La protection du consommateur dans le secteur énergétique de l’Ontario : un nouveau modèle

Avec la hausse continue des coûts énergétiques en Ontario, la représentation efficace des consommateurs dans les procédures règlementaires de tarification et lors d’autres audiences a pris de plus en plus d’importance. Le présent exposé de politique examine les récents développements dans la représentation des intérêts des consommateurs au cours de procédures règlementaires en Ontario et met en contraste les nouvelles propositions et les approches de protection des consommateurs utilisées dans d’autres secteurs de compétence.

En décembre 2015, le gouvernement de l’Ontario a adopté le projet de loi 112, Loi de 2015 pour renforcer la protection des consommateurs et la surveillance du réseau d’électricité.1 Une composante importante de la Loi exige de la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) qu’elle assume la responsabilité de la représentation des consommateurs, stipulant que « la Commission doit créer un ou plusieurs mécanismes permettant la représentation des intérêts des consommateurs  dans les instances introduites devant elle, au moyen d’activités de défense des intérêts ou de tout autre mode de représentation qu’elle prévoit » [tiré textuellement de la Loi]2. Cette nouvelle exigence est conforme au mandat fondamental de la CEO, qui est de « protéger les intérêts des consommateurs en ce qui concerne les prix, ainsi que la suffisance, la fiabilité et la qualité du service d’électricité »3.

Dans l’exercice de son rôle, la CEO statue sur des questions de politique contestées et participe à titre de partie aux audiences pour représenter les intérêts des consommateurs, ce qui pourrait poser un conflit. Le personnel de la CEO représente les consommateurs dans les procédures en présentant des preuves, en contre-interrogeant des témoins et en déposant des demandes. Les responsabilités doubles de la CEO ont été portées à l’attention dans un cas devant la Cour suprême en 2013 (Commission de l’énergie de l’Ontario c Ontario Power Generation Inc, et al.)4 où l’Ontario Power Generation (OPG) en a appelé de la décision de la CEO qui réduisait les dépenses autorisées concernant la rémunération et la dotation en personnel aux installations nucléaires. L’un des éléments de cette affaire s’articulait sur la tension entre le maintien de l’impartialité d’un tribunal et la prise de décisions judiciaires éclairées, surtout dans les cas de contrôle judiciaire. La CEO a fait valoir que, contrairement à d’autres secteurs de compétence qui disposent d’un défenseur public des intérêts des consommateurs ayant un mandat conféré par la loi, les consommateurs en Ontario risquent de ne pas être représentés adéquatement si elle en venait à abandonner son rôle de protection des consommateurs. Se fondant sur la jurisprudence, la Cour a fourni des directives quant à la façon de trouver un juste équilibre entre l’impartialité et la prise de décisions judiciaires éclairées. La reconnaissance par la Cour que ces préoccupations d’impartialité pouvaient peser davantage sur les tribunaux d’arbitrage était d’importance particulière pour la CEO.5 Bien que la Cour suprême ait maintenu la décision de la CEO, cette décision a mis à l’avant-plan les défis que posait la représentation des consommateurs dans le secteur énergétique de l’Ontario.

Bien que l’Ontario ne dispose pas d’un défenseur public des intérêts des consommateurs, des organismes de consommateurs d’énergie participent quand même aux audiences de la CEO. La Loi sur la CEO (1998) permet aux parties intéressées de participer aux audiences et aux procédures administratives en vue de présenter des arguments et des preuves, d’offrir des témoins experts et de contester les arguments des services publics.6 La CEO rémunère ces intervenants au moyen de fonds provenant de cotisations imposées aux services publics, pour les dépenses et les honoraires. D’avril 2014 à mars 2015, les dépenses attribuées aux intervenants totalisaient 5,25 millions de dollars, tirés des tarifs règlementaires. La figure 1 présente la liste des intervenants les plus actifs par ordre d’attributions de dépenses reçues. Il s’agit principalement de grands acheteurs d’électricité ou de gaz naturel, de producteurs d’électricité, de groupes environnementaux, de défenseurs des intérêts de consommateurs vulnérables et de propriétaires de biens à usage commercial/locatif. Les intervenants représentant des consommateurs résidentiels ne constituent qu’une mince partie de la totalité des dépenses attribuées aux intervenants.

