Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 20201

INTRODUCTION

Après avoir bouleversé les principes et la méthodologie du contrôle judiciaire canadien des actions administratives à la toute fin de 2019, la Cour suprême du Canada a fait une pause dans le droit administratif tout au long de 2020. Ce n’est qu’en février 2021, avec l’audience prévue de l’appel dans l’affaire Northern Regional Health Authority v Manitoba (Human Rights Commission)[2], que la Cour suprême reviendra à la charge et sera confrontée à au moins une question en suspens résultant de l’affaire Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov[3], et des deux autres arrêts[4] associés à ce précédent fondamental.

Par conséquent, cet examen annuel du droit administratif et de son impact sur le droit et la réglementation de l’énergie n’impliquera pas le déballage de nouveaux arrêts de la Cour suprême. Il se concentrera plutôt sur l’impact immédiat de l’arrêt Vavilov et de ses proches parents sur la conduite du contrôle judiciaire et des appels prévus par la loi des décisions de toutes sortes des organismes de réglementation de l’énergie. En aucun cas cela ne permettra-t-il de rendre un examen exhaustif des conséquences de l’arrêt Vavilov sur l’ensemble des décisions administratives. Il s’agira plutôt d’un aperçu de l’impact de l’arrêt Vavilov dans le domaine du droit réglementaire dont traite cette revue. Qu’est-ce qui a changé en ce qui concerne le contrôle judiciaire des décisions en matière de réglementation de l’énergie par suite de l’arrêt Vavilov, et quelles incertitudes ce dernier a-t-il créées ou laissées non résolues[5]?

Parmi ces incertitudes figure l’impact de l’arrêt Vavilov sur l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder les droits, les revendications et les intérêts des peuples autochtones. J’ai consacré une section à l’examen de la question de savoir si l’arrêt Vavilov implique un recalibrage de la norme à appliquer lors du contrôle judiciaire des décisions des organismes de réglementation de l’énergie concernant ces droits, revendications et intérêts. Dans une section séparée, je couvrirai également un champ plus large et examinerai d’autres cas de jurisprudence se rapportant à l’évolution continue de l’obligation de consulter ainsi que d’autres éléments de l’honneur de la Couronne qui ont une incidence sur la loi et la réglementation en matière d’énergie. Enfin, dans ce contexte, je vais également spéculer sur les ramifications possibles pour les organismes de réglementation de l’énergie si le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, devait être adopté.

L’autre domaine que j’examinerai concerne les considérations discrétionnaires relatives à l’accès au contrôle judiciaire et aux appels prévus par la loi des décideurs administratifs, tant au début de ces procédures que lorsque des recours sont accordés.

L’IMPACT DE L’ARRÊT VAVILOV

Contrôle par voie d’appel

Sans aucun doute, le changement le plus important, et d’ailleurs le plus critiqué[6], apporté par l’arrêt Vavilov est l’adoption d’une règle selon laquelle, à moins que d’autres normes ne soient spécifiées dans la législation, lorsqu’une décision administrative est portée devant les tribunaux par le biais d’un appel prévu par la loi, le contrôle aura lieu selon les critères établis pour les appels dans les litiges civils dans l’affaire Housen c Nikolaisen[7] — la décision correcte pour les pures questions de droit, et erreur manifeste et dominante pour les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait dont il n’est pas possible d’extraire facilement une pure question de droit.

Pour les adeptes de la déférence, cela a sonné l’alarme. Avec l’abandon de la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable dans les appels prévus par la loi au profit d’un régime selon la norme de la décision correcte, même lorsqu’un décideur interprète sa propre loi ou une loi fréquemment rencontrée, on a dit qu’il y aurait un abandon de la déférence judiciaire ou du respect des décisions de plusieurs des principaux organismes de réglementation du Canada. Il a également été avancé que cette diminution de l’engagement à la déférence ouvrirait la porte à un recours plus fréquent aux tribunaux pour les décisions réglementaires. Certains ont estimé que cela était bien plus à l’avantage des entreprises réglementées que de celles qui cherchent à défendre l’intérêt public sur lequel reposent les régimes réglementaires[8]. En revanche, d’autres personnes tout aussi préoccupées ont considéré cet aspect de l’arrêt Vavilov comme un risque réglementaire croissant pour un secteur déjà menacé par une exposition régulière au contrôle judiciaire et à l’appel[9].

À ce stade, il est bien trop tôt pour évaluer si ce changement radical a eu ces effets — une augmentation du nombre d’appels prévus par la loi, la majorité étant introduite par des entités réglementées par opposition aux groupes d’intérêt public ou aux participants individuellement concernés par le processus réglementaire. Il faut également évaluer dans quelle mesure l’arrêt Vavilov a réduit l’écart entre le contrôle selon la norme de la décision correcte et de la décision raisonnable. En d’autres termes, pour les adeptes de la déférence et les organismes de réglementation qui cherchent à préserver le respect de leur expertise et, plus généralement, leur autonomie et leurs impératifs opérationnels, la véritable question n’est peut-être pas tant l’impact de la réduction de la déférence dans le domaine des appels prévus par la loi que l’orientation plus générale de l’arrêt Vavilov vers une révision minutieuse de toutes les questions de droit, qu’elles soient portées devant les tribunaux par un appel prévu par la loi ou un contrôle judiciaire.

Cette possibilité est soulignée par plusieurs des facteurs contextuels potentiellement pertinents que la majorité dans Vavilov a désignés comme ayant une incidence sur la conduite du contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Il y avait un avertissement général selon lequel la norme de la décision raisonnable est une forme de contrôle « rigoureux »[10]. Lorsque cela est lié par des renvois à des questions auxquelles il n’y a qu’une seule réponse correcte[11], un concept de manque d’autorité[12] qui ressemble remarquablement à la catégorie de compétence maintenant discréditée, et l’impératif de suivre l’approche moderne d’interprétation législative[13], il existe une possibilité distincte que, dans de nombreux cas, il y aura peu ou pas de différence à la fois dans le discours et le résultat entre le contrôle selon la norme de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Il est cependant trop tôt, à mon avis, pour évaluer en se fondant sur la jurisprudence si ces craintes sont justifiées. Il faut attendre une évaluation empirique basée sur un échantillon plus large que celui qui existe actuellement.

Entre-temps, cependant, plusieurs des révisions judiciaires et des appels prévus par la loi et la réglementation en matière d’énergie à partir de 2020 montrent comment les tribunaux inférieurs réagissent ou font face à la nouvelle dispense.

La déférence ou du moins le respect dans le cadre du contrôle selon la norme de la décision correcte

J’ai soutenu ailleurs[14] que le passage du contrôle selon la norme de décision raisonnable à la norme de décision correcte dans le contexte des appels prévus par la loi a eu un impact immédiat dans l’affaire Bell Canada c Canada (Procureur général)[15], l’appel que la Cour suprême a lié à Vavilov dans son recalibrage des principes et de la méthodologie de la révision judiciaire sur des motifs de fond des décisions administratives. Je soutiens qu’en vertu de la norme de la décision raisonnable, l’ordonnance du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes aurait résisté au contrôle judiciaire. La norme de la décision correcte ayant été utilisée, l’ordonnance a été annulée parce qu’elle était fondée sur une erreur de droit.

Par la suite[16], dans un contexte de droit de l’énergie, Paul Daly a présenté le même argument en ce qui concerne l’arrêt de la Cour d’appel du Manitoba dans l’affaire Manitoba (Hydro-Electric Board) v Manitoba (Public Utilities Board)[17]. Dans cette affaire, la Cour, appliquant la norme de la décision correcte dans le contexte d’un appel devant la Cour d’appel en vertu de la Loi sur la Régie des services publics[18], a annulé une directive de l’organisme de réglementation à Manitoba Hydro :

pour créer une classe de clients résidentiels des Premières Nations dans les réserves… qui devait recevoir une augmentation de zéro pour cent. [traduction]

Il a été jugé que la commission des services publics n’était pas compétente pour rendre une telle ordonnance. Cette décision était contraire à une disposition de la Loi sur l’Hydro[19] qui exigeait que les clients du service public ne soient pas classés uniquement en fonction de la région de la province dans laquelle ils vivaient ou de la densité de la population.

Cet arrêt a déjà fait l’objet d’un commentaire détaillé dans la Publication trimestrielle par Patrick Duffy[20] et je m’abstiendrai de tout autre détail ou analyse. Toutefois, dans son commentaire sur l’affaire, Daly présente un argument à l’appui de la validité juridique de la directive et affirme que :

… si la décision de la commission avait été soumis à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, le résultat aurait pu être différent. On peut au moins soutenir que l’article 39(2.2) peut raisonnablement supporter l’interprétation de la commission[21] [traduction].

Duffy n’est pas aussi franc, mais il y a aussi des indices dans son analyse qui laissent penser que le résultat a pu dépendre du passage du contrôle selon la norme de la décision raisonnable à la norme de la décision correcte. Et, sans aucun doute, cette forme de spéculation se poursuivra car le changement a de plus en plus d’intérêt dans le domaine des appels prévus par la loi des décideurs administratifs[22].

Cependant, Planet Energy (Ontario) Corp. v Ontario Energy Board[23], un jugement de la Cour divisionnaire de l’Ontario rendu début 2020 par la juge Swinton, jette quelques doutes sur les craintes que j’ai exprimées quant à la mesure dans laquelle le contrôle selon la norme de la décision correcte des appels prévus par la loi sapera le projet de déférence. Il s’agissait d’un appel prévu par la loi devant la Cour sur une question de droit et de compétence concernant l’imposition de pénalités à l’appelant par la Commission de l’énergie de l’Ontario, suite à la conclusion que ce dernier avait enfreint des dispositions de la Loi de 2010 sur la protection du consommateur d’énergie[24] et du Code de conduite des détaillants d’électricité élaboré par la Commission. Le principal argument de l’appelant était que la Commission n’avait pas compétence pour imposer une pénalité administrative car le délai de prescription pertinent de la Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario[25] était expiré. Pour des raisons dont je parlerai plus loin dans cette enquête, la juge Swinton a estimé que l’appelant aurait dû soulever la question des limitations auprès de la Commission, soit pendant l’audience, alors que la décision était encore en instance, soit par le biais d’une demande de réexamen, comme le prévoit la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario. En examinant la jurisprudence et les principes relatifs à la question de savoir si un appelant devrait être autorisé à soulever une nouvelle question pour la première fois lors d’un appel devant la Cour, la juge Swinton a estimé que le contrôle selon la norme de décision correcte ne signifiait pas que la déférence à l’égard de l’expertise n’avait aucun rôle à jouer, du moins dans le contexte de la question de savoir si un argument pouvait être soulevé pour la première fois lors d’un appel devant un tribunal :

Bien que la Cour examine en dernier ressort l’interprétation de la loi selon la norme de la décision correcte, le respect de la fonction spécialisée de la Commission reste important. L’un des messages importants de l’arrêt Vavilov est la nécessité pour les tribunaux de respecter la conception institutionnelle choisie par la législature lorsqu’elle a établi un tribunal administratif (au para 36). Dans le cas présent, la tâche d’interprétation de la Cour serait grandement facilitée par l’interprétation de la Commission concernant les mots de la Loi, l’économie générale de la Loi et les objectifs politiques derrière la disposition[26] [traduction].

À l’appui de cette considération, la juge Swinton a souligné qu’elle était aussi pertinente pour les questions soumises à la Cour par voie d’appel en vertu de la norme de la décision correcte que dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire où la norme de contrôle serait celle de la décision raisonnable[27]. Plus généralement, cette posture montre combien il est important que les tribunaux qui entendent un appel d’une décision administrative en vertu d’un contrôle selon la norme de la décision correcte soient attentifs aux motifs fournis par l’organisme ou le tribunal. Le contrôle selon la norme de la décision correcte n’est pas une excuse pour ignorer ou ne pas évaluer sérieusement les motifs pour lesquels la décision de première instance a été prise.

Par la suite, dans l’affaire Enbridge Gas Inc. v Ontario Energy Board[28], la juge Swinton, qui a de nouveau rendu (avec la juge Favreau) le jugement de la Cour divisionnaire, a permis qu’un argument soit soulevé pour la première fois lors d’un appel de la Commission. Cependant, dans ce cas, parmi les justifications d’une exception au principe général, la juge Swinton a noté que la question à l’examen avait été discutée et tranchée par la Commission dans « trois décisions antérieures »[29]. En concluant sur cette question, elle s’est efforcée de souligner que le fait d’autoriser la poursuite de l’appel ne signifiait en aucun cas une rupture avec Planet Energy et son insistance sur l’avantage pour les cours d’appel de disposer de la conclusion du tribunal sur une question pertinente[30].

