Systèmes énergétiques en évolution : incidences pour les organismes de réglementation et les décideurs

Introduction et aperçu

Les systèmes de distribution d’énergie changent – fondamentalement et peut-être très rapidement – en raison de l’effet combiné de plusieurs facteurs : la technologie, les exigences environnementales et les préoccupations croissantes à l’égard du rendement des systèmes sur le plan des coûts, de la fiabilité et de la résilience.

Les systèmes changent peut-être, mais pas les consommateurs. Il est risqué d’examiner de trop près d’autres industries, comme celle des télécommunications, pour avoir une idée de ce que nous réserve l’avenir. L’énergie est ennuyeuse et c’est ce que les consommateurs veulent.

Pour les décideurs publics, l’énergie n’est pas du tout ennuyeuse. La politique publique a un grand intérêt dans la vitesse et la nature de la transformation à venir. Bien que les sources d’énergie locales (y compris les mesures d’efficacité) seront de plus en plus importantes, il semble peu probable que les consommateurs deviendront autonomes ou que l’énergie sera distribuée par l’éther sans le recours à des câbles ou à des conduites. Autrement dit, les câbles, les conduites, les entreprises jouissant d’un monopole auxquels ces derniers appartiennent et les organismes de réglementation qui supervisent l’énergie seront avec nous pendant un certain temps.

Pour les décideurs et les organismes de réglementation, c’est loin d’être le statu quo. S’il existe un argument convaincant pour une conversation plus stratégique sur le système énergétique en amont, il en existe un plus convaincant pour ce genre de conversation en aval – et les décideurs, les organismes de réglementation, toute personne faisant partie de la chaîne de valeur de fourniture de services énergétiques et les consommateurs doivent y participer.

Un peu d’histoire

Il y a de cela environ sept ans, l’Association canadienne du gaz (ACG) et Pollution Probe ont convenu de collaborer dans le cadre d’un effort totalement impudent visant à changer la pensée énergétique au Canada. Le but était de détourner l’attention de l’accent obsessif mis sur le pétrole en amont et le pouvoir central et de l’attirer sur le système en aval – le consommateur et le système de distribution au détail. L’initiative a été baptisée « QUEST », ou Quality Urban Energy Systems of Tomorrow [Systèmes d’énergie de qualité pour les villes de demain]1. À ce moment, en 2007, l’accent en aval était une idée fondée sur le bon sens, une petite expérience et la compréhension des technologies émergentes, mais était loin d’être généralisé dans les faits ou la perception.

Pourquoi le bon sens? Simplement parce que dans la recherche relative à un meilleur rendement environnemental, l’obsession en amont signifiait que nous laissions sur la table la moitié du potentiel. (Tous les points qui suivent sont de notoriété publique et facilement vérifiés au moyen de références à des sources publiques comme l’Agence internationale de l’énergie, l’Energy information Administration des États-Unis ou Ressources naturelles Canada.)

  • La diminution de l’intensité en carbone que connaissent depuis un certain temps les États-Unis et le Canada découle de l’efficacité, et non du carbone réduit dans les réserves de carburant.
  • Il a été aisément démontré que l’efficacité croît à un coût très bas ou négatif – contrairement à la décarbonatation du système énergétique – et le coût est toujours la principale considération, peu importe à quel point une personne est préoccupée par le carbone et le climat.
  • L’efficience des utilisations finales peut avoir un gros effet multiplicateur en amont en raison des pertes des systèmes.
  • En pensant à l’efficacité du système dans son ensemble, essentiellement la gestion de la chaleur, on pourrait trouver des moyens d’utiliser une plus grande quantité de l’énergie rejetée – la moitié de l’énergie totale qui entre dans le système énergétique canadien total.
  • Pour arrondir, de nombreuses sources locales semblaient de plus en plus prometteuses, voire très économiques – les déchets comme source d’énergie, les énergies renouvelables locales comme l’énergie solaire, la biomasse, l’énergie géothermique, le refroidissement par eaux profondes, ainsi de suite.

Quelques années plus tard, ce que nous savions en 2007 semble aussi vrai et plusieurs autres facteurs sont intervenus pour rendre la cause encore plus convaincante.