Tableau 1. Intervenants aux audiences de la Commission de l’énergie de l’Ontario (avril 2014 à mars 2015) .

Intervenant Nombre
d’attributions
Total des attributions de dépenses
Coalition pour l’énergie des écoles 27 933 125,36 $
Coalition des consommateurs vulnérables d’énergie 60 701 177,58 $
Manufacturiers et exportateurs du Canada 25 691 782,82 $
Energy Probe Research Foundation 38 610 690,70 $
Building Owners & Managers Association 17 438 548,66 $
Consumers Council of Canada 16 328 779,15 $
Association of Major Power Consumers in Ontario 7 285 982,09 $
Association of Power Producers of Ontario 8 270 447,80 $
Federation of Rental-Housing Providers of Ontario 11 227 440,12 $
Association des consommateurs industriels de gaz 15 186 111,45 $
Total 4 674 085,73 $

 

Source : Commission de l’énergie de l’Ontario. Cost Awards by Intervenor – April 1, 2014 – March 31, 2015. http://www.ontarioenergyboard.ca/html/costawards/costawards_intervenor_2014.cfm. Consulté le 18 juillet 2016.

Les intervenants font valoir que leur participation aux procédures règlementaires avait pour effet d’assurer l’imputabilité des services publics auprès des consommateurs, et que les dépenses attribuées aux intervenants sont nécessaires aux fins d’engagement. Le Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC) a déclaré que « le processus règlementaire actuel de la CEO a permis aux contribuables de l’Ontario d’épargner des millions de dollars en exigeant que les sociétés de distribution d’électricité (SDE) justifient leurs demandes de remboursement pour des dépenses de fonctionnement et d’immobilisations ». Le PIAC estime que les intervenants réduisent les tarifs des services publics de 3,8% en moyenne, et soutient que les frais pour les intervenants sont minimes par rapport au budget global de la CEO7.

D’autre part, les services publics remettent en question l’importance des arguments de certains intervenants, ainsi que la mesure dans laquelle ils représentent réellement les intérêts des ayants cause. Dans les documents déposés devant la CEO pour son contrôle du processus d’intervention, Hydro One a soulevé des questions quant à une possible rupture entre certains intervenants demandant une attribution et les objectifs de leurs ayants cause. Hydro One a demandé la documentation à l’appui (y compris les énoncés de politique, les sondages et les procès-verbaux des réunions de consultation) des groupes d’intervention démontrant qu’un intervenant comprenait les objectifs du groupe qu’il représentait et qu’il recevait des directives de la part de ce groupe8. De grands distributeurs d’électricité se sont dits préoccupés par la dissociation de positions par les intervenants, surtout en ce qui concerne le personnel de la CEO, soutenant que des dépenses ne devraient être attribuées qu’aux intervenants se concentrant uniquement sur les questions ayant d’importantes répercussions pour le dossier en cause9.

PROTECTION DES CONSOMMATEURS AUX ÉTATS-UNIS ET AU CANADA

D’autres juridictions aux États-Unis et ailleurs au Canada ont adopté des approches différentes de celle de l’Ontario en ce qui concerne la représentation des consommateurs dans la règlementation des services publics. Depuis le début des années 1970, 31 États américains et cinq provinces canadiennes (l’Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse) ont mis en place des défenseurs des intérêts des consommateurs financés par l’État investis de mandats définis par la loi10. Ces défenseurs des consommateurs ont en commun le mandat de représenter les consommateurs résidentiels ou domestiques. Le tableau 2 présente la liste des États américains qui disposent d’un défenseur des intérêts des consommateurs avec des renseignements sur leurs budgets et leurs effectifs. Le bureau type de protection des consommateurs des États dispose d’un budget de 2 millions de dollars et d’un effectif de 15 employés.

Tableau 2. États américains où il existe un défenseur public des intérêts des consommateurs.