La pertinence de l’arrêt Vavilov pour les appels, les révisions et les réexamens internes ou nationaux

La déférence a également fait surface dans un sens assez différent dans le jugement de la Cour divisionnaire rendu par le juge Ducharme dans l’affaire Hydro One Networks Inc. v Ontario Energy Board[31]. Il s’agissait de la décision finale de la Commission de l’énergie de l’Ontario sur une question réglementaire type liée aux tarifs : le refus de l’affirmation d’Hydro One selon laquelle les économies d’impôts futures de 2,595 milliards de dollars devraient être entièrement allouées aux actionnaires, et l’acceptation de l’argument selon lequel 38 % de ces économies d’impôts devraient être allouées aux besoins de revenus d’Hydro One pour 2017 et 2018, ce qui entraînerait une baisse des tarifs pour les clients.

En première instance, le Panel de la Commission de l’énergie de l’Ontario a rejeté la position d’Hydro One. Cependant, un Panel de révision de la Commission a annulé cette décision en se basant sur quatre erreurs interdépendantes. Elle a donc ordonné que l’affaire soit réexaminée par un Panel de nouvelle audience en tenant compte des conclusions du Panel de révision et de toutes les preuves et arguments entendus par les deux Panels.

Le Panel de nouvelle audience était composé de deux membres du Panel d’audience et d’un membre du Panel de révision. Dans sa décision, le Panel de nouvelle audience ne s’est pas concentré sur la question de savoir si la décision finale du Panel de première instance pouvait encore être maintenue, étant donné les défauts que le Panel de révision avait relevés dans ses motifs. Le Panel de nouvelle audience s’est plutôt demandé si les conclusions auxquelles il est parvenu pouvaient encore se justifier malgré les quatre défauts interdépendants. En appliquant un critère de décision raisonnable à ces conclusions initiales, le Panel de nouvelle audience a déterminé qu’elles pouvaient encore être soutenues et a donc confirmé la décision initiale. Ce faisant, le Panel de nouvelle audience n’a pas réussi à identifier une approche ou une méthodologie différente qui justifierait une telle conclusion. Hydro One a fait appel à la Cour divisionnaire sur une question de droit et de compétence.

En accueillant l’appel, le juge Ducharme, au nom d’un Panel unanime de la Cour divisionnaire, a estimé qu’en soumettant les motifs erronés d’un Panel d’audience à une évaluation du caractère raisonnable à la manière d’un contrôle judiciaire déférente ou d’un appel prévu par la loi[32], le Panel de nouvelle audience avait restreint son pouvoir discrétionnaire et appliqué un critère juridique incorrect[33]. Il n’a pas procédé à un examen complet du bien-fondé du résultat final, conditionné par les erreurs constatées par le Panel de révision. Cela équivalait à une erreur sur une question de droit ou de compétence, si l’on se place dans une perspective de décision correcte post-Vavilov. La caractérisation plus poussée de la décision comme impliquant une entrave inappropriée à la discrétion ou à l’autorité était vraisemblablement basée sur la proposition que, lorsque le Panel de nouvelle audience a considéré la décision originale du point de vue de la décision raisonnable, il s’est abstenu de procéder à un examen plus étendu selon la norme de la décision correcte.

Avec cette décision, la Cour divisionnaire a à tout le moins rejeté le déploiement par un Panel de nouvelle audience d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable lorsqu’une commission d’examen a en fait demandé une nouvelle détermination du bien-fondé. Cependant, il est également possible que le juge Ducharme parle d’une préoccupation plus générale concernant le déploiement d’une norme de décision raisonnable avec déférence dans la conduite d’une révision ou d’une nouvelle audience.

En fait, une telle caractérisation de la position prise par le comité de nouvelle audience trouve sa justification dans la jurisprudence récente. La norme de contrôle à appliquer par les organes internes de révision ou d’appel de tribunaux ou d’organismes ne repose pas sur la méthodologie élaborée par Dunsmuir (et maintenant, vraisemblablement, Vavilov) pour la sélection de la norme de révision dans le cadre de contrôles judiciaires et d’appels prévus par la loi de décisions administratives devant les tribunaux. La norme de contrôle approprié devrait plutôt être basée sur une interprétation des dispositions législatives pertinentes[34] établissant l’accès à une révision ou à un appel interne, un exercice d’interprétation qui peut produire une variété de normes d’appel ou de contrôle, y compris, mais sans en exclure d’autres, la norme de la décision raisonnable[35].

Avec une telle approche, dans le cas de la Commission de l’énergie de l’Ontario, le point de référence devient la Partie VII – Réexamen des Règles de pratique et de procédure de la Commission et, en particulier, la règle 42 – Motion de réexamen. La règle 42(1)(a) stipule que les personnes qui demandent une révision doivent :

… énonc[er] à l’appui de la motion des motifs qui soulèvent la question de la justesse de l’ordonnance ou de la décision…

Cela suggère que, dans ce contexte, la norme applicable sera celle de la décision correcte et non de la décision déraisonnable.

Compte tenu du fait que l’appel avait été plaidé avant l’arrêt Vavilov, le juge Ducharme s’est également exprimé sur les raisons pour lesquelles la décision du Panel de nouvelle audience n’aurait pas pu, en tout état de cause, résister à un contrôle selon la norme de la de décision raisonnable. Le Panel de nouvelle audience n’avait pas expliqué comment la décision initiale du Panel d’audience pouvait encore être maintenue malgré les défauts relevés par la commission d’examen et que la commission avait été enjointe d’accepter comme donnée. Les motifs n’étaient pas « transparents, intelligibles et justifiés », et ils manquaient de cohérence interne et d’une chaîne d’analyse rationnelle basée sur les preuves[36].

L’affaire est également intéressante du point de vue du redressement, car le paragraphe 33(4) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario[37] prévoit que, lors d’un appel :

La Cour divisionnaire communique son avis à la Commission, qui rend une ordonnance conformément à ses termes, sans toutefois lui donner d’effet rétroactif.

Le juge Ducharme a conclu[38] que cette disposition prévalait sur l’article 134(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires[39] qui stipule :

Sauf disposition contraire, le tribunal saisi d’un appel peut : a) rendre l’ordonnance ou la décision que le tribunal dont il y a appel aurait dû ou pu rendre;…

Par conséquent, la Cour divisionnaire s’est limitée à répondre au résultat de l’appel par le biais d’un certificat; elle ne pouvait pas se mettre directement à la place de la Commission et rendre une ordonnance ou une décision en faveur d’Hydro One et de ses actionnaires sur le fond des questions d’attribution. En revanche, le juge Ducharme a rejeté l’argument de la Commission selon lequel l’affaire devrait être renvoyée à la Commission pour un examen plus approfondi. Étant donné que la Cour divisionnaire était d’avis que toute allocation du produit de l’épargne fiscale future ne pouvait pas, en droit, être attribuée au bénéfice ultime des contribuables par opposition aux actionnaires, il était approprié pour la Cour, dans la certification de son opinion à la Commission, de formuler le certificat en ces termes. En général, une telle démarche peut être considérée comme un événement exceptionnel. Néanmoins, lorsque, dans le cadre d’un appel, la Cour estime que la Commission a commis une erreur de droit et que le résultat est alors inévitable, l’autorité de certification autorise la Cour à ordonner que la Commission « reconsidère » et rende une ordonnance corrigeant la décision du comité d’audience et ordonnant l’attribution des économies d’impôt.

L’arrêt Vavilov, la déférence et l’équité procédurale[40]

Ni dans Vavilov ni dans Bell Canada l’équité procédurale n’était-elle en cause dans les faits. Par conséquent, les références à l’équité procédurale étaient peu nombreuses. Au début, la majorité dans l’arrêt Vavilov a déclaré :

… la décision raisonnable est une approche visant à faire en sorte que les cours de justice interviennent dans les affaires administratives uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif[41] [je souligne].

Cela laisse entendre que la raisonnabilité pourrait être déployé lorsque les tribunaux examinent les règles de procédure et les décisions pour en vérifier l’équité. Cependant, quelques paragraphes plus tard, au paragraphe 23, la majorité a parlé de la présomption du contrôle selon la norme de la décision raisonnable comme étant liée :

… [au] contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale[42] [je souligne].

Cela peut être interprété de deux façons : la présomption ne s’applique pas aux règles et décisions de procédure et le droit d’un décideur à une norme de la décision raisonnable doit être autrement justifié, ou, plus généralement, il n’y a pas de place pour la norme de la décision dans de tels cas, la norme de la décision correcte étant la norme universelle, ou bien, la norme de contrôle étant un concept étranger dans le domaine de l’équité procédurale.

Enfin, dans une section de l’arrêt intitulée « L’équité procédurale et le contrôle judiciaire sur le fond »[43], la majorité a exploré les liens entre l’obligation qu’un décideur motive sa décision (souvent considérée comme de nature procédurale) et le contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Au cours de cette analyse, la majorité a déclaré :

… les exigences procédurales applicables sont déterminées eu égard à l’ensemble des circonstances.[44]

La majorité a ensuite approuvé la liste non exhaustive en cinq parties des facteurs énumérés dans l’affaire Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [45] qui devrait « définir le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans un cas donné[46] ». L’un de ces cinq facteurs a été décrit comme « les choix de procédure faits par le décideur administratif lui-même[47] ». Étant donné la difficulté de réunir chacune de ces propositions en un ensemble cohérent, il faut dire que la majorité n’a pas été suffisamment attentive à la façon dont son nouveau régime affecterait les contestations des règles et des décisions pour des raisons de procédure.

Cependant, la plupart des tribunaux canadiens, tant avant qu’après Vavilov, ont considéré que la présomption du contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’appliquait pas aux questions d’équité procédurale. L’affaire Nation Rise Wind Farm Limited Partnership v Ontario (Minister of the Environment, Conservation and Parks) [48] fournit un exemple post-Vavilov dans le cadre de la réglementation de l’énergie. La Cour divisionnaire a interprété le paragraphe 23 de l’arrêt Vavilov comme établissant que la « présomption de décision raisonnable ne s’applique pas aux questions d’équité procédurale[49] » [traduction]. Le jugement fait ensuite référence à d’autres perpétuations post-Vavilov de la position canadienne prédominante :

La plupart du temps, à la Cour divisionnaire et ailleurs, ces questions sont soit révisées selon la norme de la décision correcte, soit on dit qu’aucune norme de révision ne s’applique[50] [traduction].

Par la suite, la Cour divisionnaire a fait très peu de cas de l’argument du ministre selon lequel ses choix procéduraux avaient droit à la déférence en se référant au cinquième facteur d’intensité de l’équité procédurale de Baker :

Toutefois, le ministre, comme les autres décideurs administratifs, est toujours tenu de se conformer aux obligations d’équité de la common law, à moins que ces règles n’aient été écartées par un texte législatif explicite ou par une implication nécessaire (ce qui n’est pas le cas)…[51] [traduction].

Cependant, dans l’affaire Rogers Communications Canada Inc. v Ontario Energy Board[52], la Cour divisionnaire a tenté de résoudre l’incertitude persistante concernant le respect des règles de procédure et des décisions et le rôle du cinquième critère Baker afin de produire un ensemble de principes réalisables.

L’enjeu était une contestation par Rogers, pour des raisons de procédure, du résultat d’une révision complète de la politique, entre autres, du régime régissant les conditions dans lesquelles les entreprises d’électricité réglementées par la Commission étaient tenues de permettre aux entreprises de télévision par câble, non autrement réglementées par la Commission, de fixer leurs fils aux poteaux appartenant aux entreprises. Cette politique fixait le tarif facturé par les services publics, à moins qu’il ne soit modifié par un accord approuvé par la Commission. Au fil des ans, il est apparu clairement, à la lumière des variations de tarifs convenues entre les parties et approuvées par la Commission, que le taux de raccordement de la politique était nettement hors des normes.

Pour les besoins de cette révision, la Commission a créé un groupe de travail sur le raccordement aux poteaux (« le Groupe ») et a engagé un consultant expert externe pour faciliter l’exercice de révision et, en particulier, le fonctionnement efficace du Groupe. Comme l’a décrit le juge Lederer[53], qui a rendu le jugement de la Cour divisionnaire, le groupe n’incluait pas toutes les parties intéressées. Il a plutôt été constitué par la Commission sur la base de manifestations d’intérêt, et comprenait des représentants « de l’industrie du fil de fer, des distributeurs d’électricité et de groupes de consommateurs ». Rogers ne faisait pas partie du Groupe.

