Allègement des formalités administratives en Alberta : une commission, un comité et des recommandations

En 2019, le gouvernement nouvellement élu de l’Alberta a annoncé la création d’un poste de ministre associé de l’allègement des formalités administratives et l’adoption du Red Tape Reduction Act de l’Alberta. En réaction, l’Alberta Utilities Commission (AUC ou « la Commission ») a pris l’initiative de nommer un comité indépendant, appelé AUC Procedures and Processes Review Committee (comité d’examen des procédures et des processus, ou « le Comité »). Celui-ci visait à « examiner les processus et procédures de règlement des requêtes de hausse tarifaire de la Commission et formuler des recommandations au président de l’AUC… sur la façon dont certaines étapes des processus et des procédures peuvent être rendues plus efficaces ou éliminées complètement[1] » [traduction].

Trois membres ont été nommés au Comité, et ceux-ci possèdent tous une grande expérience du domaine de la réglementation : C. Kemm Yates, c.r., une figure de proue du milieu de la réglementation; David J. Mullan, professeur de droit émérite de Queen’s University et l’un des plus grands experts en droit administratif du Canada; et Rowland J. Harrison, c.r., également ancien professeur de droit et ancien membre de longue date très respecté de l’Office national de l’énergie (maintenant appelé la Régie de l’énergie du Canada). Le Comité a été formé le 8 mai 2020 et a achevé ses travaux le 14 août 2020 en publiant un rapport de 136 pages[2]. Peu après la publication de ce rapport, l’AUC a annoncé qu’elle se conformerait à toutes les recommandations qui y étaient énoncées[3].

Dans le présent article, je vous donnerai un aperçu des recommandations du Comité et formulerai quelques commentaires à ce sujet. Le lecteur peut consulter le rapport du Comité s’il veut obtenir des détails sur le processus de consultation auprès des différents intervenants ainsi que sur le mandat du Comité.

LES RECOMMANDATIONS

Le Comité a formulé 30 recommandations distinctes réparties en 18 grandes catégories. Les recommandations sont présentées en détail dans son rapport. L’idée maîtresse derrière ces recommandations est que l’AUC devrait jouer un rôle actif dans le cadre des audiences tarifaires, mais en faisant preuve d’efficacité et d’équité. Le Comité a formulé une série de recommandations qui tiennent compte des commentaires des intervenants et qui reposent sur une analyse juridique solide.

La première catégorie de recommandations, qui donne le ton aux autres recommandations, appelle à une gestion de l’instance proactive et affirmée[4]. Plus précisément, le Comité a recommandé que l’AUC s’affirme en ce qui concerne la portée et le calendrier du processus. Le Comité a également recommandé que l’AUC publie une liste des questions à traiter dans le cadre de l’instance, un calendrier préliminaire et un cadre expliquant aux parties la façon de s’appuyer sur les questions et les processus énoncés. Enfin, bien que le Comité n’ait pas recommandé un ensemble strict de délais prescrits par la loi à imposer à l’AUC pour rendre une décision dans le cadre d’une instance, la Commission, en plus d’accepter toutes les autres recommandations, a déclaré qu’elle définirait des délais à ce sujet et les respecterait.

La Comité a ensuite proposé une catégorie de recommandations liées aux instances. Ces recommandations portent, par exemple, sur la manière de traiter les documents confidentiels dans le cadre d’une instance. Une autre recommandation veut que toutes les audiences soient menées par écrit, sous réserve que les participants démontrent la nécessité d’une audience orale. Les questions abordées lors de l’audience doivent être déterminées à l’avance dans le cadre de l’établissement de la portée de cette dernière et selon le calendrier établi au début de l’instance, comme je l’ai mentionné précédemment.

En ce qui concerne les interrogatoires ou les demandes de renseignement, le Comité a formulé de nombreuses recommandations. Celles-ci visaient principalement à limiter la portée et la quantité des renseignements demandés. À titre d’exemples, certaines recommandations avaient trait à l’établissement : d’un calendrier pour assurer le dépôt en temps voulu des interrogatoires écrits et des réponses à ceux-ci; d’une pratique normalisée pour le traitement des requêtes liées aux interrogatoires; d’une exigence selon laquelle les renseignements demandés doivent être justifiés. En outre, il devrait y avoir une présomption d’une seule série d’interrogatoires, en particulier lorsqu’on peut recourir à un contre-interrogatoire oral pour déceler toute autre ambiguïté découlant des réponses écrites.