État Bureau Budget Budget par habitant de l’État Employés à temps plein
Alabama Consumer Interest Division S.o. S.o. S.o.
Arizona Residential Utility Consumer Office 1 335 000 0,196 8
Arkansas Consumer Utility Rate Advocacy Division 419 129 S.o. 4
Californie Office of Ratepayer Advocates 16 230 000 0,415 86
Colorado Office of Consumer Council 1 735 576 0,318 7
Connecticut Office of Consumer Counsel 2 618 000 0,729 13
Delaware Division of Public Advocate 991 200 1,048 6
Floride Office of Public Counsel 2 433 792 0,120 16,5
Hawaii Consumer Advocate 3 031 508 2,118 23
Illinois Citizens Utility Board 1 595 775 0,124 38
Indiana Office of Utility Consumer Counsel 5 600 000 0,846 23
Iowa Office of Consumer Advocate 3 137 588 1,004 16
Kansas Citizens’ Utility Ratepayer Board 876 129 0,301 6
Kentucky Office of Rate Intervention 1 000 000 0,023 6
Maine Office of the Public Advocate 1 676 000 1,261 8
Maryland Office of Peoples’ Counsel 3 793 805 0,632 19
Massachusetts Office of Ratepayer Advocacy 2 353 721 0,346 19
Missouri Office of Public Counsel 1 012 057 0,166 23
Montana Montana Consumer Counsel 1 320 650 1,279 6
Nevada Bureau of Consumer Protection 3 454 304 1,195 27
New Hampshire Office of Consumer Advocate 700 789 0,527 5
New Jersey Division of Rate Counsel 7 826 000 0,874 34
Caroline du Nord Division of the Public Staff 8 810 000 0,877 71
Ohio Consumers’ Counsel 5 600 000 0,482 35
Pennsylvanie Office of Consumer Advocate 5 533 000 0,432 28
Tennessee Consumer Advocate and Protection Division 701 400 0,106 7
Texas Office of Public Utility Counsel 2 201 622 0,080 25,5
Utah Office of Consumer Services 1 000 200 0,334 8
Vermont Public Advocacy Division S.o. S.o. 10
Virginie occidentale Consumer Advocate Division 1 034 376 0,561 6
Wyoming Office of Consumer Advocate 2 038 778 3,479 5
Moyenne 3 105 531 0,690 19,4
Médiane 2 038 778 0,482 14,5

Sources : Site Web d’agences et documents de communications et de budgets d’États.
S.o. – Sans objet

Bien sûr, le mandat et la portée des pouvoirs des défenseurs des intérêts des consommateurs, de même que les industries visées par ceux-ci et les ressources administratives dont ils disposent, varient grandement. Le New Jersey et l’Alberta présentent des exemples d’étude de cas contrastants.

La Division of Rate Counsel du New Jersey

L’une des meilleures formes de défense des intérêts des consommateurs se trouve au New Jersey où le Division of Rate Counsel (DRC) défend les intérêts des contribuables devant le Board of Public Utilities (BPU) du New Jersey, la législature, les organismes fédéraux de règlementation et les tribunaux. La défense des intérêts des consommateurs dans l’État remonte à l’adoption de la Department of the Public Advocate Act11 de 1974, mais son rôle a été élargi et renforcé de façon considérable depuis. Sa mission consiste à servir à titre de défenseur indépendant des droits des consommateurs et de s’assurer que tous les consommateurs de services publics de toute catégorie reçoivent des services publics sûrs, adéquats et convenables à des tarifs abordables qui sont justes et non discriminatoires. De plus, il voit à ce que les consommateurs sachent qu’ils ont le droit d’utiliser le service public de leur choix dans un marché de production d’électricité concurrentiel12. Le New Jersey compte près de neuf millions d’habitants desservis par sept services publics d’électricité et de gaz.

Le directeur de la DRC est nommé par le gouverneur de l’État et travaille au sein du Department of Treasury13. Le directeur actuel a été nommé en 2007. Le budget de la DRC, qui est approuvé par la législature de l’État, est constitué de cotisations annuelles imposées aux services publics et équivalant à un pourcentage de leurs recettes brutes d’exploitation. Le budget de 2015 était de 7,8 millions de dollars (une augmentation de 18% par rapport à 2014), avec un effectif de 34 employés à temps plein, ce qui en fait la plus importante organisation de défense des intérêts des consommateurs aux ÉtatsUnis.

La DRC a le pouvoir de mener des enquêtes, d’amorcer des études, d’effectuer des recherches, de présenter des commentaires et des témoignages devant les organismes gouvernementaux, de déposer des rapports et de produire et publier des guides du consommateur14. Elle a le pouvoir explicite d’intervenir dans les audiences du BPU sur les tarifs, et elle reçoit automatiquement toute pétition ou tout document que les services publics présentent au BPU. Lorsqu’elle intervient aux audiences sur les tarifs, la DRC peut accéder aux renseignements confidentiels des services publics ou du BPU et utiliser les ressources nécessaires pour défendre sa position15.