Plus tard dans le jugement, le juge Lederer a décrit le processus qui a été suivi :

  • Quatre réunions du Groupe;
  • Une autre consultation initiale par le biais d’une demande de commentaires de la part des membres du Groupe;
  • Un examen « ultérieur » par le consultant;
  • Suivi d’un rapport du consultant;
  • Suivi d’un rapport préliminaire de la Commission de l’énergie de l’Ontario;
  • Une consultation plus poussée par le biais des commentaires des membres du Groupe;
  • Un rapport final de la Commission[54].

Il importait également que le rapport du consultant soit mis à disposition pour les commentaires non seulement du Groupe mais aussi d’autres intervenants et du public sur le site web de la Commission[55]. La Commission a également invité les personnes intéressées à faire part de leurs commentaires sur son rapport provisoire et a reçu trente-trois commentaires de la part :

… d’intervenants intéressés, y compris [des propriétaires de poteaux], des groupes de contribuables et de consommateurs, et des représentants des [entreprises de câblodistribution][56]. [traduction]

Ce dernier groupe comprenait Rogers qui s’était plaint tout au long du processus de la Commission[57]. Dans son rapport final, la Commission a répondu aux commentaires et a réduit les frais de fixation des poteaux qu’elle avait proposés dans son projet de rapport, tout en apportant quelques autres ajustements transitoires et en précisant que les nouveaux frais standard ne s’appliqueraient pas à ceux qui avaient conclu d’autres accords de tarification avec l’approbation de la Commission.

Après la publication du rapport, Rogers ainsi que douze autres entreprises de câblodistribution ou exploitants de réseaux de câbles ont fait appel à la Cour divisionnaire en vertu de l’article 33(1) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario[58], demandant l’annulation du rapport final et le renvoi de l’affaire à la Commission pour une audience complète.

L’appel a soulevé plusieurs questions. Parmi elles, la Commission a fait valoir que, comme elle n’avait pas rendu d’ordonnance mais simplement produit un rapport, la procédure appropriée était une demande de contrôle judiciaire en vertu de la Loi sur la procédure de révision judiciaire[59]. En ce qui concerne les entreprises de câblodistribution ou les exploitants de réseaux de câbles, il a été affirmé que, sur le plan de l’interprétation législative, le processus de révision mettait en jeu l’article 21(2) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario[60] et son exigence d’une audience « [s]ous réserve des dispositions contraires ». Pour sa part, la Commission a fait valoir que l’affaire relevait de l’article 70(1.1) de la Loi qui lui conférait un pouvoir discrétionnaire « avec ou sans audience » pour :

… accorder une approbation ou un consentement ou rendre une décision qui peut être exigée pour n’importe lesquelles des questions prévues dans un permis.

À titre subsidiaire, les appelants ont fait valoir que, même si le processus ne relevait pas de l’article 21(2), ils avaient des droits procéduraux plus importants par renvoi à la doctrine de l’attente légitime et fondés sur des pratiques et des représentations antérieures de la Commission.

Pour les besoins du présent examen, je ne m’étendrai pas davantage sur ces motifs. Il suffit de dire que la Cour divisionnaire a jugé que le rapport final était en fait une ordonnance, ce qui signifie que la manière appropriée de procéder était de faire appel en vertu de l’article 33(1)[61]. Cependant, l’article 21(2) qui prévoit la tenue d’une audience a été annulé parce que l’affaire relevait de l’article 70(1.1) de la Loi[62]. En effet, il n’y a pas eu de déclenchement d’une attente légitime que certaines procédures soient suivies[63]. Par conséquent, pour obtenir gain de cause, les appelants ont dû fonder leurs demandes procédurales sur les critères de seuil et d’intensité de l’équité procédurale de la common law.

En ce qui concerne la norme de contrôle à appliquer au régime procédural de la Commission pour sa révision complète de la politique de raccordement aux poteaux, les parties avaient pris des positions opposées. Rogers affirmait un contrôle selon la norme de la décision correcte sans aucune déférence alors que la Commission soutenait que ses choix avaient droit à une « déférence importante[64] ».

En réponse, le juge Lederer[65] a d’abord cité deux jugements qui avaient été rendus sur cette question, l’un d’une Cour divisionnaire constituée différemment, et l’autre de la Cour d’appel fédérale.

Dans la décision post-Vavilov pour l’affaire Quadrexx Hedge Capital Management v Ontario Securities Commission, la Cour divisionnaire a reconnu la soumission à la révision de la décision correcte des questions d’équité procédurale, mais a ensuite reconnu qu’il n’y a :

… pas toujours une seule vue « juste » des procédures à suivre[66] [traduction].

Plus tôt, dans le jugement rendu avant l’arrêt Vavilov dans l’affaire Maritime Broadcasting System Limited c La guilde canadienne des médias, le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale avait présenté un argument solide en faveur de l’application de la norme de contrôle selon la décision raisonnable à l’examen des choix procéduraux des tribunaux et des organismes administratifs[67].

Le juge Lederer a ensuite[68] adopté un compromis qui, en fait, a distillé la position prise par la Cour divisionnaire :

Ce n’est pas qu’une norme de décision raisonnable s’applique. C’est que la norme de la décision correcte ne perçoit pas, en ce qui concerne la procédure, une réponse unique. Le tribunal concerné est le mieux placé pour déterminer la procédure appropriée. Le niveau de déférence est déterminé par l’application des facteurs énoncés dans l’affaire Baker c. Canada, en particulier :

Bien que cela ne soit bien sûr pas déterminant, un poids important doit être accordé au choix des procédures faites par l’organisme lui-même et à ses contraintes institutionnelles[69] [traduction].

Lorsque le juge Lederer revient pour appliquer cette norme aux procédures adoptées par la Commission, il commence[70] par citer un extrait de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Martineau c Comité de discipline de l’Institution de Matsqui qui établissait un spectre de prise de décisions aux fins d’évaluer le seuil et l’intensité des obligations d’équité procédurale[71]. À une extrémité, où il n’y avait aucune obligation d’équité procédurale, il s’agissait de décisions « de nature discrétionnaire et en fonction d’une politique » qui ne s’accompagnaient d’aucune obligation d’équité procédurale en vertu de la common law, tandis qu’à l’autre extrême, et nécessitant une panoplie complète d’équité procédurale, il s’agissait de décisions judiciaires ou adjudicatives. Entre les deux, il y avait une « myriade » d’autres formes de décisions engageant une gradation flexible de l’équité procédurale.

Il est intéressant de noter que le juge Lederer a situé cette révision de la politique dans le cadre d’une disposition qui permettait à la Commission d’agir avec ou sans audience, il ne s’est pas attardé à savoir si ce processus et son résultat étaient à l’extrémité « de nature discrétionnaire et en fonction d’une politique » du spectre et, en tant que tel, n’engageait aucune obligation d’équité procédurale. On a plutôt supposé que le seuil de l’équité procédurale avait été franchi et que ce qui était en jeu était l’intensité de cette obligation par rapport aux cinq facteurs Baker.

Parmi ces facteurs, cependant, le juge Lederer a clairement indiqué que, dans ce cas, les choix de procédure de la Commission avaient une « importance particulière[72] ». Il a ensuite cité deux autres arrêts de la Cour d’appel fédérale[73], dont le second[74], rendu par le juge d’appel Evans[75], dans lequel la position adoptée était que la « décision correcte » était la norme mais que le tribunal, en procédant à cette évaluation, « doit le faire en se montrant respectueux de[s] choix [de l’organisme]».

Comme l’a déjà dit le juge Lederer, cette notion de déférence ou de respect des choix procéduraux en tant que composante du contrôle selon la norme de la décision correcte est un compromis quelque peu gênant. Cela est encore souligné par l’incongruité d’une affirmation selon laquelle il n’y a pas nécessairement de réponses « correctes » ou « uniques » dans l’évaluation du degré d’équité procédurale requis, même si la norme formelle de contrôle est celle de la décision correcte. En réalité, ce qui semble se passer, c’est que le tribunal de révision évalue si, compte tenu des quatre premiers facteurs de Baker, les choix procéduraux discrétionnaires faits par l’organisme, de manière générale ou dans un cas particulier, entrent dans la gamme des possibilités équitables sur le plan procédural. Bien que cette formulation n’utilise pas spécifiquement le terme « raisonnable » ou « caractère raisonnable », elle porte toutes les marques d’une rose sous un autre nom.

Cela est encore souligné par l’évaluation du juge Lederer des procédures adoptées dans ce cas :

Il s’agit d’un cas où la déférence est due à la Commission de l’énergie de l’Ontario. Le processus est un équilibre entre les exigences de la révision et les intérêts des parties. La révision était nécessaire. Les frais par défaut sont restés inchangés pendant 10 ans. La contribution des parties concernées a été requise et obtenue par le biais du Groupe et des commentaires ultérieurs. Une assistance d’expert était nécessaire, et un consultant a été retenu et utilisé. En fin de compte, c’est à la Commission de l’énergie de l’Ontario qu’il incombait d’envisager et d’élaborer l’approche de raccordement aux poteaux. Un rapport préliminaire a été préparé. Des commentaires ont été sollicités et, seulement ensuite, un rapport final a été publié[76] [traduction].

Il conclut ensuite :

La déférence s’applique à la décision de la Commission de l’énergie de l’Ontario quant au processus qu’elle a adopté pour mener la révision de la politique. Le processus, tel qu’il a été adopté, tient compte et assure l’équilibre des facteurs énoncés dans l’affaire Baker c Canada d’une manière raisonnable et appropriée. Le processus faisant l’objet de l’appel, dans ses circonstances particulières, était équitable sur le plan de la procédure[77] [traduction].

Sans doute n’a-t-on pas entendu parler de l’approche à adopter pour évaluer la conformité des choix procéduraux des tribunaux avec les principes de l’équité procédurale. Ce qui devient cependant plus clair est que, même si la norme formelle de contrôle est celle de la décision correcte, les tribunaux et les organismes qui font des choix procéduraux raisonnables à la lumière des facteurs Baker ont droit à une déférence considérable lorsqu’ils sont contestés lors d’un contrôle judiciaire ou d’un appel prévu par la loi pour des raisons de procédure. Cela devrait être d’un grand réconfort pour les tribunaux et les organismes qui sont confrontés à la tâche de concevoir des moyens appropriés pour répondre aux demandes de droits de participation, surtout lorsque les questions en jeu sont d’une variété complexe et chargée sur la plan politique.

L’arrêt Vavilov et l’obligation de consulter et d’accommoder les peuples autochtones

Dans un excellent blogue en deux parties[78], Howard Kislowicz et Robert Hamilton abordent la question de savoir comment, le cas échéant, l’arrêt Vavilov a affecté la norme de contrôle à appliquer à la prise de décisions concernant les droits, les revendications et les intérêts des autochtones. Dans la première partie, ils examinent les appels prévus par la loi, et dans la seconde, le contrôle judiciaire.

Dans le cadre des appels prévus par la loi, la nouvelle norme s’appliquera. Sur les questions de droit « y compris les questions d’interprétation de la loi et celles concernant l’étendue de l’autorité du décideur », la décision correcte s’appliquera tout autant dans les cas soulevant des questions d’obligation de consulter et d’accommodement que dans les autres contextes d’appel. Il en va de même pour le critère de « l’erreur manifeste et domiante » pour les questions de fait ou les questions mixtes de droit et de fait. Cependant, en ce qui concerne cette deuxième branche du critère Housen, les auteurs suggèrent que, quelles qu’aient pu être les ambitions de la majorité dans l’arrêt Vavilov pour une révision plus intrusive lorsqu’une affaire est portée devant les tribunaux dans le cadre d’un appel légal, l’ironie est peut-être que pour les questions de fait et les questions mixtes de droit et fait, c’est l’inverse qui se produit. En effet, selon les auteurs, il semble probable que, dans le cadre d’un contrôle en appel des décisions administratives, les tribunaux de révision traiteront « l’erreur manifeste et dominante » comme une norme plus déférente que le caractère déraisonnable tel qu’il est appliqué à ces questions dans le cadre d’un contrôle judiciaire traditionnelle[79]. Comme le suggèrent les auteurs dans leur paragraphe de conclusion de la première partie, c’est comme si la majorité dans l’arrêt Vavilov avait réintroduit deux variétés de déférence rappelant l’ère pré-Dunsmuir, à savoir le caractère déraisonnable et le caractère manifestement déraisonnable. Était-ce vraiment le but ou l’intention de la majorité?

Et il faut reconnaître que cette question ne se pose pas pour de nombreux organismes de réglementation de l’énergie en raison du fait que la législation limite les appels de leurs décisions devant les tribunaux aux questions de droit et de compétence. Dans ce contexte, les questions cruciales tourneront autour de la portée des questions de droit et de compétence et du moment où une question de droit peut être facilement soustraite à une détermination mixte de fait et de droit[80].