  • Le coût potentiel pour remplacer, mettre à niveau et « rendre intelligent » notre infrastructure énergétique traditionnelle devient de plus en plus imposant et nous disposons d’une croissance démographique et économique beaucoup plus lente pour absorber les coûts.
  • Sans tenir compte du coût, personne ne veut qu’une infrastructure soit construite à proximité de chez lui et souvent, « dans ma cour » signifie des centaines de kilomètres linéaires.
  • Les énergies renouvelables, particulièrement les biocarburants et l’énergie électrique distante, sont accompagnées de certains défis : le coût, l’intensité du sol, les effets environnementaux et les exigences en matière d’infrastructure. De plus, comme c’est le cas pour tout, les infrastructures doivent être construites dans la cour de quelqu’un.

Nous sommes également revenus quelque peu en arrière vers un point de vue plus limpide de l’intérêt politique dans l’énergie. Nous comprenons depuis longtemps l’importance de la diversité dans le soutien de la sécurité, de la fiabilité et de la résilience, mais cette vérité a été submergée par le vent de panique relatif au carbone qui a soufflé vers Copenhague en 2009.

L’expression « vent de panique relatif au carbone » est utilisée en toute connaissance de cause. Reconnaissons tout d’abord que les importantes réductions de carbone dans la production et l’utilisation de l’énergie sont une assurance essentielle et qu’elles peuvent être rentables même à court terme si elles sont réalisées d’une manière qui procure d’autres avantages – comme des avantages sur le plan de l’efficacité ou d’autres avantages environnementaux. Toutefois, à la fin de la dernière décennie, les mesures en faveur du climat avaient acquis une urgence frénétique et les propositions présentées ne satisfaisaient pas au critère le plus rudimentaire des connaissances en matière d’énergie : la compréhension que la sécurité, la fiabilité, le coût et de multiples effets environnementaux sont autant d’éléments qui comptent et que le fait de ne pas les prendre en considération est un moyen sûr de perdre le soutien du public.

Plus récemment, deux autres facteurs majeurs sont devenus beaucoup plus importants.

Le public tourne de plus en plus son attention vers les risques environnementaux  ouragans, tempêtes de verglas, inondations – lesquels soulèvent tous la question de résilience. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il est devenu beaucoup plus fondamental.

La technologie peut enfin évoluer vers un effet « perturbateur » potentiel, non pas au moyen d’une solution magique, mais par la convergence de plusieurs volets technologiques :

  • l’exploitation non conventionnelle du gaz a transformé la disponibilité et le prix du gaz naturel;
  • la baisse du coût de l’électricité solaire et la croissance potentielle de stockage distribué en combinaison avec des systèmes combinés de chauffage et d’énergie (principalement au gaz) à petite échelle ont considérablement accru le potentiel de l’énergie distribuée;
  • les progrès réalisés en matière de systèmes de batteries pourraient inscrire davantage les véhicules électriques à batteries dans le courant dominant;
  • les effets massifs et envahissants de la technologie de l’information ont rendu plus pratiques les systèmes intégrés complexes, multidirectionnels et à plusieurs sources.

En bref, on a de plus en plus l’impression d’être à la veille d’une véritable transformation énergétique  peut-être la première depuis plus d’un siècle. Réfléchissons à ce que cela pourrait signifier.

Un regard vers l’avenir

Cela signifie que d’une façon ou d’une autre, le monde des services publics de distribution d’énergie va changer rapidement et peut-être radicalement. Toutefois, avant de faire le deuil des services publics d’électricité ou d’en célébrer la mort comme l’ont récemment fait certains commentateurs, il est utile de tout d’abord réfléchir à la mesure dans laquelle nos prévisions énergétiques peuvent être erronées.

Rappelons-nous les pressions exercées sur les services publics de gaz il y a de cela une décennie ou plus, lesquelles ont incité l’ACG à prendre l’initiative de créer QUEST.

En 2007, les services publics de gaz étaient confrontés à plusieurs défis :

  • les préoccupations à l’égard du coût et de la disponibilité étaient croissantes;
  • les volumes par consommateur diminuaient régulièrement en raison de l’efficience des combustibles concurrents et des technologies de distribution;
  • l’élargissement des réseaux de gaz pour accroître la clientèle était dispendieux, particulièrement dans les aménagements à faible population sans un nombre important d’usagers de base;
  • de nombreux grands penseurs du secteur de l’énergie étaient entièrement axés sur le carbone; la combustion distribuée devait disparaître et le monde devait en devenir un essentiellement électrique;
  • certains des prévisionnistes plus pessimistes ont réfléchi à la mort à venir des services publics de distribution de gaz.

