INTRODUCTION
Cela fait neuf ans que Daniel Yergin a publié The Quest, un examen panoramique de l’industrie de l’énergie — son évolution, ses hauts et ses bas, et comment elle propulse les ambitions économiques et les fortunes géopolitiques de gouvernements[2]. Bien que ce livre soit suffisamment récent pour englober des événements notables du XXIe siècle tels que les premières phases de la révolution américaine du schiste et le mouvement des économies développées visant à réduire les hydrocarbures dans le bouquet énergétique, le monde continue de tourner et de nouveaux événements continuent de remodeler l’industrie de l’énergie et les relations internationales. La revue de Yergin, The New Map: Energy, Climate, and the Clash of Nations, est un grand tour d’horizon actualisé de l’ensemble des politiques énergétiques de la planète et des objectifs géopolitiques (ou des inquiétudes) des nations[3]. Ce tome d’environ 425 pages dramatise la manière dont les nations établies et émergentes se bousculent pour se tailler une place de choix sur le plan régional ou mondial, en recentrant leur dépendance sur les ressources énergétiques conventionnelles (que ce soit pour la consommation ou l’exportation), et en tentant de trouver un juste équilibre entre la nécessité de lutter contre le changement climatique et la demande de carburants fiables et abordables.
Les recherches approfondies de Yergin, associées à sa prose lucide et peu compliquée et à son talent de conteur, rendent ses livres fascinants tant pour les professionnels de l’énergie que pour les profanes. Les quarante-six chapitres de The New Map peuvent être lus comme des profils autonomes sur les points chauds et les problèmes mondiaux, mais ils ont des points communs. Les chapitres sont généralement introduits par une anecdote qui capture un moment charnière dans le développement économique ou géopolitique d’une nation, avec une attention particulière pour les personnalités dynamiques en son centre. En outre, Yergin adopte comme métaphore organisatrice la création et la révision de cartes se reproduisant à travers l’histoire — des cartes montrant les frontières nationales ainsi que la domination sur les mers et les îles (les troubles liés au contrôle de la mer de Chine méridionale figurent en bonne place dans une section). Souvent, l’auteur ferme un chapitre par un « restez à l’écoute » qui attire le lecteur vers l’épisode suivant. Pourtant, malgré ses compétences en tant que commentateur chevronné, lauréat du prix Pulitzer et ayant plusieurs livres à son actif[4], Yergin s’abstient systématiquement de toute narration intrusive. L’absence notable du mot « je » dans ce volume ajoute à son aura d’objectivité et d’autorité.
HISTOIRE, ANCIENNE ET MODERNE
The New Map raconte, de façon très détaillée, comment l’époque de l’exploration médiévale et les guerres, traités et éruptions terroristes qui ont suivi, ainsi que les diverses campagnes menées par les pays pour étendre leur sphère d’influence, ont redessiné les frontières littérales ou repoussé les barrières en forgeant des « voies » économiques, comme la Chine actuelle s’est efforcée de le faire en Asie du Sud-Est et en Asie centrale. Dans ses chapitres sur le Moyen-Orient, Yergin nous raconte comment l’Empire ottoman, vieux de plusieurs siècles, a été découpé en un puzzle d’États-nations par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Les redessinateurs de la carte principale — la Grande-Bretagne et la France — ont été motivés par le fait qu’ils se sont rendu compte que la mécanisation de la guerre signifiait que l’accès au pétrole serait désormais crucial. Pourtant, ils ont dû apaiser l’insistance de Woodrow Wilson pour que l’autonomie nationale remplace la construction d’un empire colonial. Le résultat fut un hybride, ou plutôt un enchevêtrement de lignes arbitrairement tracées, avec une autorité de supervision intérimaire attribuée à la Grande-Bretagne ou à la France. Avec le temps, le nationalisme arabe laïque ou l’intégrisme islamique a fait s’effilocher ces liens avec l’Europe.
La diversité des personnages de ces drames est éblouissante. Dans un chapitre, nous rencontrons Lawrence d’Arabie qui cherche à promouvoir le leadership arabe contre les Turcs sur les champs de bataille du désert ainsi que Chaim Weizmann, le chimiste britannique et pionnier du sionisme, qui traque le charismatique prince Faisal pour lui vendre (sans grand succès) l’idée d’une patrie juive en Palestine. Un peu plus tard, nous apprenons comment un homme d’affaires américain entreprenant a révolutionné le commerce mondial dans les années 1950 en inventant le transport par conteneurs.