Dans Vavilov, la majorité a articulé comme suit la portée de l’exception des questions constitutionnelles à la norme de la décision raisonnable des demandes de contrôle judiciaire :

L’examen des questions touchant au partage des compétences entre le Parlement et les provinces, au rapport entre le législateur et les autres organes de l’État, à la portée des droits ancestraux et droits issus de traités reconnus à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et à d’autres questions de droit constitutionnel nécessite une réponse décisive et définitive des cours de justice. Il faut donc continuer d’appliquer la norme de la décision correcte au moment d’examiner les questions de cette nature[81] [je souligne].

D’une manière générale, l’une des questions soulevées par cette déclaration est de savoir dans quelle mesure cette affirmation du contrôle selon la norme de la décision correcte s’applique, au-delà des pures questions de droit, aux questions de fait, aux questions mixtes de droit et de fait et à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Le poids des précédents, y compris l’obligation de consulter et d’accommoder la jurisprudence[82], et la réticence de la majorité dans l’arrêt Vavilov à s’ingérer[83] dans l’approche Doré c Barreau du Québec[84] en matière de contrôle judiciaire lorsque les droits, libertés et valeurs de la Charte sont en jeu semblent suggérer, bien que ce ne soit pas explicite, que la majorité n’étendait pas le contrôle selon la norme de la décision correcte à tous les aspects de ce type de décision. En d’autres termes, il ne s’agissait pas de rejeter le contrôle selon la norme de la décision raisonnable en ce qui concerne les questions mixtes de droit et de fait, de fait et de discrétion lorsque des questions constitutionnelles sont en jeu.

Néanmoins, comme le soutiennent Kislowicz et Hamilton[85], la Cour suprême n’a pas été un modèle de clarté en ce qui concerne les aspects de l’obligation de consulter et d’accommoder qui font l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte et les éléments pour lesquels le caractère déraisonnable avec déférence est la norme. Ils soulèvent également des questions quant à savoir si l’obligation de consulter et d’accommoder est correctement caractérisée comme relevant de la « portée des droits ancestraux et des droits issus de traités reconnus à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ». Bien que cela ne donne pas tout à fait crédit à la nature sophistiquée des arguments des auteurs, l’obligation de consulter et d’accommoder n’est-elle pas associée non seulement aux « droits » des peuples autochtones mais aussi à leurs revendications en cours? Je laisserai cette question fascinante pour un autre jour, mais ce faisant, je ferai remarquer que la caractérisation de la portée de l’exception des questions constitutionnelles à la présomption du contrôle selon la norme de la décision raisonnable de la majorité dans l’arrêt Vavilov inclut également « d’autres questions constitutionnelles ». Cependant, même cela ne peut être interprété comme excluant la possibilité d’une approche sui generis de la tâche qui consiste à tracer une ligne constitutionnellement appropriée entre le contrôle selon la norme de la décision correcte et de la décision raisonnable dans le domaine de l’obligation de consulter et d’accommoder. Et, en fin de compte, une telle solution semble être ce que recherchent les auteurs, une solution qui, pour eux, se résoudrait en faveur de la norme de la décision correcte pour certaines des zones d’incertitude en marge.

Avant ces blogues, la Cour d’appel fédérale avait rendu son arrêt dans lequel la deuxième approbation de l’expansion du pipeline TransMountain par le gouverneur en conseil était contestée par six groupes autochtones au motif que le processus du gouverneur en conseil n’avait pas respecté les obligations découlant de l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder les droits, les revendications et les intérêts des autochtones : Première Nation Coldwater c Canada (Procureur général)[86].

En réponse à la demande sur laquelle était fondée la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a affirmé (et toutes les parties étaient apparemment d’accord) que l’arrêt Vavilov n’avait pas modifié sensiblement les principes régissant le choix de la norme de contrôle appropriée[87]. Étant donné que l’approbation du gouverneur en conseil était survenue avant la demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale, il a été présumé que la norme de contrôle serait celle de la décision raisonnable[88]. De plus, étant donné que la « portée » de l’obligation de consulter n’était pas contestée, l’exception de la norme de la décision correcte relevée dans l’arrêt Vavilov, en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, n’a pas été déclenchée[89]. (Il convient de noter, en ce qui concerne le blogue, que la Cour a éludé la « portée » dans le contexte de l’étendue de l’article 35, et la « portée » en termes de détermination de la question de savoir si l’obligation de consulter et son étendue s’appliquait sans se demander si l’article 35 était le seul ou le principal lieu pour l’affirmation de l’existence de l’obligation de consulter et d’accommoder.)

Dans ce contexte, la Cour a également déclaré qu’il ne lui appartenait pas d’exprimer un avis quant à la pertinence de la consultation. Cela reviendrait à s’engager dans un contrôle déguisée selon la norme de la décision correcte[90]. À première vue, cela peut sembler une position assez particulière étant donné que la demande de contrôle judiciaire portait précisément sur la question de savoir si le gouverneur en conseil avait répondu adéquatement au jugement antérieur de la Cour d’appel fédérale[91] concluant à l’existence de défauts dans le processus de consultation qui avait précédé l’approbation initiale de l’expansion du pipeline. Cependant, la nuance devient apparente dans le paragraphe suivant où il y a une autre élision qui concerne cette fois le bien-fondé de la décision d’approbation et l’obligation de consulter et, peut-être, d’accommoder :

La Cour doit donc concentrer son attention sur la raisonnabilité de la décision du gouverneur en conseil, y compris l’issue et le justificatif. Il ne s’agit pas de savoir si le gouverneur en conseil aurait pu ou aurait dû arriver à une conclusion différente ni si les consultations auraient pu durer plus longtemps ou mieux se dérouler. Il s’agit de répondre à la question de savoir si la décision d’approuver le projet et le justificatif offert sont acceptables et défendables compte tenu de la législation applicable, de la preuve présentée à la Cour et des circonstances ayant une incidence sur le contrôle selon la norme de la décision raisonnable[92].

Ce qui reste incertain, cependant, c’est de savoir si ce repli de l’obligation de consulter dans l’évaluation du bien-fondé de l’approbation est destiné à signaler qu’il n’y a pas de place pour des contestations distinctes du caractère raisonnable, d’une part, du processus de consultation et, d’autre part, de la détermination de fond.

Par la suite, la Cour a appliqué l’approche contextuelle de l’arrêt Vavilov à la conduite du contrôle selon la norme de la décision raisonnable[93]. À cet égard, la Cour a reconnu l’insistance de l’arrêt Vavilov sur le fait que la toile de fond de cette évaluation doit commencer par les raisons de la décision et s’y concentrer[94]. Elle a également souligné la pertinence de l’identification par la Cour précédente de ce qui était nécessaire dans le cadre d’un « processus de consultation bref et efficace[95] » pour remédier aux lacunes du premier processus. Il s’en est suivi une liste et une application de celles qui, parmi les considérations contextuelles de l’arrêt Vavilov, étaient pertinentes pour une évaluation du second processus d’approbation.

Ici, la Cour a commencé avec la loi habilitante et son attribution implicite de la primauté au gouverneur en conseil, et non aux tribunaux, pour une détermination sur le fond incluant comme partie intégrante l’évaluation du caractère adéquat de la consultation[96]. Ensuite, la Cour est passée au droit concernant le contenu procédural de l’obligation de consulter[97], droit qui, dans un certain sens, correspondait aux normes d’équité procédurale en droit administratif, mais qui insistait sur le fait que, selon la norme de la décision raisonnable, la perfection n’était pas attendue[98]. Plus généralement, dans ce qui trouve des parallèles dans l’affaire Rogers Communications Canada Inc. v Ontario Energy Board[99], dont il a été question précédemment, les personnes ayant pris part à la conception et à la mise en œuvre du processus suivi devaient bénéficier d’une « marge de manœuvre[100] » ou, ce qui a été décrit dans d’autres formulations du contrôle selon la norme de la décision raisonnable, d’une « marge d’appréciation[101] ». D’autre part, le processus de consultation doit démontrer que « les droits revendiqués par les peuples autochtones » ont été « pris en compte et traités… de manière significative[102] ». D’autres mots et expressions tirés de la jurisprudence abondante ont ensuite suivi, la Cour ayant précisé ce qu’impliquaient les termes « significatif » et « raisonnable » : « bonne foi[103] », « dialogue[104] », « de se pencher sur les réelles préoccupations[105] ». Quant aux situations où une « consultation approfondie[106] » était nécessaire, la Cour a défini des étapes procédurales spécifiques mais non contraignantes :

  • la possibilité de présenter des observation;
  • la participation officielle à la prise de décisions;
  • la présentation de motifs montrant que les préoccupations des Autochtones ont été prises en compte et précisant quelle a été l’incidence de ces préoccupations sur la décision;
  • un mécanisme de résolution des différends tel que la médiation ou autre processus administratif doté de décideurs neutres[107].

Fournir un contexte ou encadrer tout cela[108] sont les objectifs énoncés dans l’arrêt fondateur de la Cour suprême du Canada sur l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder, Nation haïda c Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) :

[Qu’est-ce] qui est nécessaire pour préserver l’honneur de la Couronne et pour concilier les intérêts de la Couronne et ceux des Autochtones[?][109]

Il s’ensuit une longue analyse des concepts « d’honneur de la Couronne[110] » et de « réconciliation[111] ». Il convient de souligner que la Cour reconnaît continuellement la proposition selon laquelle un engagement envers la réconciliation :

… n’exige pas qu’on en arrive à une fin particulière[112].

Cela voudrait dire que les peuples autochtones :

… auraient en fait un droit de veto sur les projets tels que celui‑ci[113].

Cela a conduit la Cour à reconnaître qu’il fallait éviter d’imposer une norme trop stricte dans l’évaluation des consultations. Cela risquerait de créer un droit de veto de facto[114]. De plus, il en va de même dans le cadre du processus d’accommodement[115]. En passant, cependant, et j’y reviendrai plus tard, la question du droit de veto a refait surface avec l’introduction du projet de loi C-15 et sa prétendue incorporation dans la législation canadienne des droits et obligations énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La Cour a ensuite noté que l’approbation du gouverneur en conseil ne marquait pas la fin de l’obligation de consulter; il y aurait des obligations de consulter pendant toute la durée du projet[116]. De même[117], par rapport à la spécification de l’arrêt Vavilov sur l’importance de la décision en cours d’examen pour les personnes concernées en tant que facteur contextuel[118], il y avait la possibilité que le processus de consultation et d’accommodement puisse déboucher sur des « relations à long terme bénéfiques[119] » entre la Couronne et les groupes autochtones et, probablement aussi, les partisans.

Par la suite, la Cour d’appel a procédé à une analyse détaillée du processus qui avait été suivi en réponse aux lacunes relevées dans le précédent jugement de la Cour d’appel. Je ne m’attarderai pas à cet examen dans ce contexte. Cependant, les conditions de la décision finale de la Cour sont pertinentes pour comprendre comment cette Cour a conçu l’approche du contrôle selon la norme de la décision raisonnable avec déférence :

Comme le gouverneur en conseil l’a expliqué dans les attendus du décret et la note explicative, et comme le démontre le dossier dont sous somme saisis, le gouverneur en conseil pouvait, de façon raisonnable, conclure qu’on avait corrigé convenablement les lacunes limitées que notre Cour avait signalées [lors du contrôle judiciaire précédent] et qu’il y avait eu une consultation raisonnable et véritable.

En reconnaissance de l’admonition de Vavilov selon laquelle le contrôle selon la norme de la décision raisonnable devrait commencer par les motifs, il convient également de noter que l’évaluation par la Cour de la question de savoir si la décision du gouverneur en conseil était raisonnable commence par la proposition suivante :

Les explications du gouverneur en conseil ne révèlent pas d’erreur de raisonnement ou de logique semblable à celles que la Cour suprême mentionne dans Vavilov[120].

Il suffit de dire en conclusion que le modèle de la Cour pour la conduite du contrôle selon la norme de la décision raisonnable des questions de consultation et d’accommodement fournit une base éminemment pratique pour les futurs tribunaux traitant de ces questions conformément à l’esprit de Vavilov. Certes, il peut rester des problèmes quant à l’emplacement précis de la ligne de démarcation entre le contrôle selon la norme de la décision correcte et celle de décision raisonnable dans ce contexte. Cependant, à aucun moment de l’élaboration de la révision de décision raisonnable par renvoi à plusieurs des facteurs contextuels de Vavilov la Cour ne succombe-t-elle à la tentation d’un contrôle selon la norme de la décision correcte déguisée. La pomme pendouillait, mais elle a été reconnue et personne ne l’a croquée.