La DRC représente les intérêts des consommateurs dans la totalité des 24 grands dossiers sur les tarifs du secteur de l’électricité depuis 1990. La DRC a également participé aux négociations de règlement dans 17 cas qui ont mené à des ententes stipulées, travaillant avec le BPU et d’autres intervenants (non rémunérés par le BPU pour leur participation).

Contrairement à beaucoup d’autres défenseurs des intérêts des consommateurs, la DRC a le pouvoir d’exiger que le BPU amorce des procédures tarifaires pour un service public lorsqu’il « détermine que l’abandon ou la modification d’un service requis ou d’un tarif, d’un prix ou d’un frais pour un produit ou un service est dans l’intérêt du public »16. La DRC a agi en vertu de ce pouvoir en septembre 2011 lorsqu’elle a demandé que le BPU ouvre un dossier pour enquêter sur de possibles excédents de rendement par Jersey Central Power & Light17. Dans sa pétition pour le dossier tarifaire, la DRC a fait valoir que le service public gagnait 3,9 points de pourcentage de plus que son taux de rendement autorisé. Le BPU a donc ordonné une réduction de 20% dans les recettes permises du service public, ce qui a réduit la facture mensuelle moyenne des clients de 5,74 $18.

Utilities Consumer Advocate de l’Alberta

Le Utilities Consumer Advocate (UCA) de l’Alberta est une institution qui dispose de moins de pouvoirs que la DRC du New Jersey. Il fonctionne au sein d’un organisme gouvernemental et n’a pas le même degré d’indépendance que la DRC. Par conséquent, le directeur de l’UCA doit agir conformément aux directives d’un sous-ministre et rendre compte à ce dernier. Les pouvoirs de l’UCA ne sont pas clairement définis dans les lois et il n’est pas habilité à accéder automatiquement aux dossiers et à intervenir dans des audiences. Des propositions et des recommandations législatives pour renforcer l’UCA ont fait surface à plusieurs reprises, mais n’ont pas été mises en œuvre19.

L’UCA représente les intérêts de consommateurs devant l’Alberta Utilities Commission (AUC) et d’autres organismes. Cela a été établi en 2003 en vertu d’un règlement en réponse à un rapport publié par un conseil consultatif nommé par le gouvernement pour étudier l’état de la dérèglementation de l’électricité dans la province et dans lequel on soulignait comment les économies prévues n’avaient pas été réalisées et comment les plaintes de clients avaient augmenté20. Les responsabilités de l’UCA ont été définies dans la loi en 2007 annexe 13.1 de la Government Organization Act21. Sa mission depuis sa création a été de s’assurer que les consommateurs résidentiels, agricoles et de petites entreprises disposent de l’information et de la représentation requises en ce qui concerne la règlementation des industries de l’électricité et du gaz naturel de l’Alberta22.

L’UCA se trouve au sein de Service Alberta, dont le ministre est chargé de nommer et de surveiller le défenseur des intérêts des consommateurs. Ses responsabilités conférées par la loi sont insuffisamment définies, avec peu de détails dans la loi quant à ses objectifs, ses pouvoirs, son accès aux ressources nécessaires ou son budget. Toutefois, la loi de 2007 permet au lieutenant gouverneur en conseil d’adopter des règlements au moyen d’arrêtés ministériels qui orientent les activités de l’UCA. Contrairement à la DRC du New Jersey, l’UCA est limité dans sa capacité de participer aux audiences de l’AUC. Par exemple, il n’est pas habilité à obtenir des renseignements sur le service public ni de l’information règlementaire23, et le statut d’intervenant aux audiences de l’AUC ne lui est pas conféré automatiquement; il doit donc déposer une demande à cet effet. Par ailleurs, la Utilities Commission Act de 2007 de l’Alberta et une règle de 2008 par l’AUC limitent la capacité de parties intéressées, comme des municipalités et des groupes de consommateurs, d’intervenir et de demander une indemnisation pour leurs dépenses aux audiences de l’AUC24.