Les contre-interrogatoires ont également fait l’objet de plusieurs recommandations. Les contre-interrogatoires excessifs doivent être découragés. Les contre-interrogatoires devraient se limiter à des preuves précises ainsi qu’aux questions que l’AUC doit trancher dans son jugement dans le cadre de l’instance. Il faut également décourager le recours à des avis non spécialisés en limitant les coûts que les services publics et les intervenants peuvent recouvrer. Le contre-interrogatoire devrait être axé sur la réduction du fardeau réglementaire et l’exécution du mandat de l’AUC.

En ce qui concerne la présentation de la plaidoirie finale, le Comité a recommandé que l’AUC adopte un processus efficace de plaidoirie orale après la clôture du dossier de l’audience. L’étendue de la plaidoirie finale serait déterminée à l’avance par l’AUC en définissant un ensemble de sujets sur lesquels portera la plaidoirie ainsi que des limites de temps.

Quant à l’AUC elle-même, le Comité a recommandé que les décisions soient rédigées selon un modèle axé sur les questions à l’étude. Les membres et le personnel de l’AUC devraient recevoir une formation sur la rédaction de décisions selon ce modèle. Les membres de l’AUC devraient également recevoir une formation périodique sur leur rôle en tant que membres d’un tribunal quasi judiciaire, ainsi qu’une formation sur les exigences et responsabilités de base sur le plan légal en matière de gestion des cas. Les membres de l’AUC devraient tenir des réunions plénières pour discuter des questions génériques soulevées au cours des audiences.

Le Comité a également formulé quelques recommandations à propos des intervenants, des coûts, et de la mise en œuvre de ses recommandations au moyen des règles de l’AUC. Les lecteurs qui veulent connaître les détails à ce sujet devraient consulter le rapport du Comité. Celui-ci est rédigé clairement et est convaincant. Plutôt que d’énoncer les différentes recommandations du Comité et de les analyser une à une, je donnerai, dans la section suivante, un aperçu des raisons pour lesquelles le travail du Comité était rendu nécessaire et vous ferai part de quelques réflexions sur la meilleure façon d’adopter ses recommandations.

COMMENTAIRES

Le Comité a été créé en réaction à l’intervention du gouvernement provincial dans le cadre de son initiative d’allègement des formalités administratives. Les recommandations sont très judicieuses et vont dans le sens de cette initiative gouvernementale. Les recommandations découlent à la fois des commentaires des intervenants et d’une analyse minutieuse des directives juridiques qui régissent la conduite de l’AUC. En tant qu’ancien membre de la Commission, je félicite le Comité d’avoir réalisé ce travail rigoureux malgré des délais très courts. La valeur de ces recommandations doit être considérée non seulement pour ce que celles-ci demandent à l’AUC, mais aussi, d’une certaine manière, pour ce qu’elles suggèrent à tous les participants au processus d’établissement des tarifs. La lecture des demandes et des recommandations du Comité m’a rappelé plusieurs des choses qui me préoccupaient lorsque j’étais à l’AUC. En effet, le personnel, d’autres membres de l’AUC et d’autres intervenants se sont déjà penchés sur des éléments visés par de nombreuses recommandations; toutefois, le défi consiste toujours à savoir comment mettre celles-ci en œuvre.

Les recommandations codifient efficacement les pratiques exemplaires dont les intervenants et l’AUC ont pu convenir en principe dans le passé, mais qu’ils ont pu avoir du mal à mettre en œuvre au cas par cas. Après tout, il est facile d’affirmer dès le départ que l’on s’engage à suivre un processus efficace, mais si cela signifie, par exemple, la perte de possibilité de contre-interroger oralement un témoin adverse, cet engagement peut s’affaiblir. Le fait d’avoir un ensemble de règles qui sont le fruit d’une concertation des membres respectés et expérimentés du Comité devrait rassurer tout le monde quant à la mise en œuvre des recommandations.