Dérogation législative

Dans la revue de l’année dernière, j’ai cité le blogue de Nigel Bankes[121], dans lequel il critiquait le fait que l’arrêt Vavilov soumette les appels prévus par la loi des décideurs administratifs au contrôle selon la norme de la décision correcte sur des questions de droit, et, plus généralement, aux normes de contrôle des tribunaux d’appel pour les jugements en matière de droit civil, tel qu’il est défini dans l’affaire Housen c Nikolaisen. Par principe, cela était malavisé et soulèverait de toute façon ses propres problèmes d’application. Le professeur Bankes a cependant reconnu que la majorité dans l’arrêt Vavilov avait laissé la place à une précision législative d’autres normes de révision pour les appels prévus par la loi[122].

Dans la foulée immédiate de Vavilov, les législateurs ne se sont pas précipités pour accepter cette offre. Cependant, il y a un exemple en Alberta qui a un impact tangentiel sur le droit et la réglementation de l’énergie. L’article 19 de la partie 4 – Appel et révision judiciaire de la Land and Property Rights Tribunal act[123], une loi qui fusionne en un seul tribunal quatre tribunaux de réglementation foncière auparavant séparés (y compris le Surface Rights Board[124]), prévoit :

Lors d’une demande de contrôle judiciaire ou d’autorisation d’appel d’une décision ou d’une ordonnance du Tribunal ou lors d’un appel d’une décision ou d’une ordonnance du Tribunal, la norme de contrôle à appliquer est celui de la décision raisonnable [traduction].

Ce qui est immédiatement frappant dans cette disposition, c’est son application d’une norme universelle de décision raisonnable dans tout le spectre de contrôle judiciaire des décisions du Tribunal en vertu de la Loi : contrôle judiciaire, appels prévus par la loi et même demandes d’autorisation d’appel. L’une des conséquences est que, dans le domaine des appels prévus par la loi, l’arrêt Vavilov est par voie législative annulé. Cela signifie que non seulement sur les questions de droit pure, mais aussi sur les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait, l’arrêt Housen c Nikolaisen[125] ne sera plus applicable. La norme de la décision raisonnable sera la norme universelle; il ne s’agira pas de la norme de la décision correcte sur des questions de droit pur ou d’une « erreur manifeste et dominante » pour les questions de fait, de discrétion et mixtes de droit et de fait.

Cependant, cette imposition d’une norme universelle de la décision raisonnable soulève une autre question plus générale : Qu’il s’agisse d’appels prévus par la loi ou de demandes de contrôle judiciaire, est-il constitutionnellement admissible pour un législateur de substituer le contrôle selon la norme de la décision raisonnable au contrôle selon la norme de la décision correcte en ce qui concerne les catégories de l’arrêt Vavilov pour lesquelles la décision correcte est la norme de contrôle appropriée :

les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs[126].

Il reste à voir, si et quand cette question se posera dans le contexte du Tribunal des droits fonciers et de propriété, comment une cour de révision y répondra.

Il est intéressant de noter que dans le domaine fédéral, dans le projet de loi C-11, dont la partie 2 est la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données, la section 102(2) prévoit que, pour les appels au Tribunal, la norme de contrôle pour les questions de droit sera la décision correcte, et, pour les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait, « l’erreur manifeste et dominante » – un mandat législatif de la norme de révision des appels civils dans Housen c Nikolaisen. Le projet de loi ne dit rien sur la norme de contrôle à appliquer par la Cour fédérale aux demandes de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. Si cette disposition est adoptée dans sa forme actuelle, cela soulèvera sans aucun doute des questions quant à savoir si le rôle de la cour de révision sera d’évaluer la décision en appel en se référant aux mêmes normes que le Tribunal lui-même était tenu d’appliquer ou si le Tribunal aura droit à la présomption d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable non seulement pour sa détermination des questions de droit mais aussi pour ses décisions sur des questions mixtes de fait et de droit.

Il convient également de noter les recommandations du rapport final de janvier 2021 du Groupe de travail sur la modernisation des marchés financiers de l’Ontario. En proposant qu’il y ait un tribunal d’arbitrage séparé établi dans le cadre de la réglementation des valeurs mobilières en Ontario[127], le Groupe de travail, en référence à l’arrêt Vavilov, recommande de rétablir la décision raisonnable comme norme de contrôle pour les questions de droit dans tout appel devant les tribunaux des décisions du tribunal recommandé[128]. Cette formulation laisse alors de côté la question de savoir si la norme de contrôle pour les questions de fait, de discrétion ou mixtes de droit et de fait serait également la norme de la décision raisonnable, ou la norme Housen c Nikolaisen d’erreur manifeste et dominante.

Il est intéressant de noter que le Groupe de travail ne fait pas référence à cette question mais indique clairement que la norme de contrôle prévue par la loi ne devrait pas s’appliquer aux questions de justice naturelle ou d’équité procédurale, ni à aucune des catégories existantes de décision correcte fondées sur la primauté du droit de l’arrêt Vavilov.[129] Cela permet au moins d’éviter la question posée ci-dessus en ce qui concerne la désignation de la norme de contrôle dans la Loi établissant le Land and Property Rights Tribunal de l’Alberta.

Il reste maintenant à voir si l’initiative albertaine ou des versions de celle-ci sont reprises par rapport à d’autres tribunaux et organismes (y compris les organismes de réglementation de l’énergie), non seulement dans cette province mais aussi plus largement dans tout le Canada. Cependant, si un territoire de compétence souhaite un retour à la position d’avant l’arrêt Vavilov, Nigel Bankes[130], en se référant à l’Alberta Utilities Commission, a une solution élégante :

Norme de contrôle en appel

29A Nonobstant l’utilisation du mot « appel » dans l’article 29, la Cour d’appel applique à un appel la même norme de contrôle que celui qui s’appliquerait à une demande de contrôle judiciaire en vertu de la partie 3, section 2 des Règles de procédure de la Cour. [traduction]

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES ET RÉGLEMENTATION DE L’ÉNERGIE

Ce n’est pas seulement en ce qui concerne l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder, que les organismes de réglementation de l’énergie doivent faire face aux questions qui touchent les peuples autochtones. En 2020, ce point a été souligné dans deux contextes assez différents, mais pas totalement sans rapport, que j’aborderai dans cette section.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (« DNUDPA »)

De diverses façons, depuis son adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007, la DNUDPA a occupé une place importante dans le discours sur l’avenir de la réglementation de l’énergie au Canada. Les dispositions de la DNUDPA relatives au « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » ont été le principal point chaud. L’article 19 prévoit ce qui suit :

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés – par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives – avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause [je souligne].

De même, par l’article 32, les États s’engagent :

… [à] consult[er] les peuples autochtones concernés et [à] coop[érer] avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.

Ce sont ces dispositions qui ont conduit au refus initial du Canada de souscrire à la Déclaration. La principale préoccupation était que, si elles étaient incorporées dans le droit canadien, elles donneraient en fait aux peuples autochtones un droit de veto sur l’approbation administrative ou législative de tout projet ayant des répercussions sur leurs droits, leurs revendications et leurs intérêts. L’exigence apparente de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » l’emporterait sur la position adoptée par la Cour suprême du Canada selon laquelle l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder ne confère pas aux peuples autochtones un droit illimité de refuser de consentir à tout projet qui touche leurs droits en vertu de l’article 35 et d’autres droits constitutionnels.

Cependant, malgré la perpétuation de ces préoccupations quant à l’impact de l’adoption de la DNUDPA dans le cadre du droit interne canadien, le Canada a finalement approuvé la Déclaration en 2010 de façon nuancée. Cinq ans plus tard, le programme électoral des libéraux promettait la mise en œuvre de la Déclaration, ce qui a été réitéré lors de la campagne électorale de 2019. Entre-temps, en 2016, le Canada avait inscrit un appui sans réserve à la Déclaration aux Nations Unies. Par la suite, la Colombie-Britannique a promulgué une loi intégrant la Déclaration dans son droit[131]. À Ottawa, un projet de loi émanant des députés [132] visant à intégrer la Déclaration dans le droit canadien avait été adopté par la Chambre des communes en 2018, mais il est finalement mort au feuilleton lorsque le Parlement a été dissous lors du déclenchement des élections à l’automne 2019.

Puis, finalement, le 3 décembre 2020, le gouvernement a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[133].

Dans le résumé du ministère de la Justice annexé au projet de loi, il est indiqué que, lorsqu’il sera promulgué, le Canada s’engagera à « prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles » avec la Déclaration. L’article 4(a) prévoit ensuite que la législation a notamment pour objet :

de confirmer que la Déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application dans le droit canadien.

Cela fait suite et semble aller un peu plus loin que l’un des nombreux attendus du préambule de la Loi :

Attendu qu’il y a lieu de confirmer que la Déclaration est une source d’interprétation du droit canadien [je souligne].

Cependant, le ministère de la Justice[134], dans son entrée sur le site Web expliquant le projet de loi et ses objectifs, semblait considérer que l’impact du projet de loi ne donnait pas effet à l’exigence du « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».

Des renvois au « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » figurent dans l’ensemble de la Déclaration. Cette expression souligne l’importance de reconnaître et d’assurer le respect des droits des peuples autochtones et de veiller à ce que les peuples autochtones participent effectivement et de manière significative aux décisions qui les concernent, ainsi que leurs communautés et territoire.

… Une fois adopté, ce projet de loi ne modifierait pas l’obligation actuelle du Canada de consulter les groupes autochtones ou les autres obligations de consultation et de participation énoncées dans d’autres mesures législatives, comme la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact.

Lors d’une séance d’information technique sans attribution pour la presse, un haut fonctionnaire du gouvernement aurait déclaré de façon assez remarquable :

… le projet de loi n’est pas écrit pour faire de la DNUDPA une partie du droit fédéral canadien, mais désigne plutôt la Déclaration comme un instrument des droits de la personne que les gouvernements et les tribunaux peuvent utiliser pour guider l’élaboration et l’interprétation du droit canadien[135] [traduction].

Quoi qu’il en soit, le ministre de la Justice aurait dit à la presse :

… une consultation significative est ce qui est incarné dans le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Le mot « veto » n’existe pas dans le document[136] [traduction].

Cependant, comme l’indique un éditorial du Globe and Mail :

Le problème est que le mot « consentement » a un sens. Il signifie normalement le pouvoir de dire oui ou non, point final[137] [traduction].

Néanmoins, je suppose qu’une interprétation tendancieuse des dispositions pertinentes de la Déclaration pourrait cependant être que les mots « en vue d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » devraient être lus comme « s’efforcer de bonne foi d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » ou « dans le but d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ». Ainsi, par exemple, les obligations imposées par le projet de loi pourraient être considérées comme ne donnant pas de droit de veto mais permettant de perpétuer les principes existants de la Cour suprême concernant l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder. Toutefois, à mon avis, cela pourrait être trop ambitieux. Ce qui est également clair, c’est que si le projet de loi devient une loi, il y aura presque inévitablement des procédures réglementaires et des litiges dans lesquels les groupes autochtones demanderont aux organismes de réglementation et aux juges leur version de la signification de la formulation critique et que cela crée en fait un pouvoir de veto.

L’honneur de la Couronne – Au-delà de l’obligation de consulter et d’accommoder

Dans l’affaire Fort McKay First Nation v Prosper Petroleum Ltd. [138], la Première Nation a fait appel d’une décision de l’Alberta Energy Regulator (AER) approuvant (sous réserve de l’autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil[139]) un projet de récupération du bitume qui serait situé à proximité des réserves de Moose Lake de la Première Nation. La Première Nation a fait valoir que l’AER avait refusé à tort d’examiner si l’honneur de la Couronne exigeait que le projet ne soit pas approuvé avant la conclusion des négociations en cours entre la Première Nation et le gouvernement de l’Alberta sur la création d’un plan de gestion de l’accès à Moose Lake (PGAML) « pour traiter des effets cumulatifs de l’exploitation des sables bitumineux sur les huit droits issus de traités de la Première Nation[140] »[traduction].

En ce qui concerne la procédure, Prosper[141] et l’Alberta[142] ont fait valoir que la question de savoir si l’honneur de la Couronne était engagé et si la décision touchait à l’honneur dépassait la compétence de l’AER. L’article 21 de l’Energy Development Act[143] stipule que l’AER n’a pas compétence pour examiner l’adéquation de la consultation de la Couronne dans les affaires qui lui sont soumises. La raison de cette disposition était l’attribution de cette responsabilité et, plus généralement, de la gestion des consultations à l’Aboriginal Consultation Office[144].