Il est bon de se rappeler tous ces défis, en plus de ce qui s’est produit depuis, alors que nous envisageons des circonstances différentes qui, selon certains, annoncent la fin des services publics d’électricité.

À tout le moins, le monde de la distribution d’énergie suppose une forme différente, qui ressemble à la vision QUEST – plus distribuée dans le cas de l’électricité et de l’avitaillement des véhicules et moins distribuée dans le cas du chauffage. La grande question qui se pose est la suivante : où vont les réseaux?

Ironiquement, un chef de file de l’industrie américaine envisage un monde où le réseau électrique pourrait être éliminé et remplacé par l’énergie solaire combinée à du carburant pour les systèmes de microcogénération de chaleur et d’électricité fourni par le réseau de gaz. Il s’avère maintenant que le réseau de gaz est le seul qui ne disparaîtra pas. Bravo pour les prédictions!

Bien entendu, l’autre réseau de plus en plus envisagé sur le marché est le réseau thermique. Ce réseau a divers avantages : la possibilité d’utiliser la biomasse comme combustible primaire ou d’être polycombustible; des économies d’échelles lui permettant d’être complété par des sources géothermiques, des systèmes solaires de toiture ou la capture de l’énergie résiduelle; un jumelage naturel au système électricité par l’entremise de systèmes de cogénération de chaleur et d’électricité. Les réseaux thermiques deviendront probablement de plus en plus fréquents.

En ce qui concerne le réseau électrique, des édifices entièrement autonomes semblent être peu probables. Même si cela est possible, il est probable – à tous le moins dans les secteurs urbains – que le coût d’une production d’électricité locale suffisante et de son stockage local pour répondre à la demande en énergie électrique, y compris les périodes de pointe, serait supérieur à celui d’une connexion à un réseau électrique, même en payant une partie raisonnable (et juste) des coûts de ce réseau.

Les micro-réseaux émergent déjà et il semble plus que probable qu’ils vont croître en des ensembles bâtis avec diverses demandes en énergie thermique et électrique, comme des campus, des hôpitaux, des centres commerciaux ou des complexes à bureaux. Les arguments en faveur des micro-réseaux pour contribuer à un système d’alimentation distribué et pour servir de mesure pour accroître la résilience semblent être maintenant bien établis, particulièrement après de récents événements environnementaux tels que l’ouragan Sandy. Les micro-réseaux seront fort probablement connectés au réseau élargi en raison des possibilités économiques que représente la vente de l’électricité excédentaire, parce qu’ils sont des ressources système potentielles relativement à la fiabilité et au redémarrage et parce que l’aspect économique lié à l’équilibre des demandes thermiques et électriques tend à profiter des économies d’échelle de grands secteurs interconnectés.

Même s’il est possible de supprimer ces vilains services publics, cela ne semble pas être pour bientôt, plus particulièrement en ce qui concerne les clients commerciaux et résidentiels à petite échelle. Dans certains articles parus récemment dans la presse spécialisée, les défenseurs de l’énergie distribuée ont vanté les vertus du choix et de l’autonomie du consommateur, ainsi que la proposition de valeur bonifiée d’être davantage écologique. L’aspect écologique à part, le modèle ici est, bien entendu, les télécommunications.

Prenons un peu de recul et demandons-nous si l’analogie est appropriée.

Premièrement, la nouvelle proposition de valeur potentielle est limitée – pour le consommateur, le résultat final est essentiellement la même chose : l’éclairage et un domicile chaud (bien que l’avitaillement distribué des véhicules soit autre chose). On voit difficilement comment un système énergétique transformé rend plus faciles et moins dispendieux les appels à sa grand-mère ou l’affichage de photos (selfies) sur sa page Facebook.

Deuxièmement, quant à la liberté sous-entendue dans le modèle des télécommunications, il est permis de douter que ce que l’on pense des fournisseurs de services se soit considérablement amélioré. Un choix s’offre aux consommateurs, mais ils ont toujours les systèmes des fournisseurs de services dans leur résidence. Lorsqu’ils sont trop frustrés, ils peuvent changer, mais cela entraîne des coûts substantiels.