Il y a toujours une tension entre une instance rapide et efficace et l’équité, surtout pour ce qui est des règles procédurales. L’instance efficace la plus connue est celle qui a été plaidée dans l’affaire fondamentale Northwestern Utilities Ltd. v Edmonton[5]. Ce cas est souvent cité pour les trois principes d’un rendement raisonnable pour les services publics, à savoir qu’une « entreprise aura droit à un rendement sur le capital investi dans son entreprise (qui sera net pour l’entreprise) aussi important que celui qu’elle recevrait si elle investissait le même montant dans d’autres titres possédant une attractivité, une stabilité et une certitude égales à celles de l’entreprise[6] » [traduction]. Le précédent conseil de l’AUC avait autorisé Northwestern Utilities à réaliser un certain taux de rendement. Plus tard, comme les taux d’intérêt avaient chuté, le conseil a alors décidé unilatéralement de réduire le taux de rendement autorisé, sans tenir d’audience. La Cour suprême a non seulement autorisé la sentence matérielle en vertu du critère du taux de rendement raisonnable, mais elle n’a pas non plus été préoccupée par l’absence d’audience. En effet, il y a quelques années à peine, le juge Côté (maintenant à la retraite) de la Cour d’appel de l’Alberta a cité l’affaire Northwestern au sujet de la proposition selon laquelle « la Commission peut obtenir ses renseignements de la façon qu’elle juge appropriée[7] » [traduction]. L’autorisation d’un taux de rendement raisonnable sans audience serait le nec plus ultra d’une réglementation efficace. Toutefois, cela soulèverait un ensemble de questions d’équité, et pas seulement des questions de procédure.

Après tout, les circonstances économiques peuvent facilement changer, rendant les décisions antérieures peu réalistes ou injustes pour les services publics réglementés. Rappelez-vous le dernier ralentissement économique de 2008. L’AUC avait précédemment établi une formule d’attribution du taux de rendement autorisé. Cette formule était utilisée depuis de nombreuses années avant cette crise financière. À l’époque, l’AUC aurait pu maintenir la formule en vigueur. Ce processus aurait permis de minimiser les coûts d’audience. Néanmoins, les parties ont toutes convenu que la formule n’était pas l’outil réglementaire approprié à ce moment-là. Il en est résulté un processus long et exhaustif, nécessitant des semaines d’audiences orales et des milliers de pages de dossier, qui a abouti à la décision de 2009 sur le coût générique du capital (CGC)[8]. Dans sa décision, l’AUC a déterminé que la formule existante ne permettrait pas de générer des taux de rendement proportionnels aux conditions économiques auxquelles étaient confrontés les services publics. La Commission a alors décidé de mettre de côté la formule habituelle et a abouti à une conclusion ponctuelle au sujet du taux de rendement. Deux ans plus tard, l’AUC s’est de nouveau penchée sur la question du CGC. Cette fois, pour éviter le long processus de l’audience de 2009 sur le CGC, l’AUC a décidé d’incorporer le dossier de 2009 à l’audience de 2011[9]. Heureusement, l’incorporation du dossier a été faite à la suggestion des services publics et avec l’approbation des intervenants, ce qui a permis un processus rapide. Peut-être que le processus précédent, conclu seulement deux ans plus tôt, a contribué à cette initiative des parties. Cependant, le passage du temps peut également effacer les souvenirs et les expériences des parties et de leurs avocats. De nouvelles parties ou les avocats peuvent être tentés de profiter de toute la panoplie de protections qui s’offrent en matière d’équité procédurale; c’est-à-dire ce qu’ils perçoivent, sans aucun doute, comme étant la procédure la plus cruciale pour eux. Ainsi, le fait de disposer des recommandations du Comité, à la fois sous la forme d’un rapport et de règles de l’AUC, permet à la Commission de surmonter plus facilement l’approche par défaut des longues audiences qui stagnent.

Alors que ces recommandations sont mises en œuvre, j’encourage également toutes les parties qui ont donné leur avis au Comité ainsi que celles qui participent aux instances de l’AUC à réfléchir à d’autres innovations qui pourraient être facilement adoptées. Dans le prolongement de l’instance relative au CGG de 2011, par exemple, et étant donné que les dossiers de toutes les procédures de l’AUC sont stockés électroniquement et facilement consultables, j’estime que la réintroduction de preuves dans le cadre de chaque instance semble inutile et lourde. Il serait utile que l’AUC mette au point un registre continu de données financières macroéconomiques ainsi que des données sur chaque service public régi par l’AUC. Ainsi, les services publics n’auraient qu’à mettre à jour ou à contester des éléments de données précis du dossier lors de chaque audience.

Pour en revenir aux recommandations du Comité, je répète que celles-ci sont non seulement bénéfiques pour l’AUC, mais aussi pour les parties aux audiences. Nonobstant l’engagement initial de chaque partie à assurer une audience efficace, des pièges font toujours leur apparition, et on est souvent attiré vers eux. Les parties découvrent soudainement un nouvel intérêt pour les preuves présentées et souhaitent les examiner sous toutes leurs facettes. Cela pose un dilemme à l’AUC et à la formation qui présidant l’audience : l’AUC doit-elle permettre davantage de découvertes de preuves ou s’en tenir à son champ d’action et à ses délais initiaux? La bonne vieille tension entre l’efficacité et l’équité fait ainsi de nouveau son apparition.