Cependant, la Cour d’appel a déterminé que cela ne dispensait pas l’AER d’examiner d’autres « questions pertinentes concernant les peuples autochtones[145] » [traduction] découlant de son mandat. Dans la mesure où la Première Nation invoquait l’honneur de la Couronne, bien que l’honneur de la Couronne ne donne pas lieu à une « cause d’action indépendante[146] » [traduction], il ne se limitait pas à assurer l’accomplissement de l’obligation de consulter. Il a été reconnu comme pertinent dans trois autres situations[147]. Il peut donner lieu à une obligation fiduciaire lorsque la Couronne « assume des pouvoirs discrétionnaires à l’égard d’un intérêt autochtone particulier ». Il « régit l’élaboration et la mise en œuvre de traités ». Il « exige également que la Couronne agisse de manière à atteindre l’objectif visé par les traités et les concessions d’origine législative accordées aux peuples autochtones ». De plus, il ne s’agissait pas d’un cas où la Première Nation s’appuyait sur l’obligation de consulter. En ce qui concerne les trois autres situations liées à l’honneur de la Couronne, la Première nation fondait sa revendication sur l’affirmation qui engageait la mise en œuvre des obligations contenues dans le Traité 8[148]. Cela mis à part, ses revendications avaient un fondement plus large dans le sens où la Première Nation affirmait, sur la base du principe de réconciliation, que l’AER aurait dû évaluer « si le processus du PGAML était pertinent pour déterminer si le projet était dans l’intérêt du public[149] » [traduction]. La Cour a également rejeté l’argument selon lequel ces questions étaient du ressort du Cabinet lorsqu’il s’agissait de déterminer s’il devait donner effet à l’approbation du projet par l’AER[150].

Comme l’AER n’avait jamais abordé ces questions[151], la ligne de conduite appropriée était de renvoyer l’affaire pour réexamen en tenant compte de « l’honneur de la Couronne et du PGAML[152] » [traduction].

Dans son accord, la juge Greckol est allée un peu plus loin que les deux autres membres de la Cour d’appel. Selon elle, la Première Nation avait établi que l’honneur de la Couronne en ce qui concerne la mise en œuvre du traité avait été engagé[153]. La majorité a préféré laisser à l’AER le soin de réexaminer la question du seuil, un réexamen qui se ferait sur la base d’un dossier de preuve complet qui n’a pas encore été élaboré[154].

La confiance en l’honneur de la Couronne a également fait surface dans le contexte d’une décision de l’Alberta Utilities Commission (AUC) qui a donné l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour d’appel : AltaLink Management Ltd. v Alberta Utilities Commission[155]. Le litige est né de la cession par AltaLink d’une participation dans une partie d’une ligne de transport d’électricité à deux Premières Nations. Ce transfert a entraîné des frais d’audit et d’audience annuels supplémentaires en raison du partenariat entre AltaLink et les deux Premières Nations. En approuvant le transfert, la Commission a décidé que ces coûts supplémentaires ne devaient pas être assumés par les contribuables mais par le partenariat. Cette décision a été contestée notamment parce qu’elle ne respectait pas l’honneur de la Couronne. L’AUC, a-t-on affirmé, aurait dû agir sur une base plus globale et en se référant particulièrement à l’intérêt public dans la création de tels partenariats entre les services publics réglementés et les Premières Nations[156]. Fondamentalement, l’affirmation était que l’intérêt public dans de tels efforts de réconciliation devrait conduire à ce que les coûts supplémentaires soient assumés par les contribuables, et non par le partenariat.

Si cet appel aboutit, cela pourrait très bien laisser présager des appels plus fréquents à l’honneur de la Couronne dans les procédures réglementaires mettant en cause les droits, les revendications et les intérêts des peuples autochtones. Le processus, non pas au sens de la mécanique de la consultation mais du canevas sur lequel se déroule cette prise de décision (l’éventail des facteurs pertinents), pourrait s’étendre considérablement.

AUTRES QUESTIONS RELATIVES AU PROCESSUS ET AUX MESURES CORRECTIVES

Demandes d’autorisation d’appel

En accordant l’autorisation d’appel dans l’affaire AltaLink Management Ltd. v Alberta Utilities Commission[157], le juge Strekaf a fait référence aux cinq facteurs que la Cour d’appel de l’Alberta a généralement pris en compte pour déterminer s’il fallait accorder l’autorisation d’appel d’une décision de réglementation de l’énergie[158] et, peu de temps après, a fourni les raisons pour lesquelles la demande avait été acceptée. Cela contraste fortement avec certains autres arrêts de juges uniques de la Cour sur des demandes d’autorisation, en particulier dans les cas où l’autorisation est refusée.

L’arrêt du juge Watson dans l’affaire FortisAlberta Inc. v Alberta (Utilities Commission)[159] illustre bien ce contraste. En se concentrant largement sur le troisième critère (« le recours vaut prima facie d’être instruit ») de la liste des considérations pertinentes, le juge Watson[160] a procédé à ce qui était à toutes fins utiles un examen approfondi, fondé sur la jusridprudence, du bien-fondé du principal motif sur lequel l’autorisation d’interjeter appel a été demandée.

Il est intéressant de se demander si l’objectif d’imposer une obligation d’autorisation légale est bien servi par un examen aussi approfondi du bien-fondé. Dans la mesure où cela permet aux demandeurs de comprendre pourquoi ils risquent de perdre sur le fond des motifs pour lesquels ils demandent l’autorisation, cela peut peut-être être justifié dans le sens où des motifs adéquats, même s’ils ne viennent pas de la personne avec laquelle vous vouliez traiter votre appel, peuvent apaiser la déception du perdant. Cela peut également servir à souligner que, si les motifs de première instance étaient discutables, il y avait néanmoins d’autres très bonnes raisons pour lesquelles le demandeur avait mérité de perdre en première instance. Cela aussi peut rendre plus acceptable le refus de l’accès à un appel en bonne et due forme.

D’autre part, à l’avenir, dans la mesure où le juge des requêtes se prononcera sur le fond de l’affaire, il y aura, si la même question se pose à nouveau, des questions quant à la valeur de précédent de ces prononcés. Il faut également se demander dans quelle mesure la longue élaboration de motifs pour accorder ou refuser l’autorisation d’interjeter appel constitue une utilisation appropriée du temps judiciaire, étant donné que les dispositions relatives à l’autorisation d’interjeter appel sont généralement perçues comme un filtre contre les appels ayant peu ou pas de chance d’atteindre le niveau suivant. Si l’affaire ne mérite pas le temps de la Cour d’appel, pourquoi un tiers ou plus de ce temps devrait-il être transféré juge des autorisations ou repris par celui-ci pour un exposé en détail du bien-fondé des motifs d’appel?

Soulever de nouvelles questions lors d’une demande de contrôle judiciaire ou d’un appel prévu par la loi

Comme mentionné précédemment, l’affaire Planet Energy (Ontario) Corp. v Ontario Energy Board[161] a soulevé la question de savoir si la Commission avait imposé une pénalité administrative hors délai. L’article 112.5(2) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario[162] stipule :

La Commission ne doit pas rendre d’ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l’égard d’une contravention plus de deux ans après celle des dates suivantes qui est postérieure à l’autre :

a) la date à laquelle la contravention a été commise;

b) la date à laquelle les preuves de la contravention ont été portées pour la première fois à la connaissance de la Commission.

Planet Energy n’avait pas soulevé cette question lors de l’audience devant la Commission étant donné que le délai de prescription n’avait pas expiré, et ne l’avait fait que lorsque la décision de la Commission était encore en suspens. Cela a conduit Planet Energy à soutenir que la situation était une exception au principe normal selon lequel toutes les questions doivent être soulevées devant le décideur administratif; que ni sur une demande de contrôle judiciaire ni, comme ici, sur un appel prévu par la loi[163], elles ne pouvaient être avancées pour la première fois devant la cour de révision.

En rejetant cet argument[164], la juge Swinton a exposé les motifs qui sous-tendent la position acceptée. Permettre que l’affaire soit plaidée pour la première fois devant la cour de révision signifierait que la cour irait à l’encontre du choix du législateur de laisser ces questions en première instance à la décision de la Commission ou du tribunal. Cela signifierait également que la cour de révision ne bénéficierait pas de la position de la Commission ou du tribunal sur la question contestée. Enfin, dans certains cas, cela pourrait nuire à la capacité de l’intimé à présenter des preuves pertinentes et conduire le tribunal à devoir examiner l’affaire en se fondant sur un dossier incomplet[165].

En réponse à la demande de Planet Energy de traiter cette situation comme une situation exceptionnelle, la juge Swinton a rejeté un argument basé sur le temps que la Commission prend normalement pour rendre une décision. La norme de rendement sur laquelle l’avocat s’est basé était pour le tarif, et non pour la procédure d’application[166]. Deuxièmement, elle a reproché à l’appelante de ne pas avoir attiré l’attention de la Commission sur le problème potentiel à l’approche de l’expiration du délai de prescription[167]. Alternativement, l’appelant aurait pu demander à la Commission de reconsidérer sa décision, comme le prévoit la Loi[168]. À cet égard, la Cour a rejeté comme principe général la position prise par la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Alberta Power Ltd. v Alberta (Public Utilities Board)[169] selon laquelle l’existence d’un pouvoir de réexamen ou de révision n’empêchait pas l’exercice d’un droit d’appel devant les tribunaux. Dans les circonstances de cette procédure, un réexamen aurait dû être demandé. Enfin[170], la juge Swinton a rejeté l’argument selon lequel une exception devrait être faite étant donné que ce qui était en jeu était une « pure question de droit » sur laquelle, depuis l’arrêt Vavilov, la norme de contrôle serait celle de la décision correcte. Même en admettant qu’il s’agisse d’une pure question de droit soumise à la norme de la décision correcte, cela ne tenait pas compte du fait que :

… la Commission est un tribunal expert et hautement spécialisé qui peut aider la Cour dans l’exercice de l’interprétation des lois en fournissant un contexte et une considération des diverses interprétations[171] [traduction].

Quoi qu’il en soit, elle a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une pure question de droit puisque, par référence à la disposition sur la prescription, il fallait déterminer à quel moment, en fait, la Commission disposait de la preuve de la contravention en question[172].

Pour étayer cette analyse, la juge Swinton a noté que l’article n’avait jamais été interprété par la Commission et a décrit certaines des difficultés pour donner un sens ou un effet à ce qu’elle a décrit comme une « disposition inhabituelle[173] ». Néanmoins, le rejet par la Cour divisionnaire des arguments de l’appelant sur cette question me semble se jouer dans un mouchoir de poche. Cependant, il illustre certainement comment la déférence à l’égard des prérogatives décisionnelles d’un organisme de réglementation fondées sur le choix législatif de l’instrument de réglementation peut jouer un rôle dans l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de procédure et de redressement sur les contrôles judiciaires et les appels prévus par la loi des tribunaux et des organismes.

La distinction faite par la juge Swinton concernant l’arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire Alberta Power Ltd. soulève également la question de savoir si, lorsqu’il y a accès à un contrôle ou à un réexamen au sein du tribunal, le point de départ devrait être que ces avenues coexistent; que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, le choix de renoncer à la possibilité de révision ou de réexamen et de procéder directement à un contrôle judiciaire ou à un appel prévu par la loi devrait être celui de la partie perdante. À un moment donné, cela mérite une évaluation judiciaire plus développée des motifs pour lesquels les principes d’épuisement des voies de recours internes ne s’appliquent pas aux dispositions de contrôle et de réexamen.

Il est également pertinent de rappeler que, comme indiqué précédemment, dans l’affaire Enbridge Gas v Ontario Energy Board[174], les juges Swinton et Favreau ont permis qu’une question soit soulevée pour la première fois dans un appel de la Commission devant la Cour. La question qui se pose ici est de savoir si, en matière de fixation des tarifs, le moment où le service public applique ses tarifs doit être un facteur dans la fixation des tarifs définitifs et, plus particulièrement, si la date à partir de laquelle les tarifs définitifs doivent entrer en vigueur ne doit pas nécessairement correspondre à la date fixée plus tôt pour le commencement des tarifs provisoires.

