante et des politiques règlementaires moins rigoureuses vers des prix de pointe ou de pointe extrême élevés, voire même très élevés. Comme nous le mentionnons ci-dessous, cela ne s’est pas passé en Europe.
  17. Toutefois, dans bon nombre de marchés des États-Unis et de l’Europe (et en Ontario), les énergies renouvelables sont effectivement rattachées à des contrats à long terme ou des tarifs de rachat garanti qui ne font pas face à une tarification en fonction du marché au comptant.
  18. Acemoglu et al confirment notre intuition à cet égard. Supposant un duopole de Cournot entre des producteurs thermiques, et supposant que les portefeuilles de ces producteurs thermiques comprennent des énergies renouvelables, on estime que la rétention stratégique de produits atténue, voire même neutralise complètement, l’effet d’ordre de mérite (décalage à droite dans le courbe d’offre) dont parle la documentation empirique sur les énergies renouvelables. La documentation existante sur les bassins de fournisseurs d’électricité suggère que l’hypothèse Cournot est une approximation raisonnable du comportement concurrentiel entre les producteurs (voir, par exemple, Bert Willems et al, « Cournot versus supply functions: What does the data tell us? » (2009) 31:1 Energy Economics aux p 38–47). Lorsque tous les producteurs thermiques sont investis dans l’énergie renouvelable —« diversification complète » – l’effet d’ordre de mérite des énergies renouvelables est entièrement neutralisé. Voir Daron Acemoglu et al, Competition in Electricity Markets With Renewable Sources, Cambridge, MIT, 2015, en ligne : MIT <https://asu.mit.edu/sites/default/files/documents/publications/MAIN-submit.pdf>.
  19. Ils doivent également s’assurer qu’au moins 10 % de leurs carburants de transport proviennent de sources d’énergie renouvelables d’ici 2020; les cibles nationales en matière d’énergie renouvelable vont de 10 % à Malte à 49 % en Suède, Commission européenne, Renewable Energy, en ligne : CE <https://ec.europa.eu/energy/en/topics/renewable-energy>. Ces pays élaborent également des plans d’action pour l’énergie renouvelable qui comprennent des cibles et des objectifs sectoriels en matière d’énergie renouvelable pour différents mélanges d’énergies renouvelables déployés.
  20. Eurostat, “Electricity generated from renewable sources”, 2016, Commission européenne, en ligne: CE <http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=en&pcode=tsdcc330> : « L’électricité produite au moyen de sources d’énergie renouvelables comprend l’électricité produite au moyen de centrales hydroélectriques (pompage non compris) et de l’énergie éolienne, solaire et géothermique et l’électricité tirée de la biomasse/des déchets. La consommation nationale brute d’électricité comprend la production nationale brute totale d’électricité, tout carburant compris (y compris l’autoproduction), ainsi que les importations d’électricité, moins les importations. [Traduction]» Les 5 premiers marchés ont été sélectionnés en fonction de la consommation totale d’électricité.
  21. Commission européenne,  2030 Energy Strategy, en ligne : CE <https://ec.europa.eu/energy/node/163>.
  22. Commission européenne, A policy framework for climate and energy in the period from 2020 to 2030, 2014 à la p 9.
  23. Voir Klaas Würzberg et al, « Renewable generation and electricity prices: Taking stock and new evidence for Germany and Austria », (2013) 40 Energy Economics, pour un sondage comparatif de la documentation récente sur les effets d’ordre de mérite dans divers marchés européens de l’électricité.
  24. Hugo A. Gil et al, « Large-scale wind power integration and wholesale electricity trading benefits: estimation via an ex post approach » (2012) 41 Energy Policy à 849–859; Sensfuss et al,  « Analysen zum merit-order effekt erneuerbarer energien: Update für das jahr 2010 » (2011) Frauenhofer ISI, Karlsruhe, estimait un effet durant la période de 2006 à 2010 d’environ 6 euros/MWh en Allemagne (équivalant à près de 10 % du prix courant de la charge de base).
  25. Thure Traber & Claudia Kemfert, « Impacts of the German Support for Renewable Energy on Electricity Prices, Emissions and Firms » (2009) 30:3 The Energy Journal aux p 155–178;  Kenneth Van den Bergh et al, « Impact of renewables deployment on the CO2 price and the CO2 emissions in the European electricity sector » (2013) 63 Energy Policy aux p 1021-1031.
  26. Eurostat, Gross electricity generation by fuel, GWh, EU-28, 1990-2013, en ligne: CE <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/File:Gross_electricity_generation_by_fuel,_GWh,_EU-28,_1990-2013.png>.
  27. Eurelectric, « RES Integration and Market Design: Are Capacity Remunerations Mechanisms Needed to Ensure Adequacy » (2011) à la p 4.
  28. Ben Caldecott & Jeremy McDaniels, « Stranded generation assets: Implications for European capacity mechanisms, energy markets and climate policy » (2014) Smith School of Enterprise and the Environment Working Paper, en ligne : <http://www.smithschool.ox.ac.uk/research-programmes/stranded-assets/Stranded%20Generation%20Assets%20-%20Working%20Paper%20-%20Final%20Version.pdf>.
  29. Bon nombre de centrales nucléaires en Europe auront plus de 30 ans d’ici 2020, alors que certains pays comme les Pays-Bas et le R.-U. ont établi des mandats explicites de retrait du charbon.
  30. Les ouvrages économiques font état de plusieurs autres solutions possibles au défi de la tarification de la rareté que posent les MSE. Parmi celles-ci, on retrouve (a) l’assouplissement ou l’abolition des plafonds tarifaires imposés sur le plan administratif, (b) l’autorisation de la hausse des prix plafonds lorsque des ressources hors du marché sont utilisées pour la production d’électricité, (c) l’amélioration des mécanismes de réponse à la demande dans le marché. Une autre approche serait d’établir un marché pour les réserves de fonctionnement.
  31. Commission européenne, Interim Report on the Sector Inquiry on Capacity Mechanisms: Commission Staff Working Document, Bruxelles, 13 avril, 2016, aux p  4, 12, 30 et nn 23, 36. Ces extraits soulignent la croyance selon quoi les énergies renouvelables aggravent le problème d’argent manquant.
  32. Les mécanismes de capacité soulèvent des préoccupations quant au soi-disant « appui étatique », qui a été la raison immédiate pour l’enquête de la Commission. Toutefois, le Document de travail des services de la Commission, supra note 31, décrit les causes économiques profondes à la p 4 :