Troisièmement, en fonction des années d’expérience avec les consommateurs d’énergie, les observateurs ont constaté peu d’intérêt dans le choix. La déréglementation du gaz et de l’électricité au détail n’a pas entraîné la transformation prédite. Les consommateurs de gaz ont tendance à rester avec le service public en place ou dans certains cas, à y revenir après un bref badinage avec un tiers fournisseur d’énergie. Les attributs environnementaux importent, bien sûr, mais l’expérience montre qu’une très faible part des consommateurs est prête à payer davantage pour des attributs écologiques. Ce que les consommateurs veulent surtout, c’est la tranquillité d’esprit (un système qui fonctionne toujours), qui a un faible degré d’intrusion (ils n’ont pas à y penser) et un faible coût.

Et oui, la jeune génération se soucie davantage de l’environnement, mais elle va vieillir et acquérir des attributs de propriétaires ayant plusieurs responsabilités et des budgets limités. Il semble imprudent de tenir compte des changements au niveau de la nature humaine dans toute prévision de la transformation des systèmes énergétiques.

En bref, si on essaie de prédire l’avenir de l’énergie, le mieux est de parier que les consommateurs vont continuer àchercher la sécurité, la fiabilité, l’invisibilité et le faible coût. Lorsqu’ils agissent politiquement, bien sûr, les citoyens vont demander des attributs environnementaux, mais cela nous fait passer du domaine de la transaction privée à celui de la politique publique.

Le défi pour la politique publique

Un jour, mais pas bientôt, il se peut que nous quittions l’ère des réseaux électriques. En fait, nous pourrions bien aller dans l’autre sens, avec trois réseaux (électricité, gaz et thermique) étant de plus en la norme, ainsi qu’un système d’avitaillement des véhicules qui mise de plus en plus sur les réseaux électriques et de gaz. Le plus important, c’est qu’ils seront tous interconnectés d’une ressource abordable à l’autre.

C’est là que se fait sentir le besoin d’une conversation plus stratégique sur les incidences politiques et réglementaires de ce genre de changement.

Premièrement, dans cet article, on a soutenu que le monde de multiples réseaux interconnectés en fonction de diverses ressources (centralisées et décentralisées) comporte plusieurs avantages possibles sur le plan politique. En bref, les gouvernements devraient de plus en plus considérer qu’il est dans l’intérêt public d’encourager le genre de changement associé à tout cela – pourvu qu’il soit rentable sur une période plausible (pas le choc de taux), qu’il soit à la hauteur des attentes quant à la fiabilité et à la résilience et qu’il offre des avantages sur le plan environnemental.

Les gouvernements devraient tout d’abord regarder ce que les marchés concurrentiels peuvent offrir et si la réduction du carbone est une grande priorité, ils devraient alors en établir le prix. Cependant, avec ou sans la tarification du carbone, il n’est pas clair que les marchés concurrentiels à eux seuls vont produire le meilleur résultat pour la politique publique.

Premièrement, il est notoire que les consommateurs ont des horizons relativement courts pour un retour. Les coûts liés à l’acquisition de renseignements et aux transactions peuvent facilement submerger toute proposition de valeur prétendue. Autrement dit, les marchés ont des défaillances.

Deuxièmement, il faut investir plus rapidement dans les technologies – particulièrement dans l’application de la technologie dans les systèmes intégrés – dont chacune pose ses propres défis techniques et de gestion. Il est permis de penser que certains investissements sont un bien public puisqu’une partie importante de l’avantage ne peut être internalisé par les investisseurs  particulièrement dans les systèmes de services publics.

Presque tous les investissements dans ce genre de système auront un long horizon. Les consommateurs – même les grands consommateurs commerciaux ou industriels – n’investiront pas dans ce qui ne produira pas de retour avant quelques années et ils n’accepteront pas les complexités de gestion qui les détournent de leurs activités principales. Enfin, les investisseurs concurrentiels dans les technologies de la distribution qui font face à des rendements du capital investi incertains et à venir dans un certain temps pourraient choisir d’investir ailleurs.

Si tout reste lié aux réseaux, il y aura alors toujours des monopoles naturels qui posent des défis de gestion complexes. Les réseaux électriques et de gaz seront toujours réglementés. Les services publics thermiques deviendront largement réglementés – même si c’est de manière assouplie – en raison du pouvoir inhérent du marché que possède le fournisseur une fois que le consommateur s’est abonné. Les systèmes deviendront de plus en plus négligés comparativement au monde dégroupé des câbles et des conduites autonomes qui sont le paradigme depuis plus de vingt ans.