Après une longue citation[175] de Planet Energy, les juges Swinton[176] et Favreau ont statué, en s’appuyant sur l’arrêt du juge Rothstein dans l’affaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association[177], que cette situation devait être traitée comme une situation exceptionnelle même si « l’appelant aurait dû soulever la question devant la CEO[178] » [traduction]. Tout d’abord, la question de savoir si le moment de la demande était un facteur pertinent pour fixer la date à partir de laquelle les taux définitifs s’appliquaient a été décrite comme une question de droit sur laquelle il n’y avait pas de faits contestés. Deuxièmement, il s’agit d’une question que la Commission avait déjà abordée dans des affaires précédentes et pour laquelle elle a estimé que, d’un point de vue juridique, le moment de la demande était un facteur pertinent. En d’autres termes, la Cour a pu bénéficier de la justification la Commission sur cette question. « Plus important encore[179] » [traduction], la récurrence du problème après trois décisions précédentes a soutenu la proposition selon laquelle le moment était venu de trouver une solution définitive. Pour soutenir la règle normale, la juge Swinton a toutefois souligné que cela ne devait en aucun cas être interprété comme une invitation à contourner la Commission. Il s’agissait d’une question impliquant des « circonstances uniques[180] » [traduction].

Quand renvoyer une cause

L’une des questions collatérales examinées par la majorité dans l’arrêt Vavilov[181] était la question de savoir quand une cour de révision devrait simplement annuler une décision et ne pas renvoyer l’affaire au décideur pour qu’il la détermine conformément aux motifs fournis par la cour de révision ou d’appel. Normalement, le respect des prérogatives décisionnelles du défendeur dicte que le renvoi pour réexamen est la ligne de conduite appropriée. De plus, comme nous l’avons vu dans la discussion précédente sur Hydro One Networks Inc. v Ontario Energy Board[182], le renvoi au sens formel est exigé par l’article 33(4) de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario[183].

Cependant, la majorité dans l’arrêt Vavilov a ensuite accepté qu’il existe des situations dans lesquelles un renvoi :

… fait échec au souci de résolution rapide et efficace d’une manière telle qu’aucune législature n’aurait pu souhaiter[184].

L’affaire Nation Rise Wind Farm Limited Partnership v Ontario (Minister of the Environment, Conservation and Parks)[185], un jugement de la Cour divisionnaire de l’Ontario post-Vavilov, fournit un exemple de ce type dans un contexte de réglementation de l’énergie.

Il s’agissait d’un appel auprès du ministre d’une décision de la Commission de révision environnementale de l’Ontario donnant l’approbation réglementaire à un grand projet d’énergie éolienne. Le ministre a accueilli l’appel et a révoqué l’approbation réglementaire au motif que le projet causerait des dommages catastrophiques à une colonie de chauves-souris. Sur une demande de révision judiciaire de la décision du ministre, la Cour divisionnaire[186] a jugé que le ministre n’avait pas le droit de soulever une question qui n’était pas en jeu devant la Commission et qui n’avait pas été soulevée dans les observations des parties à l’appel. Selon la norme de la décision raisonnable, le ministre avait mal compris l’étendue de son rôle et, selon le dossier, il n’y avait aucune preuve à l’appui de sa conclusion factuelle quant au préjudice qui serait subi par la colonie de chauves-souris[187]. Il n’avait pas non plus agi de manière équitable sur le plan de la procédure à plusieurs égards[188].

La Cour a ensuite examiné la mesure corrective appropriée conformément aux directives fournies par les juges majoritaires dans l’arrêt Vavilov[189]. Cela a conduit la Cour à déterminer qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’annulation et de renvoi au ministre pour une nouvelle détermination conformément aux motifs de la Cour. La décision du ministre devrait plutôt être simplement annulée, ce qui aurait pour effet de rétablir la décision initiale de la Commission.

La Cour a fourni plusieurs motifs pour cette position qui se sont combinés pour justifier la détermination discrétionnaire :

  1. Étant donné que le ministre n’a pas le pouvoir de statuer sur l’appel pour des motifs non soulevés par les parties, il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire au ministre simplement pour remédier à ce défaut.
  2. Même si le ministre avait le pouvoir de prendre en compte le sort des chauves-souris, il n’y avait aucune preuve dans le dossier soutenant son pronostic désastreux quant à leur sort.
  3. De plus, le ministre avait clairement indiqué que la seule raison pour laquelle il avait accepté l’appel était à cause des chauves-souris.
  4. Enfin, et s’appuyant sur l’approbation par la majorité dans l’arrêt Vavilov du « besoin urgent de régler le différend » comme considération pertinente, la Cour a fait référence aux pressions d’achèvement auxquelles le projet était confronté de la part de l’exploitant indépendant du service d’électricité et à la possibilité d’annulation du projet même si le ministre rejetait l’appel lors d’un réexamen.

Compte tenu de toutes ces considérations, la Cour divisionnaire a clairement eu raison de simplement annuler la décision du ministre, le message implicite étant que cette décision ne laisse aucune marge de manœuvre au ministre pour tenter de reconsidérer sa propre initiative.