Prenons le cas de l’audience de l’entreprise ATCO Gas en 2011[10]. Un intervenant avait demandé des renseignements à ATCO Gas lors de l’audience de cette dernière sur les tarifs du gaz. ATCO a fourni des réponses que l’intervenant jugeait insuffisantes. Celui-ci a présenté une motion pour obliger ATCO à fournir des renseignements supplémentaires[11]. L’AUC a décidé que certaines des réponses étaient adéquates et d’autres non, et a donc demandé à ATCO d’en fournir d’autres. ATCO a répondu qu’il avait besoin de plus de temps. D’autres échanges entre ATCO Gas, l’intervenant et l’AUC ont donné lieu à une motion d’ATCO Gas visant à supprimer une partie de la preuve de l’intervenant, ce que l’AUC a accepté[12]. L’intervenant a alors demandé une révision et une modification de l’audience, ce que l’AUC a refusé. Lors de la même audience, un autre intervenant a demandé la suspension de l’audience en raison de l’acquisition récente par le groupe ATCO d’une entreprise gazière australienne. L’AUC a rejeté cette demande. À la fin de l’audience, en plus des arguments de fond habituels concernant le taux de rendement raisonnable, des arguments supplémentaires d’équité procédurale ont été présentés. Certains d’entre eux concernaient même le rôle de l’avocat de l’AUC et sa partialité dans la façon dont il avait interrogé les témoins d’ATCO Gas.

Je mentionne ces exemples non pas pour dénigrer les parties ou leurs avocats, mais pour souligner que ce qui peut débuter par une simple audience tarifaire avec un ensemble prédéterminé de questions peut se transformer en une audience complexe amenant l’AUC à trancher des questions de droit administratif nuancées, comme le rôle des avocats. Il n’y a pas de réponses simples à ces questions. Peu importe si l’on cherche dans les affaires ou les traités des professeurs de droit administratif, les réponses ne sautent pas aux yeux des membres de l’AUC ou de leurs avocats. Et c’est là qu’intervient la réponse par défaut qui consiste à privilégier l’équité procédurale, généralement au détriment de l’efficacité du processus.

Cette recherche excessive d’équité est peut-être une conséquence des répercussions d’un incident d’espionnage désormais tristement célèbre[13]. À cette époque, les personnes nommées peu après cet incident ont eu le sentiment qu’aucune revendication pour iniquité procédurale n’était trop insignifiante pour être rejetée. L’arrêt Stores Block de la Cour suprême du Canada et son corollaire, la Cour d’appel de l’Alberta, ont semblé donner l’impression que l’AUC était l’organisme préféré des cours d’appel pour procéder à un examen minutieux tant sur le fond que sur la procédure[14]. Toutefois, il se peut que nous ayons péché par excès, ce qui a amené le Comité a formulé ses recommandations.

En effet, le nombre d’appels des décisions de l’AUC pour des questions d’équité procédurale pourrait servir d’indicateur du niveau d’équité dont fait preuve la Commission. Une recherche sur les récents appels des décisions de l’AUC devant la Cour d’appel de l’Alberta révèle une forte concentration d’appels axés sur des résultats concrets, par opposition à ceux portant sur les procédures adoptées par l’AUC. À l’aide de CanLII, j’ai cherché des cas sur lesquels s’est penchée l’AUC, et j’ai limité ma recherche aux mots clés « procedural fairness » (équité procédurale) et « bias » (partialité). J’ai trouvé 55 cas au cours des 12 dernières années, dont 11 seulement font mention de l’équité ou de la partialité de la procédure, soit environ 20 % des cas. Presque aucune de ces revendications d’iniquité n’a obtenu gain de cause.

Pour éviter que le lecteur ne se demande pas si les recommandations du Comité pourraient entraîner un plus grand nombre d’appels pour des raisons d’équité, ce qui pourrait être le cas (mais cela entraînerait également des infirmations en appel), le Comité a procédé à une analyse juridique de ses recommandations. Je félicite le Comité d’avoir procédé à cette analyse juridique rigoureuse, qui conduit fortement à penser que l’AUC peut mettre en œuvre les recommandations sans crainte de cassation de décisions pour des raisons d’équité procédurale.