    « Le déploiement à grande échelle des énergies renouvelables, conjugué à une baisse globale de la demande et à une diminution du coût des carburants fossiles, a infléchi la rentabilité des producteurs conventionnels et réduit les incitations à maintenir les centrales électriques existantes ou à investir dans de nouvelles. Dans de nombreux États membres, cette évolution s’est accompagnée de préoccupations croissantes concernant la sécurité de l’approvisionnement. Les États membres s’inquiètent du fait que le marché de l’électricité n’émet pas les signaux d’investissement nécessaires pour garantir une combinaison de modes de production d’électricité capable de satisfaire à la demande à tout moment… Certains États membres ont réagi en adoptant des mesures destinées à soutenir les investissements réalisés dans les capacités supplémentaires qu’ils jugent nécessaires pour garantir un niveau de sécurité d’approvisionnement acceptable. Ces mécanismes de capacité rémunèrent les fournisseurs de capacités existantes et/ou nouvelles qui mettent ces dernières à disposition. »

  33. ICIS, « UK CCGT developers keep faith with capacity market » (2016), en ligne: ICIS <http://www.icis.com/resources/news/2016/04/22/9990602/uk-ccgt-developers-keep-faith-with-capacity-market/>.
  34. Le Document de travail des services de la Commission européenne souligne, supra note 31 à la p 25, que les attentes concernant les prix futurs étaient plus importantes pour les décisions d’investissement que les prix courants. Dans bon nombre d’autres marchés de produits de base, les marchés à terme bien développés offrent une compensation pour l’incertitude inhérente dans les attentes concernant la tarification à long terme. Le document des services de la Commission mentionne également (n 37, citant De Vries) que, compte tenu de l’incertitude concernant les prix futurs, les décisions d’investissement pourraient être retardées de façon à entraîner d’importantes périodes de pénuries réelles. Le document de la CE fait donc état de deux possibilités distinctes mais interdépendantes. Premièrement, il y a le problème à savoir que le rajustement d’un équilibre à un autre n’est pas sans frictions. Contrairement à d’autres industries de produits de base à longs cycles – comme les sables bitumineux – il y a un intérêt stratégique probant à éviter un déséquilibre pouvant mener à de réelles pénuries d’électricité. C’est pourquoi, à tout le moins, les politiques qui contribuent à l’incertitude et créent, par conséquent, des frictions dans le processus de rajustement devraient être évitées. Deuxièmement, il y a le problème selon lequel les niveaux d’investissement dans l’équilibre pourraient être inefficaces. Même si les organismes de règlementation évitent une rareté physique réelle, peuvent-ils le faire de la manière efficiente (la moins coûteuse)?
  35. Cela peut laisser entendre que le processus des énergies renouvelables devrait être régi par une agence qui n’est aucunement motivée, d’une manière ou d’une autre, par l’atteinte d’une plus grande pénétration des énergies renouvelables.
  36. La perspective à long terme de 2016 de l’AESO (Alberta) établit effectivement un calendrier présumé de retrait pour le charbon ainsi que des suppositions de suppléments de capacité éolienne ultérieurement. AESO, AESO Long-Term Outlook (2016), en ligne: AESO <https://www.aeso.ca/grid/forecasting/>.
  37. De plus, les attentes de prix toujours à la baisse donneraient lieu à des soumissions de subvention élevées et, par conséquent, annuleraient tout avantage pour le gouvernement découlant du lien entre les subventions demandées et les prix du marché.

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