  1. Je suis reconnaissant des interactions avec Paul Daly, ancien juge d’appel, John Evans et David Stratas, juge d’appel, qui m’ont tous deux fourni des informations essentielles pour la rédaction de cet article.* David J. Mullan, Professeur émérite, Faculté de droit, Queen’s University.
  2. 2017 MBCA 98, 416 DLR (4th) 385, autorisation de pourvoi à la CSC accordée, [2017] SCCA 462 (QL). L’une des questions dans cette affaire est de savoir si, dans le cadre d’un appel d’un contrôle judiciaire, la Cour d’appel doit appliquer les normes applicables aux appels d’une juridiction inférieure dans une affaire civile, continuer à être sur une base de novo ou de décision correcte, ou une autre combinaison sui generis. Il est prévu que l’affaire soit plaidée le 16 février 2021.
  3. 2019 CSC 65 [Vavilov].
  4. Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66 [Bell], et, remis le lendemain, Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67.
  5. Pour une autre évaluation, voir Shaun Fluker, « Vavilov and the Judicial Review of Natural Resources, Energy, and Environmental Decisions in Canada » (2020) 123 Ressources 1, en ligne : <ssrn.com/abstract=3702774>.
  6. À commencer par l’excellent et toujours convaincant blogue de Nigel Bankes, « Statutory Appeal Rights in Relation to Administrative Decision-Maker Now Attract an Appellate Standard of Review : A Possible Legislative Intervention » (3 janvier 2020), en ligne (blogue) : Ablawg <ablawg.ca/wp-content/uploads/2020/01/Blog_NB_Vavilov.pdf>.
  7. 2002 CSC 33.
  8. Voir, en particulier, la présentation de Cristie Ford, « Vavilov’s First Birthday » (5 janvier 2021) à 01h:21m:20s, en ligne (vidéo) : Youtube <youtu.be/TPEgXuoXqqw?t=4880> (La conférence a été organisée le 18 décembre 2020 par le professeur Paul Daly de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa).
  9. Voir par ex Jonathan Drance, Glenn Cameron et Rachel Hutton, « L’arrêt Vavilov de la CSC : Augmentera-t-il le risque réglementaire » (2020) 8:4 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 69, en ligne (pdf) : ERQ <www.energyregulationquarterly.ca/wp-content/uploads/2020/12/ERQ_Volume-8_Num%C3%A9ro-4-2020.pdf>.
  10. Vavilov, supra note 3 aux para 12, 13, 67, 72, 138.
  11. Ibid au para 124.
  12. Ibid aux para 65–68, 109–11.
  13. Ibid aux para 116–22.
  14. David Mullan, « Judicial Scrutiny of Administrative Decision Making: Principled Simplification or Continuing Angst? » (2020) 50 Adv Q 423 à la p 453.
  15. Supra note 4.
  16. Paul Daly, « Rates and Reserves: Manitoba (Hydro-Electric Board) v. Manitoba (Public Utilities Board), 2020 MBCA 60 » (13 octobre 2020), en ligne (blogue) : Administrative Law Matters <www.administrativelawmatters.com/blog/2020/10/13/rates-and-reserves-manitoba-hydro-electric-board-v-manitoba-public-utilities-board-2020-mbca-60/>.
  17. 2020 MBCA 60.
  18. CPLM c P280.
  19. CPLM c H190, arts 39(2.1)-(2.2).
  20. Patrick Duffy, « Manitoba Hydro v Manitoba Public Utilities Board: Annulation de la décision relative aux tarifs réduits pour les peuples autochtones » (2020) 8:3 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 53, en ligne (pdf) : ERQ <www.energyregulationquarterly.ca/wp-content/uploads/2020/09/ERQ_Volume-8_Num%C3%A9ro-3-2020.pdf>.
  21. Daly, supra note 16.
  22. Voir aussi un autre appel de loi de nature réglementaire non abordé dans la présente enquête : East Hants (Municipality) v Nova Scotia (Utility and Review Board), 2020 NSCA 41. La question est abordée par Fluker, supra note 5 à la p 4.
  23. 2020 ONSC 598 Planet Energy.
  24. LO 2010, c 8.
  25. LO 1998, c 15, art 112.5(2).
  26. Supra note 23 au para 31.
  27. Ibid aux para 26–30.
  28. 2020 ONSC 3616.
  29. Ibid aux para 31–33 (Je reviens sur cette question à la section qui conclut cet article).
  30. Ibid au para 33.
  31. 2020 ONSC 4331 [Hydro One Networks].
  32. La responsabilité pour cela pourrait en fait reposer, du moins en partie, sur la forme de l’ordonnance procédurale de nouvelle audience qui décrit le rôle du comité de nouvelle audience quant à savoir si la décision originale était « raisonnable en ce qui a trait à l’attribution d’économies d’impôt futures entre les actionnaires et les contribuables » [traduction]. Récité dans le jugement du juge Ducharme, ibid au para 41.
  33. Supra note 31 aux para 48–51.
  34. De toute évidence, on pourrait objecter que le choix entre la norme de la décision correcte et de la décision raisonnable aux fins de contrôle judiciaire et d’appel prévu par la loi est aussi un exercice d’interprétation législative. Toutefois, cet exercice d’« interprétation » a lieu au sein de la garantie constitutionnelle de contrôle judiciaire et d’une gamme d’autres impératifs constitutionnels et de la primauté du droit, ce qui est bien plus généralisé qu’un exercice d’interprétation législative situé dans le cadre d’un régime législatif particulier, qui n’est pas orné d’un tel enrobage constitutionnel.
  35. Voir la longue analyse dans Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 93 aux para 36–104, dans le contexte d’appels de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié à la Section d’appel des réfugiés. Et pour une confirmation post-Vavilov de cette position, voir Mekhashishvili c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 65. Voir aussi City Centre Equities Inc. v Regina (City), 2018 SKCA 43 aux para 37–101, en ce qui concerne les appels d’évaluation foncière du Saskatchewan Municipal Board of Revision à l’Assessment Appeals Committee. Paul Daly a également écrit à ce sujet : voir par ex Paul Daly, « Unresolved Issues after Vavilov I: Internal Appeals » (4 mai 2020), en ligne (blogue) : Administrative Law Matters <www.administrativelawmatters.com/blog/2020/05/04/unresolved-issues-after-vavilov-i-internal-appeals/>.
  36. Hydro One Networks, supra note 31, aux para 52–54.
  37. Supra note 25.
  38. Supra note 31 aux para 55–60.
  39. LRO 1990, c C.43 (modifié).
  40. Pour mon examen antérieur de cette question, voir « Judicial Scrutiny of Administrative Decision Making: Principled Simplification or  Continuing Angst? », supra note 14 aux pp 434–35. Avant Vavilov, j’ai aussi abordé cette question dans Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2014 » (2015) 3:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 19 aux pp 24–27, de façon générale ainsi qu’en ce qui concerne les pouvoirs discrétionnaires de l’ancien ONE sur les droits de participation. La question de la détermination par l’organisme des droits de participation comme élément de l’équité procédurale a également abordée dans un examen de Delta Air Lines c Lukács, 2018 CSC 2, dans « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2017 » (2018) 6:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 21 à 21–27.
  41. Supra note 3 au para 13.
  42. Ibid au para 23.
  43. Ibid aux para 76–81.
  44. Ibid au para 77.
  45. [1999] 2 RCS 817 aux para 22–23, 174 DLR (4e) 193,.
  46. Vavilov, supra note 3 au para 77.
  47. Ibid.
  48. 2020 ONSC 2984.
  49. Ibid au para 123.
  50. Ibid au para 124.
  51. Ibid au para 134.
  52. 2020 ONSC 6549 [Rogers Communications].
  53. Ibid au para 14.
  54. Ibid au para 77.
  55. Ibid au para 16.
  56. Ibid au para 17.
  57. Ibid au para 15.
  58. Supra note 25.
  59. On peut supposer qu’une partie de la motivation pour la prise de position de la Commission a été que le contrôle judiciaire des questions de droit en vertu de la Loi sur la procédure de révision judiciaire, LRO 1990, c J.1 aurait donné à la Commission le bénéfice de la présomption de la norme de la décision raisonnable alors qu’en appel la norme de la décision correcte aurait été la norme applicable à la suite de Vavilov.
  60. Supra note 25.
  61. Rogers Communications, supra note 52 aux para 44–47. La Commission n’avait pas rendu d’ordonnance formelle établissant la nouvelle charge par défaut plus élevée. Toutefois, le juge Lederer a soutenu que, quoi qu’il en soit et peu importe la position de la Commission, la charge accrue occasionnée par le rapport final était en réalité et en effet une ordonnance.
  62. Fait intéressant, malgré la conclusion selon laquelle la question s’inscrivait dans la portée du paragraphe 33(1) et de la juridiction de la Cour d’appel, le juge Lederer a maintenu, ibid aux para 32–33, nonobstant Vavilov, que la norme de la décision raisonnable était le meilleur critère à appliquer dans l’interprétation à savoir si cette question nécessitait une audience par renvoi au paragraphe 21(2) ou s’il s’agissait d’une question de discrétion pour la Commission par renvoi au paragraphe 70(1.1).
  63. Ibid aux para 61–68. (Bien que je n’ai pas abordé l’argument de l’attente légitime en détail, l’analyse de la Cour et son application des principes d’attente légitime des faits est instructive et constitue une ressource précieuse pour comprendre la version canadienne de cette source de droits procéduraux.)
  64. Ibid au para 27.
  65. Ibid aux para 28–29.
  66. 2020 ONSC 4392 au para 81.
  67. 2014 CAF 59 au para 50. J’ai noté cet arrêt dans mon enquête de 2014 : supra note 40 aux pp 24-26.
  68. Rogers Communications, supra note 52 au para 30.
  69. Supra note 45 au para 27.
  70. Supra note 52 au para 79.
  71. [1980] 1 RCS 602 aux pp 628-29, 106 DLR (3e) 385.
  72. Supra note 52 au para 94.
  73. Ibid au para 95. Il s’agit d’un autre arrêt du juge d’appel Stratas, que j’ai aussi abordé dans mon enquête de 2014 : Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie) dans lequel il fait mention d’« une expérience et [d’]une expertise » de l’Office national de l’énergie dans la détermination des droits de participation : voir 2014 CAF 245 au para 72.
  74. Ibid au para 96.
  75. Ré:Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48 au para 42.
  76. Rogers Communications, supra note 52 au para 97.
  77. Ibid au para 100.
  78. Howard Kislowicz et Robert Hamilton, « The Standard of Review and the Duty to Consult and Accommodate Indigenous Peoples: What is the Impact of Vavilov? Part 1 » (20 novembre 2020), en ligne (pdf) : ABlawg <ablawg.ca/wp-content/uploads/2020/11/Blog_HK_RH_DTCA_Part_1.pdf>; Howard Kislowicz et Robert Hamilton, « The Standard of Review and the Duty to Consult and Accommodate Indigenous Peoples: What is the Impact of Vavilov? Part 2 » (24 novembre 2020), en ligne (pdf) : ABlawg <ablawg.ca/wp-content/uploads/2020/11/Blog_HK_RH_DTCA_Part_2.pdf>.
  79. Toutefois, il est à noter qu’il n’y a pas encore de consensus sur cette question. Par conséquent, dans Quadrexx Hedge Capital Management Ltd., supra note 66 au para 78, la Cour divisionnaire de l’Ontario semble assimiler dans certains contextes le caractère raisonnable et l’erreur manifeste et dominante :
    Le mot « manifeste » signifie « clair dans l’esprit ou évident », et « dominante » signifie « déterminante » dans le sens où l’erreur a « eu une incidence sur le résultat ». La Cour suprême a soutenu que d’autres formulations avaient le même sens qu’« erreur manifeste » : « manifestement erroné », « déraisonnable » ou « non étayé par la preuve » [traduction ; je souligne et omet les notes de bas de page].
    Les auteurs le reconnaissent et reconnaissent aussi un arrêt d’obligation de consulter de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse à cet effet même : Sipekne’katik v Nova Scotia (Minister of the Environment), 2020 NSSC 111 au para 60. Toutefois, ils citent nombre de précédents de plus de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel qui contiennent des caractérisations de la norme de l’erreur « manifeste et dominante » en termes bien différents. Ce faisant, ils citent le juge d’appel Stratas de la Cour d’appel fédérale dans Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 au para 46 :
    L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue… Par erreur manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.
  80. Voir par ex Sipekne’katik, ibid aux para 61–67.
  81. Supra note 3 au para 55.
  82. Commençant avec l’arrêt fondamental de la Cour suprême du Canada dans Nation haïda c Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73 [Nation haïda].
  83. Supra note 3, au para 57.
  84. 2012 CSC 12.
  85. En référence non seulement à supra note 82, mais aussi plus particulièrement à Beckman c Première nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53.
  86. 2020 CAF 34 [Première Nation Coldwater].
  87. Ibid au para 25.
  88. Ibid au para 26.
  89. Ibid au para 27.
  90. Ibid au para 28.
  91. Tsleil-Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2018 CAF 153.
  92. Supra note 86 au para 29.
  93. Ibid aux para 32–63.
  94. Ibid au para 31.
  95. Ibid au para 32.
  96. Ibid aux para 33–36.
  97. Ibid aux para 37–46.
  98. Ibid au para 38.
  99. Supra note 52.
  100. Supra note 86 au para 38.
  101. Dans le contexte de la révision des organismes de réglementation de l’énergie et de la saga Northern Gateway, voir l’arrêt des juges d’appel Dawson et Stratas dans Nation Gitxaala c Canada, 2016 CAF 187 au para 6.
  102. Supra note 86 au para 40.
  103. Ibid au para 41.
  104. Ibid.
  105. Ibid.
  106. Ibid.
  107. Ibid.
  108. Ibid.
  109. Supra note 82 au para 45
  110. Première Nation Coldwater, supra note 86 aux para 43–46.
  111. Ibid aux para 47–56.
  112. Ibid au para 53.
  113. Ibid.
  114. Ibid au para 54.
  115. Ibid au para 58.
  116. Ibid au para 61.
  117. Ibid aux para 62–63.
  118. Supra note 3 aux para 133–35.
  119. Première Nation Coldwater, supra note 86 au para 62.
  120. Ibid au para 66.
  121. David Mullan, « Évaluation du droit administratif relatif au droit et à la réglementation de l’énergie en 2019 » (2020) 8:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 30, en ligne (pdf ) : ERQ <www.energyregulationquarterly.ca/wp-content/uploads/2020/04/ERQ_Volume-8_Numero-1-2020.pdf>.
  122. Supra note 6.
  123. SA 2020, c L-2.3, édicté par l’article 6 de la Red Tape Reduction Implementation Act, 2020 (No. 2), SA 2020, c 39 (qui a reçu la sanction royale le 9 décembre 2020).
  124. Les autres étaient le Land Compensation Board, le Municipal Government Board et le New Home Buyer Protection Board.
  125. Supra note 7.
  126. Supra note 3 au para 53.
  127. Walied Soliman et al., « Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers – Rapport final » (janvier 2021) à la p 22, en ligne (pdf) : Gouvernement de l’Ontario <files.ontario.ca/books/mof-capital-markets-modernization-taskforce-final-report-fr-2021-01-22-v2.pdf>.
  128. Ibid aux pp 25–26.
  129. Ibid.
  130. Supra note 6.
  131. Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act, SBC 2019, c 44.
  132. PL C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droit des peuples autochtones, 1re sess, 42e parl, 2019 (adoptée par la Chambre des communes le 11 juin 2019).
  133. PL C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 2e sess, 43e parl, 2020 (première lecture le 3 décembre 2020).
  134. Ministère de la Justice, « Projet de loi C-15 – Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » (dernière modification le 26 janvier 2021), en ligne : Gouvernement du Canada <www.justice.gc.ca/fra/declaration/apropos-about.html>.
  135. Ryan Patrick Jones, « Liberals introduce bill to implement UN Indigenous rights », CBC News (3 décembre 2020), en ligne : <www.cbc.ca/news/politics/liberals-introduce-undrip-legislation-1.5826523>.
  136. « Question for the Trudeau government: What does UNDRIP stand for? », The Globe and Mail (7 décembre 2020), en ligne : <www.theglobeandmail.com/opinion/editorials/article-question-for-the-trudeau-government-what-does-undrip-stand-for/>.
  137. Ibid.
  138. 2020 ABCA 163. Pour d’autres commentaires sur cet arrêt, voir Nigel Bankes, « The AER Must Consider the Honour of the Crown » (28 avril 2020), en ligne (blogue) : ABlawg <ablawg.ca/2020/04/28/the-aer-must-consider-the-honour-of-the-crown/>; voir aussi Martin Ignasiak, Sander Duncanson et Jesse Baker, « Les projets liés aux ressources et l’honneur de la Couronne » (2020) 8:3 Publication Trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 49, en ligne (pdf ) : ERQ <www.energyregulationquarterly.ca/wp-content/uploads/2020/09/ERQ_Volume-8_Num%C3%A9ro-3-2020.pdf>.
  139. En vertu du paragraphe 10(3) de la Oil Sands Conservation Act, RSA 2000, c O-7.
  140. Supra note 138 au para 1.
  141. Ibid au para 32.
  142. Ibid au para 34.
  143. SA 2012, c R-17.3.
  144. Un bureau au sein du ministère des Relations autochtones : supra note 138 au para 49.
  145. Ibid au para 57
  146. Ibid au para 54.
  147. Ibid au para 53
  148. Ibid au para 56.
  149. Ibid au para 57.
  150. Ibid aux para 62–67.
  151. Ibid aux para 68–71.
  152. Ibid au para 71.
  153. Ibid aux para 72–83.
  154. Ibid au para 70.
  155. 2019 ABCA 482.
  156. Ibid aux para 13–14.
  157. Ibid au para 10.
  158. a.si la question en appel est importante pour la pratique;
    b.si la question soulevée est importante pour l’action même;
    c.si l’appel est valable en droit de prime abord;
    d.si l’appel nuira indûment au progrès de l’action;
    e.la norme de contrôle en appel qui sera appliquée au fond.
    Dans une enquête antérieure, j’ai abordé divers aspects de ce critère : David J. Mullan, « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la règlementation de l’énergie en 2017 » (2018) 6:1 Publication trimestrielle sur la règlementation de l’énergie 21 aux pp 35–37.
  159. 2020 ABCA 271. Voir aussi Milner Power Inc. v Alberta (Utilities Commission), 2019 ABCA 127.
  160. Ibid aux para 81–111.
  161. Supra note 23.
  162. Supra note 25.
  163. Voir Rowan v Ontario Securities Commission, 2012 ONCA 208 aux para 70-71, 77, et cité par la juge Swinton, supra note 23 au para 20.
  164. Supra note 23 aux para 16–34.
  165. Pour un autre examen récent de cette question dans le contexte d’une contestation fondée sur la Charte soulevée pour la première fois dans une procédure de contrôle judiciaire, voir l’arrêt du juge Stratas dans Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245 aux para 37 et s. J’ai formulé un commentaire sur cette question dans « Évolution du droit administratif pertinent au droit et à la réglementation de l’énergie en 2014 », supra note 40. Le précédent principal de la Cour suprême du Canada sur cette question demeure le jugement du juge Rothstein dans Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Federation, 2011 CSC 61 aux para 23–28, une cause dans laquelle une exception a été faite à la position normale. La juge Swinton le cite et en fait la distinction, supra note 23 aux para 17–19.
  166. Supra note 23 aux para 21–22.
  167. Ibid au para 23.
  168. Ibid aux para 24–25.
  169. 1990 ABCA 33 aux para 7–8.
  170. Supra note 23, aux para 26–33.
  171. Ibid au para 26.
  172. Ibid.
  173. Ibid au para 27.
  174. Supra note 28.
  175. Ibid aux para 27–28.
  176. Supra note 23.
  177. Supra note 165 au para 28.
  178. Supra note 28 au para 29.
  179. Ibid au para 33.
  180. Ibid.
  181. Supra note 3 aux para 139–42.
  182. Supra note 31.
  183. Supra note 25.
  184. Supra note 3 au para 142.
  185. Supra note 48.
  186. Avec les juges Swinton et Favreau à nouveau membres du Comité.
  187. Supra note 48 aux para 118–20 (un résumé des conclusions).
  188. Ibid aux para 125–54.
  189. Ibid aux para 156–63, citant le para 157 de l’arrêt Vavilov, supra note 3 au para 142.

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