Yergin a déjà fait la chronique des cycles vertigineux d’expansion et de ralentissement de l’industrie pétrolière et de leurs impacts géopolitiques. Son dernier livre relate les interactions complexes, notamment la croissance du pétrole de schiste américain au cours des six dernières années, le ralentissement du moteur économique chinois et les antagonismes croissants entre l’Iran chiite et ses voisins sunnites du Moyen-Orient, qui ont conduit à une guerre des prix ruineuse en 2015–2018. Puis, quelques années seulement après que la Russie et l’Arabie saoudite aient trouvé une solution, la pandémie de coronavirus de 2020 a frappé les économies mondiales, la demande a chuté, le fragile consensus entre les nations de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie s’est effondré, et c’était à nouveau chacun pour soi.
De cette façon, à travers la toile tentaculaire de The New Map, le lecteur en apprend beaucoup sur l’histoire tumultueuse des nations clés jusqu’à nos jours. Le point de vue de Yergin opère généralement (mais pas toujours) à travers le prisme de l’énergie pour soutenir les économies nationales et les ambitions géopolitiques dans un monde qui se rétrécit et qui semble plus antagoniste. Comme le récit est divisé en autant de sections distinctes, il est impossible de faire un résumé du contenu de The New Map sous forme de vignettes. Et si le livre peut être décrit comme une succession d’histoires abrégées, vaguement cousues ensemble — simplement parce que l’histoire et les défis particuliers de tant de pays sont couverts — ce n’est pas une critique. Il s’agit plutôt d’un hommage à l’habileté de Yergin à faire la chronique du contexte et de l’état actuel des choses dans de nombreux endroits, en rafraîchissant et en approfondissant la compréhension des lecteurs des événements dont ils ne se souviennent peut-être que vaguement à partir de titres lus il n’y a pas si longtemps. Ceux qui souhaitent en savoir plus sur une région ou une question particulière trouveront des notes de fin de chapitre détaillées dans The New Map, avec de nombreuses citations de livres et d’articles dont Yergin s’est inspiré.
UN ÉCHANTILLONNAGE GLOBAL
Quelques courts extraits peuvent donner un aperçu de l’approche et du matériel de Yergin :
- Comment l’offensive de l’EIIS a remis en question la carte du Moyen-Orient après la guerre. Yergin décrit la souche extrémiste du fondamentalisme qui a conduit à la fondation de l’État islamique en Iraq et en Syrie (EIIS), et résume comment son objectif d’établir un « califat » sans frontières au Moyen-Orient par le biais d’une campagne militaire impitoyable a fait basculer une région déjà rongée par les tensions ethniques : « L’EIIS a déclenché une nouvelle crise pour une région qui avait été secouée par des turbulences pendant un siècle, découlant de la guerre et de l’effondrement d’un empire, de la concurrence des grandes puissances, du nationalisme arabe, de ferveur religieuse, d’un choc idéologique, d’ambitions dynastiques, de rêves impériaux, de l’intervention américaine, d’un État juif et de la concurrence pour le pétrole. Tout cela allait se dérouler dans une région critique pour l’énergie mondiale – et donc pour l’économie mondiale – mais aussi à un moment où l’affrontement entre l’Arabie saoudite et l’Iran était devenu central pour l’avenir de la région[5] » [traduction].
- La vision grandiose « Une ceinture, une route » de la Chine. La Chine, selon The New Map, a mis au point un plan (« Une ceinture, une route ») pour relier une grande partie du globe, en utilisant ses ressources financières et son poids commercial pour construire de nouvelles voies commerciales et recruter une participation multinationale, dans le but de concentrer son influence. Yergin dit : « Le programme relierait la Chine à toute l’‘Eurasie’ – les continents européen et asiatique étant considérés comme une seule et même entité – par le biais d’infrastructures, de l’énergie, d’investissements, des communications, de la politique et de la culture… La Chine serait le moteur du développement, le partenaire de choix, le principal financier, le promoteur et le grand stratège[6] » [traduction]. De plus, souligne Yergin, la volonté de la Chine de s’engager avec des économies de moindre envergure et de les aider à se développer ne serait pas assortie de conditions gênantes : Avec la Chine aux commandes, il n’y aurait pas d’intentions cachées de « changement de régime », pas de soutien aux « révolutions de couleur », pas d’appui aux militants de la cause des droits de l’homme. La Chine reconnaîtrait et respecterait plutôt la « souveraineté absolue[7] ».