La décision de l’AUC dans la plainte de Milner Power concernant la méthodologie de perte en ligne de l’exploitant indépendant de réseau est un exemple marquant de l’utilisation de l’équité procédurale comme l’un des principaux motifs d’appel[15]. Je dois préciser que l’affaire ne portait pas sur la tarification, mais qu’elle est tout de même instructive. La Cour d’appel a refusé d’autoriser l’appel de la décision de l’AUC dans une série de décisions rendues par le juge O’Ferrall, dont l’une portait sur la question de l’équité procédurale[16]. Le juge O’Ferrall a estimé que l’AUC n’avait pas refusé aux parties leur droit à l’équité procédurale. L’affaire a duré 14 ans entre le moment où la plainte de Milner a été déposée pour la première fois auprès de l’AUC en 2005 et celui où le jugement final de la Cour d’appel a été rendu. Tout au long de ces années, de nombreux appels ont été intercalés devant la Cour d’appel, une audience devant l’AUC ayant donné lieu à une décision partagée[17]. Celle-ci a été suivie d’une motion de révision et de modification, qui a été accordée, puis d’une série de décisions de l’AUC qui ont abouti en un refus en trois parties de l’autorisation d’appel par la Cour d’appel[18]. En effet, si la Cour d’appel avait tranché en faveur des parties appelantes, l’instance au sujet de la perte en ligne de l’exploitant indépendant de réseau aurait rivalisé avec Jarndyce et Jarndyce sur le plan des complications et de la durée.

Ce que l’on peut maintenant oublier, c’est que cette longue saga a débuté par le rejet de la plainte de Milner concernant la règle de la perte en ligne de l’exploitant indépendant de réseau sans la tenue d’une d’audience, parce que le précédent conseil de l’AUC avait jugé que cette plainte était « frivole et vexatoire[19] » [traduction]. Cette décision a été invalidée par la Cour d’appel, puis renvoyée à l’AUC pour que celle-ci tienne une audience sur le bien-fondé de la plainte de Milner[20]. On ne peut s’empêcher de se demander où en seraient toutes les parties aujourd’hui si l’audience avait été tenue de manière accélérée selon les recommandations du Comité ? Que le précédent conseil ait donné raison ou non à Milner, la Cour d’appel aurait probablement confirmé la décision comme étant raisonnable et serait arrivée à la même conclusion que le juge O’Ferrall. La différence aurait pu résider dans les 12 années de litiges et de décisions en appel qui s’en sont suivis. La leçon que doivent en tirer toutes les parties est le fait qu’un processus qui concilie efficacité et équité aide toutes les parties touchées à long terme.

La nature techniquement complexe de la règle de la perte en ligne de l’exploitant indépendant de réseau peut également expliquer pourquoi la procédure a traîné en longueur. Cela soulève la question plus générale à savoir si le climat d’affrontement propre aux instances de l’AUC est la meilleure façon de trancher ces questions. Il y a eu de nombreuses discussions pendant que j’étais à l’AUC au sujet de tables rondes et d’autres solutions de rechange aux audiences. De même, on avait discuté d’idées telles que la présentation simultanée des preuves des témoins experts (connu sous le nom de « hot-tubbing ») afin que l’audience soit plus consensuelle, au moins pour ce qui est des preuves techniques. L’AUC pourrait examiner ces idées pour compléter les recommandations du Comité, surtout si les audiences techniques continuent d’être longues et compliquées.

Dans l’ensemble, la mise en œuvre de ces recommandations, en particulier sous la recommandation générale d’une gestion de cas plus affirmée, devrait être bien accueillie par tous. L’AUC et son personnel disposent maintenant d’orientations écrites dans le rapport du Comité (et codifiées, espérons-le, dans les règles de l’AUC), qui tient compte des commentaires et des réactions des intervenants. Les parties liées au processus, qu’il s’agisse des services publics ou des intervenants, disposent également désormais d’un document de référence pour les guider et leur rappeler que le processus doit être plus rapide.

Je me souviens que l’ancien président de l’AUC, feu Willie Grieve, c.r., avait l’habitude de toujours pointer du doigt l’énoncé de mission de l’AUC[21], qu’il avait aidé à élaborer et qu’il avait accroché sur tous les murs des bureaux de la Commission. Chaque fois qu’il y avait une discussion interne concernant un processus ou un résultat, M. Grieve montrait du doigt le mur et lisait une phrase pertinente, comme « l’Alberta Utilities Commission est un chef de file de confiance qui offre des solutions réglementaires novatrices et efficaces pour l’Alberta » [traduction]. Le rapport du Comité s’inscrit bien dans la mission de l’AUC et devrait également se trouver sur le mur de façon emblématique pour que toute personne puisse le consulter dans le cadre de ses fonctions à l’AUC.