Un système thermique n’est pas seulement des tuyaux; il est également les ressources thermiques qui alimentent ces derniers. S’il comprend des actifs combinés de chauffage et d’énergie, il fait alors partie du système de ressources électriques. Un système électrique qui s’appuie sur des ressources distribuées radicalement comme la cogénération de chaleur et d’électricité, l’énergie solaire et le stockage pourrait fonctionner avec toutes les ressources fournies par des entités indépendantes, ou il pourrait nécessiter une intégration plus serrée qui est offerte par un modèle dégroupé. Les systèmes d’avitaillement nécessitant des investissements initiaux élevés et faisant face à une croissance lente du marché pourraient voir ou ne pas voir le jour. Un parc de véhicules qui fait partie d’un système de stockage électrique pose ses propres défis sur le plan de la gestion. Il est peu probable que d’autres investissements hors réseaux, y compris des investissements dans l’efficacité énergétique – comme dans le passé – soient faits à un niveau conforme aux objectifs en matière de politique publique ou qu’ils soient aussi efficaces quant à l’équilibre du système électrique sans être intégrés, d’une manière ou d’une autre, à la gestion d’un système de distribution d’énergie plus vaste.

Quelle tournure cela prendra-t-il dans le monde réglementaire?

On a vu et on verra encore plus de tensions entre les fournisseurs concurrentiels et les services publics réglementés. Même les affiliés des services publics sont suspects en raison des perceptions selon lesquelles ils vont avoir un avantage indu découlant de leurs relations. Par contre, les joueurs concurrentiels ne se sont pas précipités dans le jeu en présence d’une faible proposition de valeur (privée) et des retours après une très longue période. Reste à voir si cela va changer en présence d’un changement technologique et de la diminution des coûts.

Bien entendu, les services publics eux-mêmes sont essentiellement conservateurs, bien que bon nombre d’entre eux se soient rendus à l’évidence – tout comme les services publics de gaz dans leur soutien pour QUEST. Quant aux services publics qui ne se sont pas rendus à l’évidence, ils vont chercher à refondre le modèle commercial en élargissant les services qu’ils offrent et ils vont farouchement protéger leur capacité à maintenir l’intégrité de leurs systèmes. Ils peuvent être ou ne pas être des agents de changement positif, mais de toute façon il semble peu probable qu’ils vont regarder d’un bon œil la perspective de ce que l’on appelle les spirales de la mort, d’ailleurs pas plus que les décideurs ou les organismes de réglementation.

L’instinct des organismes de réglementation semble être de veiller à ce que les services publics ne s’aventurent pas dans des activités qui vont au-delà des câbles et des conduites. Le modèle dégroupé nous a bien servi depuis deux décennies et si on permet qu’il se fragilise, on réintroduit une répartition des coûts non transparente et de possibles obstacles à l’émergence de fournisseurs concurrentiels. D’autre part, le Département des services publics de l’État de New York a indiqué, dans le cadre d’un récent document à l’intention du personnel, qu’il ne voit aucune raison évidente pour laquelle les services publics d’électricité ne pourraient pas investir dans les ressources électriques avec les acteurs concurrentiels.

L’instinct des décideurs varie, allant d’ignorer la situation à simplement y aller. Presque aucun d’entre eux ne comprend le système réglementaire qui, pour la plupart, est un mystère, et tout comme les consommateurs, ils préfèrent que le tout soit invisible. Lorsqu’ils veulent un changement, ils voient le système réglementaire comme étant un système lent et conservateur, ce qu’il est bien sûr. Il est préférable d’utiliser des outils familiers comme des mandats et des subventions, peu importe s’ils vont bien avec les systèmes réglementés.

Cette combinaison de forces regarde l’équilibre comme si elle va inhiber l’innovation ou à tout le moins la rendre plus perturbatrice (dans un sens négatif) que nécessaire.

Je suis votre organisme de réglementation local des services publics et je suis ici pour vous aider à innover

Il ne s’agit pas d’une mauvaise blague, bien qu’il puisse en être ainsi. Il se peut qu’à l’avenir la distribution d’énergie soit aussi réglementée que par le passé, peut-être même plus, mais en fonction de différents modèles, malgré les risques liés à la clarté et à la répartition transparente des coûts, ainsi que la possibilité d’inhiber les acteurs concurrentiels.