- Comment l’Iran a étendu ses tentacules profondément en Iraq. Le livre explique en détail comment, au lendemain de la deuxième guerre du Golfe qui a déposé Saddam Hussein, une fois que les forces américaines se sont largement retirées, l’Iran a saisi l’occasion d’influencer profondément l’Iraq et de l’utiliser comme un couloir pour soutenir ses représentants en Syrie et au Liban. Yergin observe : « Dans l’ensemble, l’Iran a pénétré à fond dans la structure politique et sécuritaire iraquienne, avec [le général Quassem] Soleimani[8] comme orchestrateur de tout cela. En 2019, sept cents câbles des services de renseignements iraniens ont fourni des preuves granulaires du réseau dense d’agents et d’espions, facilité par les pots-de-vin et l’intimidation. Comme l’a dit un Iranien, ‘Nous avons un bon nombre d’alliés parmi les dirigeants iraquiens en qui nous pouvons avoir une confiance aveugle’[9] » [traduction].
- Comment la croissance du pétrole de schiste américain a amorti le marché du pétrole contre les chocs de prix. Yergin décrit l’attaque de septembre 2019 par drones et par missiles sur des installations pétrolières saoudiennes, largement présumés provenir de l’Iran (malgré le déni de responsabilité de ce pays). Alors que dans les décennies passées, une telle crise aurait provoqué une flambée des prix sur les marchés internationaux du pétrole, cette fois-ci, il n’y a pas eu de telle réaction, observe-t-il, en partie parce que les Saoudiens avaient un important stock de pétrole pour pallier l’interruption de la production actuelle, mais aussi en raison de la nouvelle importance du pétrole de schiste américain : « Ce qui a également fait la différence, c’est le rééquilibrage du marché mondial du pétrole par la montée continue du pétrole américain. Car, il s’est avéré que le schiste n’a pas seulement reconfiguré le marché mondial du pétrole. Il a également reconfiguré la psychologie du marché mondial, en apportant un nouveau sentiment de sécurité[10] » [traduction].
CE QUE RÉSERVE L’AVENIR
Les 100 dernières pages du livre (une série de chapitres collectivement appelés « Feuille de route ») examinent l’avenir du secteur de l’énergie et ses ramifications sociétales. Le mot d’ordre est « transition », alors que Yergin évalue le potentiel de solutions de rechange plus écologiques pour remplacer les combustibles conventionnels.
Le transport étant depuis longtemps une chasse gardée du pétrole, Yergin commence cette section par un examen des origines et des progrès récents des voitures électriques (VE). La vignette d’introduction concerne un déjeuner-rencontre qu’Elon Musk a pris en 2003 avec deux ingénieurs, dont le but manifeste était de susciter l’intérêt de Musk pour les avions électriques. Lorsque Musk a rejeté l’idée de façon péremptoire, la conversation s’est tournée vers les VE. Musk s’est alors montré enthousiaste et n’a pas tardé à faire un chèque aux ingénieurs pour financer le démarrage d’une entreprise, en grande partie grâce à leur enthousiasme commun pour la réalisation de ce rêve. Yergin rapporte que les premières voitures américaines étaient en fait électriques et qu’Edison était suffisamment enthousiaste pour investir dans cette idée. Mais la chaîne de montage d’Henry Ford, ainsi que les progrès réalisés dans le domaine des moteurs à combustion interne, tels que le remplacement des anciennes manivelles par des démarreurs électriques, ont permis à la voiture à essence de prendre de l’avance.
L’idée des voitures électriques a été relancée dans les années 1990, raconte Yergin, alors que les autorités réglementaires californiennes faisaient pression sur les constructeurs automobiles pour qu’ils améliorent le rendement énergétique de leur parc. General Motors (GM) a dépensé un milliard de dollars pour concevoir un produit qui est entré sur le marché en 1996 — sans succès, comme il s’est avéré. C’est à Musk et à ses ingénieurs visionnaires, à commencer par la Roadster en 2006 et la Model S en 2012, qu’il incombait de faire bouger les choses avec des produits qui font tourner les têtes et qui sont amusants à conduire — ce qui a choqué l’industrie, qui ne croyait pas qu’une jeune entreprise obscure pouvait surpasser les grands constructeurs. Yergin passe ensuite en revue les efforts déployés par les entreprises établies, dont GM, pour percer avec leurs propres modèles de VE, et décrit les progrès impressionnants réalisés en Chine — aujourd’hui le plus grand marché automobile du monde, bien que le plus exposé au smog — pour produire des VE de pointe destinés à la consommation intérieure et à l’exportation[11].