Des propositions législatives pour clarifier les obligations de l’UCA et l’habiliter afin qu’il puisse représenter les intérêts des consommateurs plus efficacement ont échoué à l’édiction à plusieurs reprises25. Une étude de 2012 par un comité indépendant établi par le Department of Energy de l’Alberta recommandait que l’UCA soit renforcé et rétabli à titre d’organisme indépendant, similaire à l’Alberta Utilities Commission ou à l’Alberta Electric System Operator26.

Malgré ces limites structurelles, l’UCA a été actif dans son travail de défense des intérêts des consommateurs. En 2015-2016, il a participé à 44 procédures de l’AUC et répondu à plus de 30 000 demandes de renseignements de la part de clients concernant leur service public27. Il a également été actif dans des cas d’appel devant la Cour d’appel de l’Alberta et la Cour suprême du Canada. Il dispose d’un budget de 7,6 millions de dollars, lequel provient de la collecte par le gouvernement de frais inclus dans les tarifs de distribution d’électricité et de gaz.

L’IMPACT DES DÉFENSEURS INDÉPENDANTS DES INTÉRÊTS DES CONSOMMATEURS

Les défenseurs des intérêts des consommateurs affirment souvent avoir contribué à l’établissement de tarifs plus bas par les organismes de règlementation que ceux qui auraient été établis sans leur intervention, bien que les données à cet effet soient habituellement non confirmées et difficiles à vérifier en l’absence de données contrefactuelles. Par exemple, l’UCA de l’Alberta a soutenu que ses interventions en 2013 avaient entraîné des économies de 38,3 millions de dollars, équivalant à un rendement du capital investi de 400% de son budget annuel. De même, le défenseur des intérêts des consommateurs de l’État de l’Illinois a soutenu que depuis la création de son entrée en service en 1984, il a permis aux contribuables d’économiser plus de 20 millions de dollars, produisant ainsi un rendement du capital investi de 300%28. Une étude menée par l’American Association of Retired Persons (AARP) avance des rendements encore plus importants, équivalant à des pourcentages des milliers de fois plus élevés que les budgets de défenseurs des intérêts des consommateurs au Maryland, au Maine, en Ohio et en Pennsylvanie29.

Les recherches universitaires sur l’impact de défenseurs des intérêts des consommateurs apportent un certain appui indépendant à de telles affirmations, bien qu’à une échelle plus modeste. Une première étude d’un échantillon représentatif de 12 États américains laisse entendre que les défenseurs des intérêts des consommateurs étaient plus efficaces que les groupes de citoyens locaux pour assurer une représentation aux audiences de règlementation30. Une deuxième étude des décisions règlementaires en Floride entre 1972 et 2002 a révélé que les défenseurs des intérêts des consommateurs ont joué un rôle primordial dans la promotion de l’innovation dans les processus règlementaires, ce qui comprend l’adoption de règlements négociés et stipulés31.

Une étude universitaire de 2014 coréalisée par la faculté de l’Ivey Business School présente la première analyse statistique de grande envergure qui évalue l’impact des défenseurs des intérêts des consommateurs sur les décisions en matière de politique pour les services publics des États-Unis32. Utilisant des données sur tous les contrôles des tarifs réalisés pour les services publics des États-Unis de 1980 à 2007, l’ouvrage a révélé que les organismes de règlementation dans les États dotés de défenseurs indépendants des intérêts des consommateurs établis autorisaient des taux de rendement financier qui étaient en moyenne inférieurs de 0,45 point de pourcentage à ceux de services publics au sein d’États sans défenseurs des intérêts des consommateurs. Pour le service public moyen, cet effet équivaut à une réduction d’environ 0,56% des recettes. L’étude démontre également que les services publics dans les États ayant des défenseurs des intérêts des consommateurs affichaient des tarifs résidentiels inférieurs par rapport aux tarifs commerciaux et industriels. En moyenne, le ratio des tarifs résidentiels par rapport aux tarifs non résidentiels était inférieur de 0,12 point de pourcentage pour les services publics dans les États dotés de défenseurs des intérêts des consommateurs. En somme, les auteurs de l’étude ont conclu que les États qui ont contribué à l’organisation des consommateurs résidentiels en mettant en place des défenseurs des intérêts des consommateurs financés par l’État ont incité les organismes de règlementation à accorder plus de poids aux intérêts des consommateurs, et surtout des consommateurs résidentiels, dans les décisions en matière de politique.