Le système réglementaire peut avoir ses limites, mais il a également des attributs dans une combinaison qu’aucun marché concurrentiel ou aucun autre instrument politique ne peut reproduire.

  • Si nous vivons toujours dans un monde de réseaux, le système réglementaire supervisera les réseaux sous-jacents sur lesquels se seront appuyées les technologies novatrices d’offre et de demande.
  • Le système réglementaire soutient un modèle commercial avec des horizons  à long terme– ce qui est caractéristique de la plupart des systèmes énergétiques.
  • Le système réglementaire peut explicitement intégrer au système des coûts externes (intérêt public) par des moyens comme des frais imputés pour les avantages du système ou des dépenses liées à la gestion de la demande.
  • Il répartit les coûts entre les consommateurs en portant une attention stricte à l’équité; dans le cadre d’autres approches politiques, les coûts sont répartis entre les contribuables et l’équité est facultative.
  • Il est près des consommateurs et comprend bien leurs habitudes et leurs besoins, et a la capacité de leur fournir la plupart des attributs qu’ils recherchent.
  • Les processus réglementaires sont distincts des processus politiques à des égards importants et souhaitables : ils sont experts, fondés sur les données probantes, transparents et sujets à une procédure régulière.

Une conversation plus approfondie

La meilleure voie vers des systèmes énergétiques plus durables et qui produisent moins de carbone comporte des prix réels pour l’énergie, y compris les prix du carbone, mais la plupart des gouvernements ne sont pas prêts à établir le prix du carbone, particulièrement à la petite échelle du consommateur parce que ce dernier n’y est pas prêt.

Entre-temps, d’autres forces, y compris d’autres mesures politiques, ont contribué à l’élaboration et à l’application de nouvelles solutions. C’est sans aucun doute dans l’intérêt à long terme de la société – et les consommateurs – d’expérimenter et de mobiliser davantage de ces solutions, dont certaines seront inefficaces et tandis que d’autres seront efficaces.

Lorsque les marchés concurrentiels fonctionnent, on devrait leur laisser. Lorsqu’ils ne fonctionnent pas et que les solutions novatrices s’appuient sur la plateforme du système réglementé, il faudrait que les systèmes réglementaires jouent un rôle actif et expérimentent. À part tout le reste, nous savons que les consommateurs ne seront jamais prêts pour la tarification du carbone à moins qu’il n’existe, à portée de main, des solutions produisant moins de carbone.

Si cela en està se produire, nous devons tenir un discours différent. La communauté réglementaire  organismes de réglementation, services publics, consommateurs et fournisseurs de services concurrentiels – doit prendre du recul par rapport aux préoccupations quotidiennes et au climat d’hostilité de la salle d’audience. Il y a quelques années de cela, au Canada, les organismes de réglementation et les services publics ont entamé une série de dialogues avec l’industrie. Il s’agissait d’une bonne idée qui a aidé à favoriser une compréhension mutuelle, mais leurs objectifs étaient toutefois limités et ils n’ont pas attiré de décideurs ou cherché à joindre un auditoire plus vaste.

Lors de futures discussions, les décideurs doivent jouer un rôle actif parce qu’une grande partie du travail à accomplir nécessitera un soutien politique ou législatif. Pour que ces discussions soient considérées comme légitimes, elles doivent être accessibles à un éventail de participants et à un auditoire plus vaste.

La portée du sujet est vaste et la complexité de ce dernier est paralysante, mais c’est également une question de configuration fondamentale de nos systèmes énergétiques pour des décennies à venir. Qu’on le veuille ou non, nous entrons dans l’avenir en trébuchant. Nous commettons toujours des erreurs; certaines idées ne fonctionneront pas et il y aura sans doute de nombreux faux pas.

Si nous pouvions simplement admettre ce dernier point, cela pourrait avoir un effet libérateur. Les faux pas sont préférables aux pannes d’électricité.

* Michael Cleland est un consultant privé, spécialiste des politiques énergétiques et environmentales. Il est actuellement Exécutif en résidence au nom de Nexen auprès de la Canada West Foundation. Il était auparavant président et chef de la direction de L’Association canadienne du gaz, vice-président des affaires gouvernementales pour l’Association canadienne de l’électricité (ACE), et sous-ministre adjoint du secteur de l’énergie pour Ressources naturelles Canada.

  1. Systèmes d’énergie de qualité pour les villes de demain, en ligne : QUEST <www.questcanada.org>.

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