Jamais un simple meneur de claque, Yergin souligne que les succès techniques et commerciaux des VE à ce jour, tant aux États-Unis qu’outre-mer, doivent beaucoup aux mandats gouvernementaux, aux généreuses subventions, aux crédits d’impôt et aux privilèges routiers spéciaux accordés aux conducteurs de VE. Par exemple, nous apprenons que (1) les permis de conduire dans les plus grandes villes chinoises sont délivrés gratuitement aux propriétaires de VE mais sont attribués avec parcimonie par tirage au sort aux personnes qui ne possèdent pas de VE; et (2) la Norvège, qui a le taux de pénétration de VE le plus élevé de tous les pays (40 %), propulse les ventes de VE grâce à des subventions presque irrésistibles (que le pays peut très bien se permettre) et à des privilèges de file de circulation. Yergin se demande quand les VE — qui ne représentent encore que 3 % des ventes mondiales — deviendront courants, et si la transition nécessitera encore plus de mandats réglementaires et d’importantes subventions (que les pays sortant de la pandémie peuvent difficilement se permettre) pour stimuler leur fabrication et leur vente. Il existe en outre des obstacles importants, note-t-il, en ce qui concerne les coûts de fabrication des batteries et de chaîne d’approvisionnement, ainsi que la disponibilité et la rapidité des bornes de recharge.
La « gamme des prévisions [d’adoption des VE] peut être très large », conclut Yergin, et « les gouvernements auront certainement un impact prépondérant, voire décisif[12] » [traduction]. Dans une discussion ultérieure, ses perspectives à long terme sont présentées de cette manière : « Le pétrole n’est plus le roi incontesté du transport automobile. Mais pendant un certain temps encore, son règne s’étendra assez largement dans le domaine des transports[13] » [traduction].
Dans les derniers chapitres de The New Map, l’auteur se penche plus précisément sur l’état du débat sur le changement climatique, la situation des énergies renouvelables, l’évolution de la composition des combustibles et ce qu’il appelle « l’avenir perturbé ». Yergin fournit un résumé compact de la phase préparatoire à l’Accord de Paris sur le climat, sa conclusion en décembre 2015, ce qu’il implique et n’implique pas, et comment un président nouvellement élu, M. Trump, a dénoncé la participation américaine au début de son mandat, amorçant ainsi le long processus de retrait[14]. Néanmoins, soutient Yergin, l’Accord de Paris sur le climat a déplacé le débat de la question de savoir si l’activité humaine réchauffe la planète et de combien, vers une posture plus proactive : que sont les nations (et leurs entreprises citoyennes) prêtes à faire à ce sujet.
Yergin souligne également comment le déclenchement d’alarmes sur le changement climatique s’est déplacé vers le monde de la finance et de l’investissement : « C’est Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre de l’époque, qui a donné le coup de klaxon », appelant à une « réaffectation radicale des investissements des entreprises énergétiques traditionnelles » vers une « décarbonisation des économies[15] » [traduction]. Cependant, l’auteur rend également compte du « repli » contre les programmes de désinvestissement, en citant le commentaire de Bill Gates selon lequel un tel plaidoyer « a probablement réduit d’environ zéro tonne les émissions » [traduction] et en ajoutant lui-même : « La demande des consommateurs [pour les carburants conventionnels] doit encore être satisfaite[16] » [traduction]. La campagne de désinvestissement a également germé sur les campus universitaires, les gestionnaires des fonds de dotation de Yale et de Harvard étant assiégés[17]. En ce qui concerne la stratégie de certains activistes visant à rebaptiser les combustibles fossiles comme étant, à l’instar du tabac, des produits « dangereux et créant une dépendance », Yergin fait remarquer de façon acerbe que « la différence, bien sûr, c’est que le tabac est une habitude, tandis que le pétrole et le gaz sont des catalyseurs de la vie moderne[18] » [traduction].