*Professeur de droit à la University of Alberta et ancien membre de l’Alberta Utilities Commission (AUC). Les opinions exprimées dans le présent article sont des réflexions théoriques personnelles et ne visent pas à refléter les points de vue actuels ou passés de l’AUC au sujet d’instances ou de décisions actuelles ou passées. Ces opinions ne visent pas non plus à dénigrer l’une ou l’autre des parties mentionnées dans le présent article, mais sont plutôt formulées à des fins de démonstration.

  1. Alberta Utilities Commission, « Bulletin 2020-17 » (8 mai 2020), en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/News/2020/Bulletin%202020-17.pdf>.
  2. Kemm Yates, David J. Mullan et Rowland J. Harrison, « Report of the AUC Procedures and Processes Review Committee » (14 août 2020), en ligne (pdf ) : AUC <www.auc.ab.ca/Shared%20Documents/2020-10-22-AUCReviewCommitteeReport.pdf>.
  3. Une recommandation qui n’a pas été formulée dans le Rapport a néanmoins été adoptée par l’AUC. Voir Alberta Utilities Commission, « Announcement » (22 octobre 2020), en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/News/2020/2020-10-22-Announcement.pdf>.
  4. Par souci de simplicité, j’ai résumé les recommandations sans utiliser de guillemets. Certains de mes propos sont donc tirés directement du rapport du Comité. Le lecteur doit supposer que la source est ce rapport, que celui-ci soit paraphrasé ou directement cité.
  5. Northwestern Utilities Ltd. v Edmonton (city), [1929] RCS 186.
  6. Ibid à la p 193.
  7. Calgary (City) v Alberta (Energy and Utilities Board), 2010 ABCA 132 au para 193.
  8. Re 2009 Generic Cost of Capital (12 novembre 2009), 2009-216, en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2009/2009-216.pdf>.
  9. Re 2011 Generic Cost of Capital (8 décembre 2011), 2011-474 au para 13, en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2011/2011-474.pdf>.
  10. Re ATCO Gas 2011-2012 General Rate Application Phase I (5 décembre 2011), 2011-450, en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2011/2011-450.pdf>.
  11. Ibid aux para 24–32 (section 2.1.1).
  12. Ibid aux para 37–40 (section 2.1.3).
  13. On peut facilement faire une recherche en ligne sur cette histoire, mais on peut en trouver un résumé dans Lavesta Area Group Inc. v Alberta (Energy and Utilities Board), 2012 ABCA 84.
  14. Ces affaires sont toutes décrites en détail dans Re Utility Asset Disposition (26 novembre 2013), 2013-417, en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2013/2013-417.pdf>.
  15. Re Milner Power Inc. Complaints regarding the ISO Transmission Loss Factor Rule and Loss Factor Methodology (20 janvier 2015), 790-D02-2015, en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2015/790-D02-2015.pdf>.
  16. Milner Power Inc v Alberta Utilities Commission, 2019 ABCA 127. Les instances devant la Cour d’appel sont les suivantes : Capital Power Corporation v Alberta Utilities Commission, 2018 ABCA 437 [Capital Power Corp], Milner Power Inc v Alberta Utilities Commission, 2019 ABCA 127, ENMAX Energy Corporation v Alberta Utilities Commission, 2019 ABCA 222.
  17. Re Complaint by Milner Power Inc. Regarding the ISO Transmission Loss Factor Rule and Loss Factor Methodology (16 avril 2012), 2012-104, en ligne (pdf ) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2012/2012-104.pdf>.
  18. Le déroulement de l’instance et ses décisions sont bien résumés dans : Capital Power Corp, supra note 16.
  19. Re Milner Power Inc. Complaint Against the Proposed AESO Line Loss Rule (30 décembre 2015), 2005-150, en ligne (pdf) : AUC <www.auc.ab.ca/regulatory_documents/ProceedingDocuments/2005/2005-150.pdf>.
  20. Milner Power Inc. v Alberta (Energy and Utilities Board), 2010 ABCA 236.
  21. Alberta Utilities Commission, « Mission Statement » (dernière consultation le 21 janvier 2020), en ligne : <www.auc.ab.ca/pages/mission-statement.aspx>.

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