Conclusions

Pour les gouvernements qui revoient leur approche en matière de représentation des consommateurs dans la règlementation des services publics, les diverses expériences des États américains et des provinces canadiennes au cours des 40 dernières années peuvent porter conseil. Les données probantes accumulées, tirées de l’expérience et des recherches universitaires, indiquent que les intérêts des consommateurs peuvent être efficacement protégés dans les procédures règlementaires lorsque les gouvernements institutionnalisent la défense des intérêts des consommateurs grâce à des mandats, des ressources et des pouvoirs clairement définis. La capacité des défenseurs de représenter effectivement les intérêts des consommateurs et de façonner les politiques repose sur différents éléments :

  • L’autonomie institutionnelle par rapport aux ministères et autres organismes, tel qu’il est établi dans la législation.
  • Un mandat précis pour représenter les consommateurs aux audiences d’organismes, aux forums législatifs et devant les tribunaux, en présentant des témoignages et en faisant appel à des témoins experts; le pouvoir d’obtenir les documents et les dossiers des services publics et des organismes et de contre-interroger d’autres intervenants.
  • Un budget suffisant pour financer toutes les activités du bureau du défenseur des intérêts des consommateurs; la capacité d’embaucher du personnel et des experts indépendants.
  • Le pouvoir de procéder à des enquêtes ou des contrôles des pratiques des services publics.
  • Un processus professionnel pour sélectionner et nommer le directeur du bureau de défense des intérêts des consommateurs.

* Adam Fremeth, professeur adjoint et membre de l’Ivey Energy Consortium, Ivey Business School et Guy Holburn, chaire Suncor en politique énergétique et directeur, Ivey Energy Policy and Management Centre, Ivey Business School.