Dans son tour d’horizon des récentes déclarations et mesures de l’Union européenne (UE) pour parvenir à un bouquet énergétique beaucoup plus vert, Yergin qualifie la proposition de l’UE de marche forcée vers la « carboneutralité » en 2050 de « stupéfiante : rien de moins que de remodeler l’activité économique, de diriger les investissements et de reconstruire l’économie européenne » de manière à « agréger le pouvoir à la Commission européenne » en « réglementant les entreprises et en allouant des capitaux[19] » [traduction]. Même si Yergin ne va pas jusqu’à déclarer un tel objectif irréalisable, il fournit quelques estimations de coûts et qualifie l’ensemble du projet d’« intimidant ».
Dans son chapitre « Paysage des énergies renouvelables » [traduction], Yergin souligne l’énorme pression exercée par la Chine pour dominer la fabrication mondiale d’équipements solaires tout en devenant le plus grand consommateur de panneaux solaires au monde — représentant la moitié du marché mondial en 2017[20]. Tout en faisant le compte rendu de la croissance considérable de la capacité solaire et éolienne aux États-Unis et dans le monde jusqu’en 2020, Yergin avertit que les facteurs de disponibilité sont bien en deçà de la capacité annoncée (en moyenne environ 20 % pour le solaire, 25 % pour l’éolien, bien que plus importants pour les installations plus récentes et l’éolien en mer). Après avoir évoqué les défis d’équilibrage que pose aux gestionnaires de réseaux la production intermittente et décentralisée en quantité croissante, il propose cette estimation prudente : « … En ce moment, à tout le moins, le solaire et l’éolien ne peuvent pas faire cavalier seul. Ils ont besoin de partenaires. La production au gaz naturel est un partenaire flexible pour le solaire et l’éolien. Le gaz est plus faible en carbone et en émissions (avec le contrôle du méthane) et la production de gaz peut être augmentée et réduite pour assurer un équilibre contre les fluctuations de l’éolien et du solaire[21] » [traduction].
Le regard de The New Map sur l’avenir comprend également un court chapitre sur les « technologies de pointe »[22][traduction]. En ce qui concerne la capture du carbone, Yergin souligne que, bien que certains militants environnementaux la rejettent parce qu’ils pensent que la société devrait renoncer à toutes les activités humaines émettrices de carbone, la « gestion à grande échelle » du carbone est « d’une importance capitale » et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies — l’un des organismes les plus influents qui conduisent le mouvement de décarbonisation — « accorde un rôle important à la capture du carbone, tout comme l’Agence internationale de l’énergie[23] » [traduction].
L’auteur fait également un détour par le monde moins développé, en examinant la « pauvreté énergétique » à laquelle sont confrontées trois milliards de personnes (40 % de la population mondiale) qui souffrent souvent de la « pollution intérieure » causée par la dépendance aux combustibles de cuisson primitifs[24]. Ce chapitre se concentre sur l’Inde — qui sera bientôt le pays le plus peuplé du monde — qui dépend fortement du charbon et du pétrole pour son énergie commerciale[25]. Dans l’intérêt de la santé publique, le gouvernement tente de « mettre en place une économie basée sur le gaz », y compris le propane et le GNL. Le plan consiste à utiliser le gaz pour diversifier et décarboniser progressivement le mélange de types de production, ainsi qu’à remplacer le diesel dans le secteur des transports par du gaz naturel comprimé[26]. Ainsi, selon Yergin, l’expression « transition énergétique » a une signification différente dans le monde en développement.
Dans une discussion approfondie sur l’avenir des grandes entreprises pétrolières et gazières (« Le mélange changeant » [traduction]), Yergin souligne que (1) toute baisse de la demande de pétrole au cours des 30 prochaines années sera tout au plus progressive, car l’utilisation croissante dans les pays en développement compense les économies et les changements de combustibles prévus dans le monde développé, et (2) la demande en gaz naturel, y compris le GNL, reste en mode de croissance[27]. En outre, ces entreprises accélèrent leurs efforts de recherche et de développement de technologies offrant des solutions de rechange renouvelables au pétrole et au gaz ainsi que la capture du carbone, certaines adoptant même leurs propres objectifs de « carboneutralité »[28].
CONCLUSION
Alors que peu de critiques sont enclins à proclamer qu’un livre est « sans défaut » et qu’aucun livre ne peut être tout pour tout le monde, The New Map se rapproche de ces idéaux[29]. Sa portée remarquable explore les nombreuses facettes d’un sujet complexe d’une manière accessible qui devrait satisfaire à la fois l’appétit d’un professionnel de l’énergie pour des faits, des statistiques et des graphiques à jour, et l’intérêt d’un généraliste pour les perspectives historiques et les thèmes généraux. Yergin propose aux praticiens et aux décideurs politiques du secteur de l’énergie un traité complet, bien indexé et bien noté, qui est stimulant à lire, mais qui peut aussi servir d’ouvrage de référence. Il évite soigneusement les polémiques qui accablent certains textes sur l’énergie, la géopolitique et leur intersection; lorsque l’auteur donne une opinion, elle est raisonnée et nuancée — et non didactique. Il garde le lecteur conscient des nombreuses éventualités, incertitudes et défis qui compliquent les prédictions.
Bref, Yergin a de nouveau offert à son public un livre opportun et de grande portée qui, avec beaucoup de patience et de sagesse, explique l’importance de l’énergie, son fonctionnement et la façon dont le monde continuera de tourner autour d’elle.
- Une version antérieure de cette revue a paru dans l’Energy Law Journal, une publication de l’Energy Bar Association (Washington, D.C.); voir Kenneth A. Barry, « The New Map: Energy, Climate, and the Clash of Nations » (2020) 41:2 Energy LJ 375, en ligne (pdf): <www.eba-net.org/assets/1/6/41.2_Issue_Cover_to_Cover.pdf>.*Kenneth A. Barry a déjà été avocat en chef en matière d’énergie pour Reynolds Metals Co. à Richmond, Ve, et a occupé le poste d’avocat du secteur de la réglementation de l’énergie au cabinet de Washington D.C. d’Hunton Andrews Kurth. Il a aussi été un collaborateur régulier pour deux publications nationales sur le droit du secteur de l’énergie.
- Daniel Yergin, The Quest: Energy, Security, and the Remaking of the Modern World, New York, NY, Penguin Press, 2011.
- Daniel Yergin, The New Map: Energy, Climate, and the Clash of Nations, New York, NY, Penguin Press, 2020; Pour une balado par le Columbia Center on Global Energy Policy interviewant Yergin sur The New Map, voir « The New Map: Energy, Climate, and the Clash of Nations » (21 septembre 2020), en ligne (balado) : Columbia University <www.energypolicy.columbia.edu/new-map-energy-climate-and-clash-nations>.
- Yergin a reçu le Prix Pulitzer Prize pour The Prize: The Epic Quest for Oil, Money, & Power, New York, NY, Free Press, 1990.
- Yergin, supra note 3 à la p 194.
- Ibid à la p 178.
- Ibid à la p 182.
- Le général Soleimani, raconte le livre, a été le moteur principal de la Force Qods de l’Iran, qui a été utilisée pour fomenter des attaques militaires au-delà de ses propres frontières. Le livre relate également la mort de Soleimani au début de l’année 2020 aux mains d’un drone américain, alors que le général s’éloignait de l’aéroport de Bagdad. (Voir Ibid à la p 289).
- Yergin, supra note 3 à la p 233.
- Ibid à la p 288.
- Ibid aux pp 341–42 (Yergin note que la Chine considère le secteur des VE comme un « nouvel enjeu » dans lequel elle peut être compétitive sur le plan international (contrairement au secteur automobile traditionnel), ajoutant que près d’un million de VE y ont été vendus en 2019).
- Ibid à la p 346.
- Ibid à la p 371.
- Ibid à la p 382
- Ibid à aux pp 384–85.
- Ibid à la p 386.
- Ibid.
- Ibid à la p 387.
- Ibid à la p 389.
- Ibid à la p 396.
- Ibid à la p 402.
- Yergin souligne que lui et l’ancien secrétaire du ministère de l’Énergie Ernest Moniz ont fait équipe sur une nouvelle étude, Advancing the Landscape of Clean Energy Innovation, parrainée par la Fondation Gates et la Breakthrough Energy Coalition. Cette étude répertorie quelque vingt-trois technologies à fort potentiel.
- Yergin, supra note 3 à la p 404.
- Ibid à la p 407.
- Ibid à la p 408.
- Ibid à la p 410.
- Ibid à aux pp 417–18.
- Ibid à la p 419.
- Le livre comprend quelques cartes, qui sont essentielles pour comprendre un certain nombre de chapitres, mais parfois le lecteur souhaiterait en avoir quelques unes de plus – ou des renvois aux pages avec des cartes pertinentes. Dans de rares cas, il semble que le mauvais mot soit utilisé, ou que des phrases consécutives commencent par « mais », un petit contretemps stylistique.