  1. PL 112, Loi de 2015 pour renforcer la protection des consommateurs et la surveillance du réseau d’électricité, 1re sess, 41e parl, Ontario, 2015 (sanctionné le 3 décembre 2015), LO 2015, c 29.
  2. Ibid, art 8.
  3. Loi de 1998 sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, LO 1998, c 15, art 1.
  4. Commission de l’énergie de l’Ontario c Ontario Power Generation Inc, et al., 2015 CSC 44, [2015] 3 SCR 147.
  5. Ibid au para 59.
  6. Supra note 3.
  7. Centre pour la défense de l’intérêt public, « Review of Framework Governing the Participation of Intervenors in Board Proceedings – Board File No. EB-2013-0301 Submissions of the Vulnerable Energy Consumers Coalition (VECC) and the Public Interest Advocacy Centre » (2013), en ligne: <http://www.rds.ontarioenergyboard.ca/webdrawer/webdrawer.dll/webdrawer/rec/411249/view/VECC_Comments_20130927.PDF>. En 2013, la CEO a entamé un contrôle formel de la participation d’intervenants dans les procédures réglementaires (EB-2013-0301).
  8.  Hydro One Networks, Re OEB Review of Framework Governing the Participation of Intervenors in Board Proceedings, Hydro One Networks (Response to Board Questions), EB-2013-0301 (27 septembre 2013) (OEB), en ligne: OEB <http://www.rds.ontarioenergyboard.ca/webdrawer/webdrawer.dll/webdrawer/rec/412591/view/HONI_Comments_20130927.PDF>.
  9. Large Electricity Distributors, Re OEB Review of Framework Governing the Participation of Intervenors in Board Proceedings, EB-2013-0301, Large Distributors (Phase One Submission) (27 septembre 2013) (OEB), en ligne: OEB <http://www.rds.ontarioenergyboard.ca/webdrawer/webdrawer.dll/webdrawer/rec/411246/view/Large%20Distributors_%20Phase%20One%20Comments_20130927.PDF>.
  10. Les États de la Géorgie, de New York et du Wisconsin ont démantelé les institutions de défense des intérêts des consommateurs, alors que des lois ont été proposées en Idaho, mais elles n’ont pas encore été adoptées. D’autres États et provinces offrent une représentation des consommateurs de façon ponctuelle par l’intermédiaire du cabinet du procureur général, de bureaux de services aux consommateurs ou de l’effectif de la commission de réglementation.
  11.  NJ Rev Stat § 52:27EE-86 (2013).
  12. US, State of New Jersey Division of the Rate Counsel, About the New Jersey Division of Rate Counsel, en ligne: <http://www.nj.gov/rpa/about/>.
  13.  NJ Rev Stat § 52:27EE-47 (2013).
  14. NJ Rev Stat § 52:27EE-48 (2013).
  15. NJ Rev Stat § 52:27EE-47 (2013); NJ Rev Stat § 52:27EE-48(b) (2013).
  16. NJ Rev Stat § 52:27EE-48 (2013).
  17. Re 2010 Base Rate Filing, Jersey Central Power and Light Co (Order), Docket No EO11090528 (2012) (BPU).
  18. Re 2012 Base Rate Filing, Jersey Central Power and Light Co (Order) (18 mars 2015) ER12111052 (BPU).
  19. Des versions antérieures de la Utilities Commission Act de 2007 de l’Alberta comportaient d’importants détails sur les responsabilités et l’administration de l’UCA qui ont été retirés au moyen de modifications à la Loi. Une tentative ultérieure en 2010 pour faire adopter une Utilities Consumer Advocate Act qui aurait considérablement renforcé et isolé l’UCA a été rejetée après la 2e lecture.
  20. Alberta Advisory Council on Electricity, Rapport au ministère de l’Énergie de l’Alberta, Edmonton, Alberta Energy, 2002.
  21. Government Organization Act, RSA 2000, c G-10, annexe 13.1.
  22. L’incarnation initiale de l’UCA a été édictée sans que le Cabinet du Premier ministre n’adopte de lois. À ce moment, l’UCA faisait partie du ministère des Services gouvernementaux et le défenseur en chef des intérêts des consommateurs assumait un rôle de sous-ministre.
  23. Utilities Consumer Advocate Regulation, Alta Reg 190/2014.
  24. Alberta Utilities Commission Act, SA 2007, c A-37.2, art 22 .La Utilities Commission Act de l’Alberta limitait la rémunération pour une intervention à un « intervenant local » qui (a) a un intérêt envers, et (b) occupe effectivement ou est en droit d’occuper  un territoire pour lequel une décision ou un arrêt de la Commission dans une audience ou par suite de celle-ci ou d’autres procédures de la Commission concernant une demande pour construire ou exploiter un aménagement hydroélectrique, une centrale électrique ou une ligne de transport d’électricité en vertu de l’Hydro and Electric Energy Act ou un pipeline de service de gaz en vertu de la Gas Utilities Act mais, sauf avec l’autorisation de la Commission, ne comprend pas une personne ou un groupe ou une association de personnes dont les intérêts commerciaux peuvent comprendre un aménagement hydroélectrique, une centrale électrique ou une ligne de transport d’électricité ou un pipeline de service de gaz.
  25. En 2007, des modifications à la Utilities Commission Act de l’Alberta en retiraient un article complet qui aurait détaillé les responsabilités et l’administration de l’UCA. Une tentative ultérieure en 2010 pour l’adoption d’une Utilities Consumer Advocate Act qui aurait considérablement renforcé et isolé l’UCA a été rejetée après la 2e lecture.
  26. Retail Market Review Committee, “Power for the people” (2012), en ligne: <http://www.energy.alberta.ca/Electricity/pdfs/RMRCreport.pdf.>.
  27. Service Alberta, Rapport annuel de Service Alberta 2014-2015, en ligne : <https://www.servicealberta.ca/pdf/annual/SA_Annual_Report_14-15.pdf.>.
  28. Voir le site Web de l’Illinois Citizens Utility Board : <http://www.citizensutilityboard.org/accompfull.html>.
  29. AARP, “AARP Report: David v Goliath : Why Consumers are losing New York’s utility game” (January 2014), en ligne:  <http://states.aarp.org/aarp-report-why-new-york-consumers-are-losing-the-utility-rate-hike-game/>.
  30. William Gormley, « Public advocacy in public utility commission proceedings » (1981) 17:4, The Journal of Applied Behavioral Science, 446-462.
  31. Stephen Littlechild, « Stipulated settlements, the consumer advocate, and utility regulation in Florida » (2009) 35:1, Journal of Regulatory economics, 96-109.
  32. Adam Fremeth et al., « The impact of consumer advocates on regulatory policy in the electric utility sector » (2014) 161:1, Public Choice, 157-181.

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